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HTA

Publié le 14 nov 2014Lecture 12 min

HTA de la femme : quelles spécificités ?

T. DENOLLE, Hôpital Arthur Gardiner, Dinard

Alors que la parité est mise en avant en période d’élection, existe-t-il de réelles spécificités de l’HTA chez la femme par rapport à l’homme ?
Il faut d’abord noter que si la mortalité par maladie cardiovasculaire a diminué de moitié en 25 ans dans les deux sexes (figure 1), elle reste encore bien plus fréquente chez l’homme que chez la femme. Cependant, elle ne constitue plus que la deuxième cause de mortalité chez l’homme depuis une dizaine d’années derrière le cancer, mais reste toujours la première cause chez la femme avec une prépondérance des AVC sur les cardiopathies ischémiques, à l’inverse de l’homme. L’HTA constituant le facteur de risque majeur des AVC, il paraît donc effectivement justifié d’améliorer sa prise en charge chez la femme.

  Figure 1. Évolution des taux de décès standardisés par maladies cardiovasculaires, cancers et autres causes de la mortalité générale entre 1980 et 2005 (France métropolitaine, 2 sexes).   Épidémiologie de l’HTA suivant le sexe   D’après les études MONALISA et de l’ENNS, il apparaît que la prévalence de l’HTA en France augmente avec l’âge mais est nettement plus fréquente chez l’homme que chez la femme avec une différence disparaissant, voire s’inversant même après 65 ans aux États-Unis. Dans les départements d’outremer, la prévalence de l’HTA, plus importante qu’en métropole, est même supérieure chez la femme que chez l’homme. Si seulement la moitié des hypertendus connaissent leur pathologie, ce pourcentage est supérieur chez la femme (65 %) que chez l’homme (54 % dans l’étude MONALISA). Par ailleurs, lorsque l’HTA est connue, près des trois quarts des patients sont traités et là aussi, le pourcentage est supérieur chez la femme (83 %) que chez l’homme (75 % dans la même étude). Ces différences ont été retrouvées aussi dans l’étude IHPAF réalisée chez les salariés. Lorsque l’HTA est traitée, il existe aussi un meilleur contrôle chez la femme (58 %) que chez l’homme (42 % dans l’étude ENNS). Cette dernière différence ne s’explique pas par une activité supérieure des médicaments antihypertenseurs suivant le sexe, bien que seulement 24 % des études contrôlées randomisées ont analysé leurs résultats suivant le sexe. Enfin, les études FLASH n’ont pas montré de différence du nombre de classes thérapeutiques utilisées suivant le sexe. Les résultats des études sur la persistance suivant le sexe sont variables. Certaines montrent que le fait d’être un homme s’accompagne effectivement d’une moindre persistance, d’autres trouvent l’inverse ou un résultat non significatif. Enfin, une étude retrouve une meilleure persistance chez la femme au traitement antihypertenseur sauf lors du traitement initial. Ainsi, il apparaît qu’effectivement, une prévalence plus faible de l’HTA sauf dans les DOM, une meilleure connaissance de l’HTA, une plus grande proportion de femmes hypertendues traitées et un meilleur contrôle tensionnel bien que mal expliqué participent certainement à la mortalité cardiovasculaire plus faible chez la femme par rapport à l’homme.   HTA et contraception orale   Dans sa vie, si la prise en charge de la femme hypertendue est comparable à celle de l’homme, il existe néanmoins trois situations spécifiques à la femme : le choix d’une contraception, la grossesse et la ménopause. Parmi les femmes en âge de procréer, 4 % des femmes de 18 à 34 ans et 8 % des femmes de 35 à 44 ans sont hypertendues. Le choix du type de contraception constitue donc un problème chez ces femmes, la contraception estroprogestative s’accompagnant d’une élévation de la pression artérielle de 4 à 8 mmHg pour la PAS et d’environ 2 mmHg pour la diastolique. La contraception estroprogestative est composée d’un estrogène, le plus souvent de l’éthinylestradiol ou pour les plus récentes un dérivé de l’estradiol. Le progestatif est variable suivant la génération du contraceptif : - 1re génération : noréthistérone, lynestrénol, norgestriénone ; - 2e génération : norgestrel, lévonorgestrel ; - 3e génération : gestodène, norgestimate, désogestrel ; - 4e génération : la drospirénone (activité antialdostérone). Enfin, si l’administration habituelle est la voie orale, elle peut être proposée par voie vaginale (anneau) ou transdermique (patch). La survenue d’une réelle HTA survient