Publié le 14 avr 2015Lecture 9 min
Pathologie valvulaire : optimisation de la prise en charge
C. VINCENT-TOUCHE, CHU de Bordeaux
Journées d'échocardiographie
Le rétrécissement aortique valvulaire : nouvelle classification
D’après P. Lancellotti, Liège
Les paramètres de rétrécissement aortique serré sont actuellement : la vitesse maximale du jet aortique en Doppler continu (≥ 4 m/s), le gradient moyen aortique (≥ 40 mmHg), la surface aortique en cm2 (< 1 cm2) et la surface indexée à la surface corporelle en cm2/m2 (< 0,6 cm2/m2). La vitesse maximale et le gradient ne sont interprétables qu’en cas de conditions hémodynamiques (flux d’éjection aortique) préservées et les valeurs de surface doivent être prises en compte avec réserve (seuils discutés, et causes d’erreur dans le calcul).
P. Lancellotti et coll.(1) proposent une nouvelle classification pour le groupe important et difficile des patients asymptomatiques avec une surface aortique < 1 cm2 et une FEVG > 50 %, en distinguant 4 groupes en fonction du volume systolique indexé et du gradient moyen :
- débit normal (VES ≥ 35 ml/m2) et bas gradient (< 40 mmHg), ayant le meilleur pronostic ;
- débit normal (VES ≥ 35 ml/m2) et gradient élevé (≥ 40 mmHg) correspondant au RA serré classique ;
- bas débit (VES ≤ 35 ml/m2) avec gradient élevé (≥ 40 mmHg), à pronostic intermédiaire ;
- bas débit (VES ≤ 35 ml/m2) avec bas gradient (≤ 40 mmHg), ayant le moins bon pronostic.
Ces groupes pouvant orienter la décision thérapeutique (figure 1).
Figure 1. D’après(1). Groupe LF/LG : bas débit/gradient faible ; Groupe LF/HG : bas débit/gradient élevé ; Groupe NF/HG : débit normal/ gradient élevé ; Groupe NF/LG : débit normal/gradient faible.
Insuffisance mitrale ischémique : nouveaux concepts
D’après L. Piérard, Liège
L’insuffisance mitrale ischémique (IMI) ou insuffisance mitrale post-infarctus n’est pas purement fonctionnelle mais comporte aussi un mécanisme adaptatif. L’IMI est secondaire à une dysfonction VG liée à un infarctus avec atteinte des muscles papillaires, traction de cordages et déplacement du point de coaptation vers l’apex, mais elle comporte aussi un mécanisme d’adaptation avec étirement de la valve et une augmentation de sa surface et de sa rigidité.
La sévérité de l’IMI est déterminée par une SOR ≥ 20 mm2 et un volume régurgitant ≥ 30 ml. Cependant, la SOR sous-estime la sévérité de l’IM. En effet, les nouvelles techniques 3D ont permis de mettre en évidence que la zone de convergence de la PISA n’est pas hémisphérique mais en forme de croissant ou de demiellipsoïde.
Une IMI est dynamique et doit être évaluée en échocardiographie d’effort.
L’IMI est à considérer comme sévère après traitement médical optimal et éventuellement resynchronisation, selon les dernières recommandations.
L’analyse échographique fine permet de guider le chirurgien entre le choix d’une plastie mitrale ou d’un remplacement valvulaire mitral. Les caractéristiques échocardiographiques en défaveur du succès d’une plastie mitrale sont :
- au niveau des paramètres de déformation de la valve mitrale : une hauteur de coaptation ≥ 1 cm, une surface de tenting > 2,5-3 cm2, un angle entre l’anneau mitral et la valve postérieure > 45°, des jets complexes ;
- au niveau des paramètres de remodelage régional : un étirement extrême d’un pilier fibrosé, une dyskinésie latérale ;
- au niveau des paramètres de remodelage global : DTD VG > 65 mm, DTS > 51 mm, VTS > 140 ml, index de sphéricité > 0,7(2).
Valeur pronostique de la dysfonction ventriculaire gauche dans l’insuffisance mitrale
D’après C. Tribouilloy, Amiens
En cas d’IM sévère par prolapsus, la précharge est augmentée et la post-charge diminuée. Les paramètres de fonction VG comme la FEVG et le diamètre télésystolique (DTS) peuvent alors « surévaluer » la contractilité. Il est fréquent d’assister après correction chirurgicale de l’IM à une chute de cette fraction d’éjection.
La FEVG et le DTS ne sont pas de bons indicateurs de dysfonction VG en postopératoire mais sont de puissants paramètres pronostiques.
