Publié le 30 sep 2009Lecture 8 min
Les stents actifs CYPHER® - Utilisation dans l'angioplastie primaire de l'infarctus du myocarde en phase aiguë
O. VARENNE, N. MARQUE, S. SILBERMAN, C. SPAULDING, Hôpital Cochin, Paris
Les stents CYPHER® commercialisés par Cordis ont déjà fait la preuve de leur efficacité. Peut-on les utiliser en phase aiguë de STEMI ? C’est ce que ce « Testé pour vous » cherche à évaluer.
Stents actifs en phase aiguë de STEMI ?
L'utilisation des stents actifs en phase aiguë de STEMI a suscité des débats passionnés et fait couler beaucoup d'encre. Certains refusent catégoriquement d'utiliser les stents actifs dans ce contexte en raison de craintes d'un risque accru de thrombose. Les mêmes n'hésitent cependant pas à recourir à leur large utilisation en cas de NSTEMI pourtant très voisins sur le plan physiopathologique. Il est utile de rappeler ici quelques preuves scientifiques accumulées au cours des dernières années et quelques réserves concernant leur application en pratique quotidienne.
Les preuves scientifiques
Les stents actifs en général, et CYPHER® en particulier, ont été très largement et massivement étudiés dans le contexte des STEMI avec plus de 5 000 patients inclus dans des essais randomisés, représentant sans aucun doute, une population plus nombreuse que toute autre lésion spécifique où le recours aux stents actifs ne semble pas poser autant de problèmes (occlusions, troncs communs, resténose, petits vaisseaux, etc.).
L’étude MISSION a randomisé 310 patients entre stents CYPHER® et stents nus durant un STEMI pour évaluer l'efficacité des stents actifs dans ce contexte thrombotique. Après 9 mois, l'efficacité des stents CYPHER® sur la resténose est retrouvée, avec un late loss de 0,12 mm vs 0,68 mm dans les stents nus. L'étude ne permet pas de conclure sur les événements cliniques.
L'essai TYPHOON a permis de valider le recours aux stents CYPHER® dans une large population de 712 patients avec STEMI. Les stents CYPHER® sont associés à une réduction de près de 50 % des événements cardiovasculaires à 1 an (décès, infarctus et revascularisation du vaisseau cible), principalement par une réduction des réinterventions coronaires liées à des épisodes de resténose (figure 1). Ce bénéfice est également observé chez les patients n'ayant pas été soumis à un contrôle angiographique systématique (6,8 % vs 12,7 % ; p = 0,034). Il n'est pas retrouvé d'augmentation de la mortalité entre stents actifs et nus (2,3 % vs 2,2 % ; p = NS) ou des taux de réinfarctus (1,1 %vs 1,4 % ; p = NS) (figure 2). Les taux de thromboses de stents sont similaires dans les deux groupes de patients (3,4 % vs 3,6 % ; p = NS).
Ces bons résultats sont maintenus après 4 ans avec des taux de revascularisation favorables aux stents CYPHER® (7,2 % vs 15,2 % ; p = 0,005) (figure 3) et des taux similaires de décès, de réinfarctus et de thrombose de stent.
Figure 1. Étude TYPHOON : résultats à 1 an sur le critère primaire, TVF.
Figure 2. Étude TYPHOON : événements cliniques à 1 an.
Figure 3. Étude TYPHOON à 4 ans : taux de patients indemnes de revascularisation de la lésion cible.
Dans MULTISTRATEGY qui a inclus des patients moins sélectionnés et devant prendre la double association aspirine et clopidogrel pendant au moins 3 mois, les mêmes résultats favorables sont observés à 1 an avec des taux d'événements réduits de près de 50 % en faveur des stents CYPHER® (7,8 % vs 14,5 % ; p = 0,006) (figure 4). Dans l'essai STRATEGY, les bons résultats observés à 1 an se maintiennent à 5 ans avec un taux d'événements de 30 % chez les patients traités par stent actif et tirofiban et 51 % en cas de stenting nu sous abciximab (p = 0,006) sans différence de mortalité, ou de thrombose.
Figure 4. Étude MULTISTRATEGY : résultats à 8 mois sur le critère primaire, MACE.
Des résultats favorables ont été également rapportés avec les stents Taxus® (Boston Scientific) dans cette même indication (étude HORIZONS-AMI), se limitant également à un bénéfice en termes de revascularisations sans effet sur la mortalité ou les réinfarctus, malgré un risque accru de thromboses aiguës de stents actifs (et nus) en cas de traitement par bivalirudine. On ne dispose que de deux études comparatives entre ces deux plateformes dans cette indication précise.
PROSIT montre un bénéfice en termes de resténose angiographique en faveur du stent sirolimus à 6 mois (0,09 mm vs 0,33 ; p = 0,002) et l'étude ZEST-AMI, non publiée, compare les taux de resténoses angiographiques des stents CYPHER®, Taxus® et Endeavor™ (Medtronic) avec des résultats favorables au premier (2 vs 9 vs 15,9 % ; p = 0,027).
Plusieurs méta-analyses retrouvent et amplifient ce bénéfice. La méta-analyse de Schömig et al. retrouve le bénéfice des stents actifs chez 2 786 patients traités en termes de revascularisations et de critères combinés à un an (RR = 0,38 ; IC 95 % : 0,29-0,50 ; p < 0,001), mais également des taux identiques de thromboses (RR = 0,80 ; IC 95 % 0,46-1,39 ; p = 0,43). Dans l'ensemble des analyses de thromboses de stents dans des études ayant utilisé les stents CYPHER®, on retrouve des taux de thromboses similaires par rapport aux stents nus (figure 5).