seulement chez 1 à 2 % des utilisatrices et cette élévation de la pression artérielle est réversible à son arrêt. Cette HTA est plus fréquente chez les femmes de plus de 35 ans ou obèses et survient même avec de faible dose d’estrogènes. Très rarement peuvent survenir des tableaux beaucoup plus graves, d’HTA maligne partiellement réversible, voire de syndrome hémolytique et urémique gravissime avec une récidive presque certaine en cas de réintroduction. Si les contraceptions progestatives pures ne s’accompagnent pas d’élévation de la pression artérielle, certaines études ont retrouvé une augmentation de l’HTA avec la dose de progestérone à même dose d’estrogène. En revanche, il a été noté une baisse de la pression artérielle avec la drospirénone, mais il semble que cette contraception s’accompagne d’une augmentation du risque thrombotique veineux. Si la plupart des études épidémiologiques ne retrouvent pas d’augmentation significative du risque d’infarctus du myocarde chez les femmes utilisatrices de contraception orale estroprogestative en l’absence de facteur de risque, chez la femme de plus de 35 ans tabagique et surtout en présence d’une HTA non contrôlée, il existe une majoration significative d’accidents cardiovasculaires et en particulier d’AVC. Il n’est pas noté d’augmentation du risque d’accident cardiovasculaire avec les microprogestatifs. À partir de ces différentes données, les recommandations internationales et françaises contre-indiquent formellement l’utilisation d’une contraception estroprogestative chez la patiente hypertendue non contrôlée mais une contraception progestative pure peut lui être proposée. En présence d’une HTA contrôlée chez une patiente de moins de 35 ans sans autre facteur de risque associé et en particulier non tabagique, il peut être envisagé une pilule estroprogestative sous surveillance stricte de l’évolution de la pression artérielle, bien qu’il soit le plus souvent recommandé de préférer plutôt une contraception micro ou macroprogestative ou un autre type de contraception. En cas de survenue d’une HTA sous estroprogestatif, il est recommandé d’arrêter ce type de contraception et de surveiller la régression de la pression artérielle. En l’absence de normotension à 3 mois, il convient alors de débuter un traitement antihypertenseur. Chez la patiente normotendue, il convient donc de surveiller la pression artérielle tous les 6 mois sous contraception estroprogestative.   HTA et grossesse   La survenue d’une hypertension artérielle (HTA) au cours de la grossesse constitue une cause majeure de morbidité et de mortalité fœtale, néonatale mais aussi maternelle dans les pays occidentaux. On estime qu’environ 10 % des grossesses se compliquent d’HTA (7 % : HTA gravidique, 2 % : prééclampsie, 1 % : HTA chronique préexistante à la grossesse).   Quelles définitions ?   La définition du type d’HTA au cours de la grossesse est fonction de l’existence d’une HTA avant la grossesse (ou avant la 20e semaine de grossesse) et d’une protéinurie significative (> 300 mg/24 h) (tableau 1). L’HTA gravidique apparaît le plus souvent lors du dernier trimestre de la première grossesse et disparaît habituellement en quelques semaines après l’accouchement. Cependant, environ 17 % resteront hypertendues 3 mois après mais ne s’agissait-il pas en fait d’une HTA chronique méconnue ? La définition de l’HTA au cours de la grossesse dépend aussi du type de mesure utilisée et du moment durant la grossesse. En effet, la pression artérielle diminue progressivement jusqu’au 2e trimestre puis s’élève de nouveau en fin de grossesse. Si en consultation, l’HTA pendant la grossesse est définie par une PA ≥ 140/90 mmHg, en automesure ou en MAPA, les seuils sont bien inférieurs et en particulier, très inférieurs au seuil de 135/85 mmHg défini pour ces techniques en dehors de la grossesse (tableau 2). Ces techniques ambulatoires nécessitent d’utiliser les quelques rares appareils validés durant la grossesse (www.dableducational.org). La MAPA permet de plus d’examiner le cycle nycthéméral dont l’abolition serait un élément pronostique de prééclampsie mais son utilisation est encore peu fréquente par les obstétriciens. L’automesure moins onéreuse est d’utilisation plus répandue en dehors de la grossesse mais reste paradoxalement encore mal connue par les obstétriciens. Il existe très peu de publications sur cette technique lors de la grossesse. Son utilisation couplée avec la