Ainsi les paramètres prédicteurs de survie retenus dans les recommandations(2) sont un DTS inférieur à 40 mm soit 22 mm/m2 en cas de prolapsus et 45 mm en cas de rupture de cordage ainsi qu’une FE supérieure à 60 %.
On a rapporté par ailleurs que les paramètres prédictifs de dysfonction VG en postopératoire d’une IM sont :
- au repos, un DTS ≥ 37 mm(2) ou ≥ 20 mm/m2, une FE ≤ 64 %(3) et un SLG ≤ -18-20 %(4) ;
- à l’effort, une FE au pic < 70 %, une variation de FE entre le repos et le pic de l’effort < 5 %, un SLG < -19-20 %, une variation de SLG < 2 %(5).
Le cœur droit et la tricuspide dans l’IM organique
D’après T. Le Tourneau, Nantes
Le ventricule droit (VD) doit être évalué systématiquement dans l’IM organique(6). L’altération de la fonction VD fait intervenir un effet de compression du VD par le VG dans le sac péricardique relativement inextensible, associée à l’altération de la fonction myocardique progressive, en particulier de la fonction septale, mais également de la fonction de la paroi libre du VD, en plus de l’augmentation de la post-charge. Une altération biventriculaire (FEVD ≤ 35 %, FEVG < 60 %) est de mauvais pronostic (survie cardiovasculaire à 10 ans réduite de 50 %).
L’insuffisance tricuspide (IT) est secondaire à l’IM avec deux mécanismes : le remodelage VD, et la dilatation de l’oreillette droite surtout quand une fibrillation atriale est associée. Dans les dernières recommandations(2), l’indication d’une annuloplastie tricuspide associée au geste de réparation valvulaire mitrale est retenue en cas d’IT de grade ≥ 1, d’anneau tricuspide en 4 cavités ≥ 40 mm ou ≥ 2 mm/m2, ou en cas d’HTAP. Ce geste semble réduire les symptômes mais pas la mortalité à long terme.
Analyse échocardiographique idéale avant réparation de la valve aortique
D’après P. Dehant, Bordeaux
Comme pour la valve mitrale, une analyse standardisée de la valve aortique, du mécanisme de la régurgitation et de l’aorte sont nécessaires au chirurgien pour préparer une intervention de réparation de la valve aortique.
L’analyse de la valve doit répondre aux questions suivantes
Valve bi- ou tricuspide ?
La classification actuelle des bicuspidies est la classification de Sievers(7), qui repose sur le nombre de raphés et la localisation du raphé par rapport aux sigmoïdes.
Mécanisme de la fuite ?
La classification des mécanismes des fuites aortiques est similaire à celle des fuites mitrales (figure 2) :
- le type 1 correspond à une valve normale avec des mouvements normaux des cusps et une fuite liée à la dilatation de l’aorte ;
- le type 2 correspond à des mouvements excessifs avec 4 sous-types(8), qui sont la valve flottante ou flail leaflet, un prolapsus complet ou partiel, et la fenestration ;
- enfin le type 3 correspond à une restriction du jeu valvulaire liée à une rétraction de cusp, se prêtant mal à une réparation.
Figure 2. D’après(8).
Lésion valvulaire ?
Il peut exister des lésions dues à une endocardite ou à des calcifications.
Origine et direction du jet ?
En effet, le jet est central en cas de dilatation de l’aorte et excentré en cas de prolapsus ou de restriction.
L’analyse de l’aorte doit être complète et multimodale
L’analyse échographique doit détailler au moins 4 mesures en diastole (valve aortique fermée) au niveau de l’anneau aortique, des sinus de Valsalva, de la jonction sino-tubulaire et de l’aorte ascendante.
Le TDM permet de conforter les mesures réalisées en échographie et de compléter les mesures du reste de l’aorte.
L’IRM est une alternative au TDM, permettant d’éviter l’injection d’iode.
L’ETO, notamment 3D, apporte des éléments complémentaires très intéressants dans une analyse idéale de la valve aortique :
- mesure de la longueur des bords libres ;
- mesure de l’angle de la ligne de coaptation ; plus cet angle est fermé proche de 120°, plus il sera difficile d’avoir une bonne surface de coaptation ; si l’angle se rapproche de 180°, cette surface de coaptation suffisante sera facile à obtenir. La mesure en postopératoire d’une hauteur effective de coaptation (mesure en PSGA entre l’anneau valvulaire et le point haut de la coaptation) supérieure à 9 mm est en faveur d’un bon résultat chirurgical.