Figure 5. Taux de thrombose de stents CYPHER® vs stents nus selon les études cliniques.
Dans le registre GRACE regroupant les SCA traités dans les centres participants, il a été suggéré que la mortalité était majorée dans le groupe des patients traités par stents actifs entre 6 mois et 2 ans. Cependant, en raison du nombre important de patients perdus de vue à 2 ans, et du fait que la mortalité sur la même période est favorable aux stents actifs, cette conclusion doit être prise avec précaution. De plus, les profils de risque des patients entre les deux groupes étaient très différents et peuvent impacter les événements cliniques à 2 ans.
Dans MASS-DAC, après appariement pour les profils de risque, les patients recevant un stent actif (71 % CYPHER®) ont non seulement un bénéfice en termes de revascularisation, mais également un bénéfice en termes de mortalité (-3,1 % ; IC 95 % : -5,4 - -0,8 ; p = 0,009) (figure 6).
Figure 6. Registre MASS-DAC : résultats à 2 ans.
Quelques éléments à considérer avant de recourir aux stents actifs en cas de STEMI
La préparation du vaisseau est particulièrement importante. La thromboaspiration permet de réduire le volume de thrombus présent au moment de l'impaction du stent (un important thrombus au moment du stenting est associé à une péjoration du pronostic). Elle doit être associée à une vasodilatation correcte du vaisseau cible par utilisation de vasodilatateurs intracoronaire afin d'éviter d'impacter un stent trop petit, facteur associé au risque de mal apposition et de thrombose. La longueur du stent est aussi importante et doit couvrir toute la lésion (de zone saine à zone saine) en préférant utiliser une seule endoprothèse afin d'éviter les zones de chevauchement. Le traitement des lésions de bifurcation est associé à un surrisque de thromboses. Le résultat angiographique doit être parfait, en particulier en cas de sous-déploiement du stent, une postdilatation au moyen d'un ballon non compliant un quart de taille supérieure est recommandée.
Une double antiagrégation plaquettaire indispensable
La prise d'une double antiagrégation plaquettaire est capitale. Dans le registre PREMIER, jusqu'à 13,6 % des patients avaient arrêté le clopidogrel après 30 jours et avaient une augmentation significative de la mortalité par rapport à ceux poursuivant l'association (figure 7). L'utilisation de nouveaux antiplaquettaires plus puissants que le clopidogrel comme le prasugrel testé dans l'étude TRITON TIMI 38, permet de limiter les complications ischémiques après angioplastie, dont une réduction significative des thromboses de stents actifs et nus. Pour rappel, dans les STEMI, l'ESC recommande la prise d'une double antiagrégation plaquettaire pendant 1 an après implantation d'un stent nu ou d'un stent actif. L'utilisation des stents actifs en phase aiguë d'un STEMI est maintenant remboursée chez certains patients à haut risque de resténose en dehors de certaines situations cliniques spécifiques (choc cardiogénique, dysfonction ventriculaire gauche, lésion de bifurcation, large volume thrombotique, etc.) et pouvant suivre une double antiagrégation plaquettaire pendant au moins 1 an : patient diabétique, lésion de petit vaisseau, lésions longues et sténose de l'IVA. Dans cette indication, les stents actifs CYPHER® ont le plus grand nombre de patients inclus dans des études randomisées et le plus long recul clinique.
Figure 7. Registre PREMIER : mortalité à 12 mois.
Cas clinique
M. G. âgé de 49 ans, est hospitalisé dans notre service à la 3e heure d'un syndrome coronaire aigu avec sus-décalage du segment ST (STEMI). Ce patient, diabétique et fumeur, a contacté le SAMU 30 minutes plus tôt. L'ECG réalisé retrouve un sus-décalage de ST en D2, D3, AvF, V5 et V6. Après administration d'une dose de charge de clopidogrel de 600 mg et d'aspirine de 500 mg (IV), le patient reçoit une injection IV de 0,7 ml d'énoxaparine et 3 cg de morphine.
À l'arrivée en salle de cathétérisme, un bolus IV et une perfusion de Réopro® (abciximab) sont débutés. La coronarographie réalisée par voie radiale gauche retrouve un réseau infiltré et une première branche marginale occluse. Après passage d'un guide BMW™ 0,014", on réalise plusieurs thromboaspirations au moyen d'un cathéter Export® permettant de restaurer un flux TIMI 3. On injecte alors 1 mg de Risordan (isosorbide dinitrate) IC, permettant de visualiser une longue lésion irrégulière de cette même artère (photo 1).
Photo 1. Longue lésion de la première marginale après thromboaspiration.
Compte tenu des risques élevés de resténose intrastent (longue lésion, patient diabétique), et après avoir confirmé la bonne adhésion probable du patient au double traitement antiplaquettaire, il est décidé d'implanter un stent actif CYPHER® 3.0 x 23 mm à 14 atm.
Le résultat final est optimal sans compromission du flux. Le stent est bien apposé sans confirmation par IVUS (photo 2). Le sus-décalage et la douleur ont disparu. L'évolution est simple et le patient est autorisé à regagner son domicile à J5 sous aspirine et clopidogrel. Le patient est revu après 1 mois et une épreuve d'effort réalisée à 12 mois est négative cliniquement et électriquement laissant supposer l'absence de resténose significative intrastent.
Photo 2. Résultat après pose d'un stent CYPHER® 3.0 x 23 mm.
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