télétransmission constitue une voie de recherche pleine d’espoir. Elle permet en effet une surveillance prolongée à domicile de la pression artérielle, voire de l’albuminurie pouvant éviter les consultations et les hospitalisations répétées chez ces grossesses à risque. L’HTA gravidique   Sa physiopathologie est différente de l’HTA essentielle survenant chez l’adulte. Elle est liée à une vascularisation placentaire pathologique qui est caractérisée par une diminution de la perfusion utéro-placentaire qui entraîne l’activation de mécanismes pouvant déclencher une atteinte multiorganique. Il est probable que la dysfonction endothéliale placentaire à l’origine de la prééclampsie soit liée à un excès de concentration de sFlt1, le récepteur soluble antagoniste du VEGF, facteur de croissance de l’endothélium vasculaire et d’endogline soluble, protéines circulantes placentaires inhibant l’angiogenèse et la vasodilatation artériolaire. La carence de VEGF plasmatique du fait de sa liaison à ce récepteur soluble devient donc indirectement vasoconstrictrice.   Préparer la grossesse   En présence d’une femme ayant une HTA chronique déjà traitée avant la grossesse, il convient de préparer la grossesse. Après l’avoir avertie du risque atteignant 25 % de prééclampsie surajoutée et de ses conséquences sur l’issue de la grossesse, il convient d’éliminer préalablement une HTA secondaire chez cette jeune femme mais dont la prise en charge devient très délicate lors de la grossesse. Par la suite, avant que la grossesse ne commence, il convient d’arrêter les bloqueurs du système rénine-angiotensine en les remplaçant par de la méthyl-dopa et/ou du labétolol mais surtout de discuter l’arrêt du traitement antihypertenseur, la pression artérielle diminuant spontanément durant les deux premiers trimestres. En présence d’une HTA sévère (PA > 170/110 mmHg) ou d’une prééclampsie, l’hospitalisation est indispensable, le risque maternel et fœtal étant élevé. L’interruption de la grossesse doit se discuter en équipe pluridisciplinaire, le traitement antihypertenseur ne permettant que de protéger transitoirement la femme d’une complication cérébro-vasculaire. En présence d’une HTA gravidique légère à modérée, le bénéfice d’un traitement médicamenteux antihypertenseur est loin d’être certain d’autant que le pronostic est habituellement satisfaisant tant pour la mère que pour le fœtus. Les études réalisées n’ont pas permis non plus de retrouver une différence majeure entre les classes médicamenteuses. Si les bétabloquants semblent réduire plus que la méthyl-dopa le risque d’HTA sévère, il n’existe pas de différence sur les autres critères plus importants. Seuls les inhibiteurs du système rénine angiotensine (IEC, antagonistes des récepteurs à l’angiotensine 2 et antirénine) doivent être évités lors de la grossesse. Ainsi, les recommandations européennes conseillent d’utiliser les bêtabloquants, en particulier le labétolol (en évitant l’aténolol qui a été associé à un petit poids de naissance), la méthyl-dopa et les inhibiteurs calciques en débutant un traitement si la PA est supérieure à 150/95 mmHg ou à 140/90 mmHg si l’HTA est compliquée ou symptomatique. Le post-partum   Une surveillance attentive de ces femmes avec une HTA gravidique en fin de grossesse doit se poursuivre dans le post-partum immédiat, un tiers des éclampsies survenant durant cette période. La pression artérielle peut s’élever en effet durant les 5 jours du post-partum. La prescription d’antihypertenseurs n’est pas incompatible avec l’allaitement, en particulier ceux recommandés lors de la grossesse. Il convient cependant d’éviter la méthyldopa du fait du risque de la dépression du post-partum. Enfin, après l’accouchement, même si la pression artérielle revient à la normale rapidement durant les semaines qui suivent, il convient de suivre au long cours cette patiente ayant présenté une HTA gravidique, son risque cardiovasculaire étant plus élevé (infarctus, AVC, etc.). Une prévention primaire adaptée doit donc lui être proposée.   Future grossesse   Avant une nouvelle future grossesse, il faut avertir la femme du risque élevé de récidive (10 à 40 % suivant la sévérité). Une prise en charge spécialisée sera souhaitable dès le début de cette nouvelle grossesse. Un traitement préventif par aspirine 75 mg pourra être proposé chez les femmes ayant des antécédents de prééclampsie ou à haut risque dès la 12e semaine jusqu’à l’accouchement.   