Vasculaire
Publié le 30 sep 2010Lecture 7 min
Le traitement des lésions artérielles sous le genou
N. LHOEST, D. PANEAU, E. WEISS, Hôpital Albert Schweitzer, Colmar
La prise en charge de l’ischémie critique et des lésions du pied diabétique est devenue actuellement un défi quotidien. En effet, la forte prévalence dans la population des patients diabétiques s’accompagne de pathologies multiples et notamment les lésions cutanées des membres inférieurs d’origine athéromateuse.
Le pronostic de l’ischémie critique de jambe est sombre avec à 1 an 30 % d’amputations et 25 % de décès(1).
La prise en charge de cette pathologie vasculaire a pour pierre angulaire la revascularisation par pontage ou par voie endovasculaire.
Après la présentation de la pathologie, des recommandations et des études, nous allons détailler les techniques et le matériel permettant une approche endovasculaire et ainsi faire part de notre expérience d’équipe mixte associant chirurgiens vasculaires et cardiologues interventionnels.
La pathologie
En France la prévalence du diabète est importante : on compte actuellement 2,6 millions de diabétiques avec selon l’OMS des perspectives péjoratives dans le futur (figure 1).
La population cible selon l’étude ECODIA 2 et l’Assurance-maladie est estimée à 243 000 patients à risque de pied diabétique(2) par an en France.
Cette pathologie est grave car le patient se dégrade vite sur le plan infectieux et nécrotique, d’où l’importance d’une prise en charge rapide et optimale s’appuyant sur la clinique et sur l’artériographie avec, si possible, une revascularisation ad hoc.
Figure 1. Diabète : prédictions de lʼOMS.
La clinique est prépondérante dans cette pathologie. L’absence de pouls distaux avec un pouls poplité perçu signe le diagnostic de pathologie artérielle jambière. Le scanner et l’IRM ne sont alors pas nécessaires.
Il faut prendre en charge les stades III, IV et les maux perforants dégradés.
Il est nécessaire d’être agressif sur le réseau distal et tenter de traiter un maximum de lésions dans un même geste, sinon on privilégie les axes des arches plantaires.
L’angioplastie n’est qu’un axe du traitement et il est nécessaire également de traiter les troubles trophiques rapidement.
Il est très important de pouvoir proposer à ce type de patient une approche multidisciplinaire(1,3) ce qui permet de réduire de 50 à 85 % le nombre d’amputations.
En France, on compte environ 8 500 amputations par an, dont 85 % sont précédées d’une ulcération. Le pied diabétique représente à lui seul 35 900 séjours hospitaliers en 2003, avec une augmentation annuelle de 8,8 %, une durée de séjour en moyenne de 18 jours représentant 17 % des séjours chirurgicaux(4).
Les recommandations et les études
Une seule étude multicentrique (BASIL) a comparé dans les lésions sous-inguinales la chirurgie à l’angioplastie au ballon dans l’ischémie critique. Elle a montré que si la survie des patients est inférieure à 2 ans, l’angioplastie au ballon fait aussi bien que la chirurgie ; sinon la chirurgie amène une augmentation de la durée de survie de 7,3 mois(5).
Les recommandations actuelles s’appuient sur celles de TASC II où l’angioplastie doit être utilisée en première intention (encadré).
Les recommandations HAS proposent d’orienter le patient vers une équipe pluridisciplinaire spécialisée dans un délai de 48 heures, sauf en cas d’infection étendue ou avec signes systémiques auquel cas l’hospitalisation doit être immédiate.
Dans les lésions courtes, le stenting s’appuie sur diverses études (tableau) avec une nette amélioration de la perméabilité des stents actifs versus les stents nus et le ballon seul à 6 mois et 1 an, la supériorité ayant été confirmée par l’étude DESTINY comparant le Multi-Link Vision au Xience® V.
Dans les lésions longues, le problème des stents actifs réside dans leur longueur limitée à l’origine de resténoses des zones non couvertes(6).
Actuellement, seul le stent Xpert (Abbott) a obtenu le remboursement dans cette indication et le stent actif Xience® est en attente du marquage CE dans cette indication.
Notre pratique
Le travail se fait en étroite collaboration avec l’équipe de chirurgie vasculaire : deux chirurgiens, un diabétologue et l’équipe paramédicale notamment les infirmières et les podologues pour les différents pansements et la mise en décharge des membres.
