Publié le 20 oct 2019Lecture 8 min
Tous les cath labs doivent pouvoir implanter une assistance circulatoire !
Camille BRASSELET, Polyclinique Reims-Bezannes, Bezannes
Quelle assertion saugrenue. Mais, en fait, est-elle réellement si saugrenue ?
Le débat sur la contre-pulsion intra-aortique
La contre-pulsion intra-aortique est souvent décriée car considérée comme n’étant pas un réel système d’assistance circulatoire. D’ailleurs, les sociétés européenne et nord-américaine de cardiologie signant de facto son inefficacité ont complètement dégradé son positionnement. Cependant, la contre-pulsion intra-aortique reste le mode de support circulatoire mécanique le plus employé dans le monde. La dernière enquête menée sous l’égide du GACI rapporte que la quasi-totalité des cath labs de France en sont dotés. Bien que n’ayant aucune valeur scientifique ou de recommandation, toute question posée en salle lors des congrès de cardiologie interventionnelle concernant l’utilisation du ballon de contrepulsion intra-aortique se conclut par une marée de mains levées des congressistes...
L’augmentation de la pression diastolique sous contre-pulsion intra-aortique reste dépendante de la contractilité myocardique résiduelle. Elle est anecdotique pour un faible volume d’éjection aortique résiduel (< 30 ml) et « inutile » pour un volume d’éjection aortique > 100 ml. Nous savons également tous que la tachycardie et/ou un rythme irrégulier pénalisent cette augmentation. Ainsi, dans des situations correctement ciblées, une contre-pulsion intra-aortique impacte favorablement la perfusion coronaire et réduit le travail myocardique via une augmentation attendue de 0,5 l/min. Dès lors, alors qu’elle a été récemment déconsidérée comme n’étant pas un réel système d’assistance ou n’ayant qu’un bas niveau de preuve de son efficacité, l’utilisation d’une contre-pulsion reste valide, en particulier en cas de syndrome coronaire aigu, d’atteinte diffuse du réseau coronarien ou d’angioplastie programmée complexe et/ou à haut risque. Il reste donc parfaitement licite de la conserver dans son cath lab et de l’utiliser à bon escient.
Qu'en est-il du système d'assistance ventriculaire gauche percutané (IMPELLATM) ?
Plusieurs systèmes ont été développés. Le plus abouti et le plus utilisé est le système ImpellaTM. Trois systèmes percutanés sont disponibles, ImpellaTM 2,5 (12 F, flux maximal 2,5 l/min), ImpellaTM 3,5 (14 F, flux maximal 3,5 l/ min) et ImpellaTM RP permettant l’assistance droite. Le système ImpellaTM 5,0 (21 F, flux maximal 5,0 l/min) impose un abord chirurgical, rendant son implantation au cath-lab moins autonome.
Le système ImpellaTM permet une baisse des pressions pulmonaires. L’augmentation du débit systémique doit néanmoins intégrer une réduction du débit cardiaque et un certain degré de régurgitation aortique liés à la présence du cathéter au travers de la valve aortique et dans le ventricule gauche. L’augmentation du débit systémique estimé est proche de 25 % avec l’ImpellaTM 2,5, assorti à une majoration de la pression moyenne de perfusion aboutissant à une meilleure circulation dans les différents organes.
L’impact sur la perfusion des artères coronaires reste débattu. Les complications liées à son implantation cumulent les accidents ischémiques en aval du site d’abord, les complications hémorragiques, mais aussi parfois des complications d’hémolyse dues au fonctionnement de la turbine.
Le système veino-artérielle
Parmi les différentes méthodes d’assistance circulatoire mécanique, l’ECMO (extra corporeal membrane oxygenation) veinoartérielle (V-A) est celle qui procure le meilleur niveau d’assistance circulatoire avec un coût d’abord artériel et d’infrastructure moindre. Deux canules (une veineuse, jusqu’à 22 F et une artérielle, jusqu’à 17 F), sont implantables par voie périphérique percutanée. L’association d’une pompe à une membrane d’oxygénation garantit une oxygénation sanguine et un niveau élevé de débit de perfusion qui, comme pour le système ImpellaTM, assure un régime de perfusion non pulsatile. La gestion d’un patient sous ECMO V-A doit rester limitée aux équipes entraînées à la gestion des chocs cardiogéniques sévères. Le coût d’utilisation important est un frein pratique majeur à son développement. Les complications assorties à son usage sont multiples : accidents thrombotiques, accidents hémorragiques comprenant également des hémorragies intracérébrales, hémolyses et accidents ischémiques des membres inférieurs pour les plus fréquents. Aussi, la sélection des patients à implanter doit être mûrement pesée et réfléchie, au sein d’une équipe multidisciplinaire (cardiologues-chirurgiens cardiaques-réanimateurs-chirurgiens vasculaires-perfusionnistes). Cette équipe n’est pas nécessairement physiquement réunie, les moyens modernes de communication autorisant des discussions multi-équipes/multi-praticiens, quelles que soient les distances ou l’horaire de la discussion.
Les indications justifient-elles la discussion ?
Les indications des systèmes de supports mécaniques sont multiples, elles deviennent de plus en plus fréquentes. La plus évidente concerne la prise en charge des patients en situation de choc cardiogénique, qu’il soit d’origine ischémique (étiologie principale), toxique, infectieuse ou rythmique. Une complication aiguë (fuite mitrale aiguë ou rupture septale) est également une indication de support mécanique. L’anticipation d’un risque élevé de développer un choc cardiogénique lors d’une procédure coronaire complexe et à haut risque peut être aussi une bonne indication de recours à un système de support mécanique : sa finalité est la réduction de la demande en oxygène du myocarde, la limitation du risque de survenue d’un choc cardiogénique, mais aussi il permet une revascularisation la plus complète possible. Ces différentes situations cliniques sont de plus en plus fréquentes du fait de la prise en charge de patients de plus en plus complexes, avec des procédures de plus en plus ambitieuses, et forcément à risques majorés.