HTA et traitement substitutif pour la ménopause   Le traitement hormonal substitutif (THS) habituellement utilisé en France est composé d’estradiol par voie extradigestive et de progestérone ou de dérivés proches. Son but est de supprimer les symptômes du climatère (dont les bouffées de chaleur) liés à la carence estrogénique. Il doit être prescrit à la dose minimale efficace et ce, tant que durent les symptômes avec une réévaluation régulière, au moins annuelle, du rapport bénéfice/risque. Il ne doit donc pas être prescrit chez la femme ménopausée en bonne santé sans trouble du climatère et sans facteur de risque d’ostéoporose. Il est contre-indiqué en cas d’antécédents thromboemboliques veineux ou artériels ou en évolution et n’est pas indiqué dans la prévention cardiovasculaire. La pression artérielle augmente plus rapidement avec l’âge après la ménopause, mais la responsabilité directe de la ménopause dans cette augmentation reste débattue. Il semblerait que la ménopause a un effet direct mais modeste et largement masqué par l’effet presseur lié à l’âge. Néanmoins, la ménopause a un effet néfaste sur bien des facteurs de risque. C’est ce qui a justifié l’éventuelle prescription d’un THS dans un but de prévention cardiovasculaire associé. En effet, les études épidémiologiques et l’étude de cohorte des infirmières américaines (Nurses) suggéraient une action bénéfique des estrogènes endogènes ou par estrogénothérapie sur la maladie coronarienne. Malheureusement, ceci a été remis en question par des études randomisées contrôlées, en particulier par la Women Health Initiative (WHI) en 2002, qui a montré un effet délétère du THS sur le risque de cancer du sein, d’AVC, de maladies coronaires et de thromboses veineuses profondes. Néanmoins, ces résultats doivent être nuancés car l’estradiol par voie transdermique et la progestérone surtout utilisées en France sont probablement moins néfastes que l’estrogène conjugué équin par voie orale et l’acétate de médroxyprogestérone (MPA) utilisés dans cette étude, les femmes sélectionnées étaient traitées à distance de la ménopause (63 ans en moyenne) avec des facteurs de risque (obésité, HTA, etc.). Actuellement, il semblerait donc que les estrogènes, surtout administrés par voie transdermique et juste après le début de la carence en estrogènes endogènes chez des femmes sans maladie coronarienne connue, de facteur de risque et en particulier d’HTA, ne s’accompagneraient pas d’une augmentation du risque coronarien, voire pourraient avoir un effet protecteur.   En pratique    Si aucune étude ne justifie de différence de prise en charge entre la femme et l’homme hypertendus, il apparaît pourtant que la femme hypertendue connaît mieux sa pathologie, un traitement antihypertenseur est plus souvent prescrit et son HTA est plus souvent équilibrée. Dans sa vie de femme, le fait d’être hypertendue contre-indique habituellement une contraception estroprogestative, mais non une contraception progestative pure. Le souhait de débuter une grossesse nécessite de la préparer au mieux avec son médecin par une bonne information préalable des risques liés à cette HTA. Souvent, un bilan préalable est nécessaire ainsi qu’une adaptation du traitement antihypertenseur. Cette grossesse s’accompagne en effet d’un risque important de prééclampsie. Enfin, lors de sa ménopause, le traitement hormonal substitutif entraîne une augmentation du risque vasculaire chez ces femmes avec des facteurs de risque vasculaire d’après les résultats de l’étude WHI. Chez la femme habituellement normotendue, la contraception estroprogestative s’accompagne d’une élévation tensionnelle, voire d’une réelle HTA chez 1 à 2 % des utilisatrices, justifiant une surveillance régulière de la pression artérielle. La survenue d’une HTA gravidique, voire d’une prééclampsie chez cette femme antérieurement normotendue régresse habituellement après l’accouchement, mais s’accompagne d’une augmentation du risque cardiovasculaire par la suite et d’une augmentation du risque de prééclampsie pour une grossesse ultérieure, justifiant de discuter la prescription d’aspirine dès le début de cette nouvelle grossesse. Enfin, lorsque apparaîtront les premiers signes de sa ménopause, il n’est pas indiqué de lui prescrire un THS dans un but de prévention cardiovasculaire, mais seulement afin de diminuer les troubles fonctionnels liés à la ménopause. 

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