Nous organisons une réunion pluridisciplinaire et discutons de la stratégie de traitement, notamment des possibilités de revascularisation accompagnées de gestes chirurgicaux associés (résection chirurgicale de plage de nécrose, amputations, etc.) dans la foulée et le plus souvent dans la même hospitalisation, gestes suivis d’une prise en charge par le podologue et l’infirmière.
Nous nous appuyons très fortement sur les techniques et le matériel coronaire pour réaliser les revascularisations par angioplastie, même si la technique d’angioplastie sous-intimale (Bolia) est une alternative très intéressante notamment dans les occlu-sions longues peu calcifiées (figure 2).
Figure 2. Occlusions longues peu calcifiées avant et après revascularisation.
Les procédures sont réalisées idéalement en 4 F par voie antérograde le plus souvent en utilisant un introducteur droit Flexor® (Cook Medical) ou Fortress (Biotronik). Parfois, la procédure doit être réalisée par voie rétrograde en cas d’abord antérograde difficile notamment chez les patients obèses ou en cas de bifurcation fémorale haute. L’extrémité distale de l’introducteur est placée au niveau du canal de Hunter.
Nous utilisons ensuite soit des guides de 0,018 pouce en l’occurrence Cruiser® (Biotronik), soit plus largement la gamme de nos guides coronaires en commençant par un guide de première intention, par exemple, Prowater® (Abbott) puis toute la gamme des guides Asahi (guide hydrophile Whisper® en passant par Miracle® et Confienza®). Le choix sera fait en fonction des lésions (tortuosités, occlusion chronique) comme pour les lésions coronaires.
Nous utilisons ensuite des ballons le plus souvent coronaires notamment dans les lésions complexes en raison de leur profil inégalé par le matériel proposé par la gamme périphérique et notamment sur les lésions courtes : Pantera® (Biotronik), Riujin® (Terumo). Pour des lésions plus longues, on utilise le matériel dédié de type Passeo 18® (Biotronik), Fox SV® (Abbott) ou Sterling® (Boston).
Les stents sont largement utilisés, on implante le plus communément des stents autoexpansifs au nitinol de type Astron® Pulsar (Biotronik) et des stents sur ballon PROKinetic Explorer (Biotronik). Les stratégies sont celles utilisées en angioplastie coronaire lors de bifurcations (provisional T stenting avec kissing terminal) (figure 3).
Pour les occlusions chroniques, on se sert de l’ensemble des stratégies utilisées en coronaire : guides dédiés, microcathéters, voies rétrogrades via les collatérales (figure 4).
Figure 3. Provisional T stenting avec kissing terminal.
Figure 4. Désocclusion par voie rétrograde.
En cas de lésions non franchies par nos meilleurs ballons, nous utilisons lʼathérectomie rotative par Rotablator® (figure 5).
Figure 5. Traitement dʼune lésion par Rotablator®.
L’utilisation des stents est large notamment dans les lésions courtes et proximales où les stents nus sur ballon seront préférés. En cas de longue lésion, nous privilégions en première intention l’utilisation de longs ballons avec un stenting seulement en cas de mauvais résultat en utilisant alors des stents autoexpansifs.
Par ailleurs, certaines resténoses courtes ont justifié l’utilisation de stents actifs coronaires notamment des stents de longues tailles (38 mm) Taxus® (Boston) ou Xience® (Abbott).
Les stents actifs ne peuvent avoir leur indication que dans les lésions courtes. En effet, leur longueur étant souvent insuffisante pour les lésions longues, le coût serait prohibitif et les zones non couvertes ont un risque plus élevé de resténose comme cela a été mis en évidence dans les études.
La connaissance de la notion d’angiosome peut également nous aider à traiter l’artère pathologique à l’origine du trouble trophique (figure 6).
Figure 6. Pontage et angiosome.
Conclusion
La prise en charge de l’ischémie critique sévère notamment chez le diabétique et des lésions artérielles sous le genou nécessite une équipe pluridisciplinaire assurant la prise en charge globale du patient.
Les techniques endovasculaires reposent sur la complémentarité des techniques et des cultures notamment cardiologiques et de la chirurgie vasculaire. Il est nécessaire de ne pas oublier que l’important est le sauvetage du membre et non la perméabilité à distance de l’artère.
La connaissance du matériel périphérique et coronaire amène un gain technique augmentant les chances de succès des procédures et donc une augmentation de chance de sauvetage du membre atteint.
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