Cette analyse est très importante car déterminante dans la stratégie chirurgicale. La réparabilité de la valve aortique est dépendante du mécanisme de la fuite (taux de réintervention faible en cas de dilatation de l’aorte ou de prolapsus, mais seulement de 50 % en cas de restriction) et hautement dépendante de l’expérience de l’équipe chirurgicale.
Le patient polyvalvulaire
D’après P. Unger, Bruxelles
Les patients polyvalvulaires représentent 20 % des patients porteurs de valvulopathies natives dans Euro Heart Survey(9) avec peu de littérature à ce sujet et un pronostic plus défavorable que pour les patients monovalvulaires.
Les indices de sévérité des lésions valvulaires ont été décrites pour les lésions monovalvulaires mais les interactions, et notamment hémodynamiques, entre les différentes lésions valvulaires peuvent modifier l’interprétation de ces différents indices(10) :
Toute valvulopathie aortique ou pulmonaire sévère peut induire ou majorer une insuffisance de la valve ventriculo-atriale correspondante (respectivement mitrale ou tricuspide).
Par exemple, une IM semblant sévère avant TAVI diminuera fortement après pose de TAVI (diminution de la postcharge et remodelage VG).
Toute valve sévèrement altérée est susceptible de réduire le flux et gradient au travers d’une autre valve sténosée.
Par exemple, lors d’un RA + RM sévères dégénératifs, gradients aortiques et mitraux ne sont pas élevés alors que surfaces aortiques et mitrales sont en faveur de valves sévèrement rétrécies.
En cas de RA et IM semblant sévères avec FE effondrée, il est intéressant de réaliser une échographie dobutamine pour évaluer la réserve contractile et exclure un RA pseudo-serré. Si l’IM se réduit après dobutamine (avec augmentation de la FE), on peut imaginer que la fuite mitrale diminuera significativement après remplacement valvulaire aortique isolé.
Toute régurgitation est susceptible d’augmenter le flux antérograde et le gradient.
En cas de RA associé à une IA, le gradient moyen augmente, témoignant d’un débit transvalvulaire élevé et non de la sévérité de la sténose ; l’IP est alors un indice intéressant (> 0,35 en faveur d’un RA non sévère).
Si les flux sont inégaux, le calcul de la surface par équation de continuité est invalidé.
Par exemple en cas d’IA, la surface du RM est surestimée par équation de continuité avec l’orifice aortique.
Toute altération du VG en matière de compliance et de relaxation modifie les temps de demi-pression.
En cas d’HVG de RA, un PHT court de l’IA reflète une augmentation de la PTDVG et non l’importance de l’IA.
En cas de RM + IA, il existe une surestimation de la surface du RM par le PHT mitral.
Les conditions de charge affectent fortement les indices de fonction systolique du VG.
Par exemple, en cas d’IM sévère, on s’attend à ce que la FEVG décroisse en postopératoire immédiat.
La dilatation annulaire et la régurgitation tricuspide peuvent être la conséquence d’une valvulopathie gauche.
En conclusion, les méthodes de quantification les moins dépendantes des conditions de charge et de flux sont pour les lésions sténosantes la planimétrie, et pour les lésions de régurgitation la mesure de l’orifice régurgitant et la vena contracta.
Flash d’actualités : Heart Team « valvulopathies » en 2014
D’après M. Dijos, Bordeaux
L’approche multidisciplinaire avec la Heart Team s’est développée ces dernières années pour répondre à la complexification de la prise en charge des valvulopathies. Elle associe : un chirurgien cardiaque, un cardiologue interventionnel, un cardiologue clinicien, un imageur (échocardiographiste, radiologue) et un anesthésiste. Ces Heart Teams se font lors de staffs ou de consultations pluridisciplinaires.
Les objectifs sont multiples : tout d’abord la meilleure prise en charge du patient, une mise en adéquation des besoins et possibilités diagnostiques et thérapeutiques, la création de registres, le suivi de dossiers, la recherche et les communications.
La structuration de cette Heart Team :
- commence par la présentation du dossier clinique (l’évaluation de la sévérité de la valvulopathie, les symptômes, le lien entre symptômes et valvulopathies, l’espérance de vie du patient) ;
- se poursuit par l’analyse de la sévérité, du mécanisme et de l’étiologie des valvulopathies ;
- comporte enfin la proposition d’approches thérapeutiques et de leur faisabilité, l’évaluation du risque opératoire (scores, expérience clinique de l’équipe), et une décision consensuelle par concertation.
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