Le groupe USIC de la Société française de cardiologie (SFC) a rédigé une mise au point dans les Archives of Cardiovascular Disease concernant l’assistance circulatoire mécanique de courte durée dans le choc cardiogénique(1) qui s’impose aujourd’hui comme le référentiel national dans la définition, les indications, les stratégies thérapeutiques à mettre en œuvre pour tout patient concerné par un état de choc cardiogénique.
Figure. Dénomination acte CCAM s’il existe. Remboursement acte CCAM s’il existe (CPIAO oui/ECMO non). Prix consommable par patient.
Le maillage actuel de la population à traiter associé à la répartition nationale des centres experts rompus à la gestion quotidienne des chocs cardiogéniques extrêmes, mais également, les contraintes géopolitiques nationales visant à sur-sélectionner une typologie de patients traitables en cardiologie interventionnelle exclusivement dans un centre équipé d’un service de chirurgie cardiaque offrant le recours à une assistance en urgence, rendent indispensable la mise à disposition de systèmes d’assistance circulatoire dans des centres « esseulés » ou « isolés ».
Des contraintes multiples
La formation d’un ou deux opérateurs par centre est indispensable. Elle n’est en rien illusoire. Tout cardiologue interventionnel habitué à des gestes complexes et précis sur les coronaires, souvent impliqué dans un programme structurel valvulaire, sera rapidement à l’aise avec l’implantation d’un système d’assistance. L’interaction avec une équipe étoffée et rompue à la prise en charge prolongée de patients complexes est obligatoire. Il ne sera pas acceptable d’implanter un patient sans option ou espoir thérapeutique. Seules ces équipes expertes apportent un avis éclairé sur la stratégie thérapeutique à mettre en oeuvre, ou la légitimité de son abandon.
Il n’existe pas de recommandations scientifique ou institutionnelle concernant le prérequis à l’implantation d’un système d’assistance circulatoire. Tout comme les seules certifications préalables à la pose d’une prothèse de TAVI qui passent par un stage effectué chez le fabriquant de ladite prothèse. Cette année, un module spécifique d’un an vient d’être créé dans le cadre du DIU de cardiologie interventionnelle pour le TAVI. Concernant l’implantation des systèmes d’assistance circulatoire, elle reste accessible au cardiologue interventionnel ou au chirurgien vasculaire sans contrainte règlementaire. Néanmoins, la présence sur site d’une équipe de chirurgie vasculaire est importante en raison des risques ischémiques connus. Il s’agit d’un avis personnel de prudence.
La présence d’une Heart Team
Toute équipe de cardiologie interventionnelle doit aujourd’hui à ses patients la réflexion d’une Heart Team. Dans certains cas, cette Heart Team peut se transformer en une Shock Team qui apportera réflexion et expertise 24/24 h, même à grande distance kilométrique. L’urgence est ensuite au choix et à l’implantation d’un support mécanique adapté. Le transport secondaire d’un patient stabilisé est parfaitement gérable ultérieurement. La qualité du réseau de prise en charge locale est indispensable au succès d’un tel projet. Elle ne dépend pas que des hommes, mais aussi des infrastructures à leur disposition et de leur capacité à interagir avec fluidité. La préoccupation des équipes SMUR est d’éviter qu’un choc cardiogénique soit adressé dans un centre sans moyens adaptés, car si presque tous les cardiologues interventionnels sont censés savoir implanter une ECMO, la faire tourner efficacement et de façon prolongée est une autre problématique. Aujourd’hui, dans bon nombre de grandes villes, les Unités mobiles d’assistance cardiaque (UMAC) ont une grande expérience dans ce domaine mais se heurtent principalement à deux écueils : la totalité des citoyens français ne sont pas résidents ou actifs dans de grandes villes ce qui parfois peut générer une perte de temps des UMAC, aussi motivées et performantes soient-elles, pour arriver sur site.
La principale et réelle limitation est en fait économique
Ces systèmes sont extrêmement coûteux, sans aucune prise en charge pour les consommables. Même s’il existe un codage CCAM (EQLA002 : « pose d’une circulation extracorporelle en urgence pour assistance circulatoire, par abord vasculaire périphérique »), cet acte chirurgical est sans remboursement. Il n’existe pas d’équivalent pour un acte percutané. Il n’existe de codage valorisable que pour la pose percutanée des cathéters veineux (EPLB002, EPLF003, EPLF005), mais non pas artériels.
Ils sont donc supportés exclusivement sur les fonds dégagés des structures publiques et privées. Une grande partie des structures hospitalières publiques et privées ont aujourd’hui des difficultés financières qui n’autorisent pas ou que très difficilement le « luxe » de la mise à disposition altruiste de tels systèmes.
Conclusion
Une réflexion globale à l’échelon national, assortie du déblocage de fonds spécifiques, associée à la nécessité de discussion de chaque cas entre une équipe « solitaire » et une équipe « experte », couplée à une mise en place volontariste d’un tel maillage national, permettra de proposer à l’ensemble de la population une homogénéité dans les moyens de prise en charge de situations cliniques graves, mais loin d’être exceptionnelles.
En l’état actuel des choses, l’assertion initiale devrait être modulée en « Tous les cath labs devraient pouvoir implanter une assistance circulatoire ! », sauf à considérer la contre-pulsion intra-aortique comme une assistance cardiaque et qu’elle garde sa place, ce dont nous venons de discuter.
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