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Cardiologie interventionnelle

Publié le 14 juin 2015Lecture 7 min

Le phénomène de réendothélialisation coronaire après implantation de stents actifs - Qu’avons-nous appris ces dernières années ?

D. CARRIÉ, CHU de Toulouse Rangueil

L’arrivée des stents actifs au début des années 2000 a permis de réduire drastiquement le taux de resténose intrastent coronaire de 30 % à environ 5 %. L’euphorie des cardiologues interventionnels qui semblaient avoir vaincu la maladie athérosclérotique ne fut que de courte durée. Dès 2004, E.P. McFadden et coll.(1) nous ramenèrent à la réalité en publiant les premiers cas de thrombose très tardive intrastent actif après arrêt de la double antiagrégation plaquettaire et les années 2005-2006 confirmèrent cette tendance avec un taux constant d’environ 0,7 %/ an de thrombose tardive(2).

Comment expliquer ces taux élevés de thrombose tardive intrastent actif ? Les stents actifs de première géneration (Cypher, Taxus) avec leur plateforme métallique et leur polymère permettant de délivrer la drogue antiproliférative augmentaient significativement par rapport aux stents nus le taux de thrombose tardive et leur corollaire la morbimortalité. Si l’hypothèse néfaste de la drogue (sirolimus, paclitaxel) fut rapidement éliminée puisque ces thromboses arrivaient de nombreux mois après l’élution du produit, seuls pouvaient être mis en cause la plateforme métallique et le polymère. Ces deux composantes avec des mailles très épaisses et un polymère permanent entraînaient un retard de réendothélialisation avec parfois des mailles toujours mises à nu 1 à 2 ans après leur implantation, expliquant les thromboses tardives à l’arrêt de l’un des deux antiagrégants plaquettaires.   Dans quelle direction se sont effectués les travaux de recherche ? L’essor technologique des stents actifs s’est donc fait tant au niveau de la plateforme métallique qu’au niveau du polymère.   La plateforme du stent Il fallait trouver un équilibre entre la flexibilité, la conformabilité et la force radiale. D’une façon générale, plus la force radiale est importante et moins le stent est flexible. Or les lésions coronaires à traiter sont de plus en plus complexes, distales, calcifiées et parfois multitronculaires. Il fallait donc améliorer la flexibilité et la conformabilité (figure 1) des stents sans perdre une certaine force radiale qui permet de faire progresser le stent à travers des angulations marquées pour arriver à des implantations parfois très distales. La figure 1 montre l’amélioration de ces paramètres entre les stents de première génération (Cypher) et ceux implantés de nos jours. En parallèle, la technologie métallique du stent actif s’est transformée (figure 2) avec réduction de moitié de l’épaisseur des mailles du stent(3) (140 à 60-70 microns), modification de l’alliage métallique passant du 316L aux plateformes combinant cobaltchrome ou platine-chrome qui améliorent la radio-opacité, le bon positionnement du stent, la cicatrisation de la paroi artérielle et donc la réduction des événements cardiaques au long cours tels que la resténose, la thrombose intrastent et la morbi-mortalité. Figure 1. Flexibilité et conformabilité, inversement proportionnelle à la force radiale. Figure 2. Plateformes actuelles des stents actifs. Le polymère du stent En plus des progrès relatifs à la plateforme métallique, il fallait aussi réfléchir à l’évolution du polymère qui permet de libérer la drogue de façon progressive et continue. Or la persistance d’un polymère durable peut retarder la cicatrisation artérielle, créer de l’inflammation, voire un anévrisme coronaire et augmenter ainsi le risque de thrombose tardive, d’infarctus du myocarde et de mortalité. Polymère durable Certains industriels ont modifié le type de polymère, réduit considérablement l’épaisseur de celui-ci (Xience, Promus, Resolute) et adapté parfaitement la libération de la drogue sur une période d’environ 3 mois afin que l’effet antiprolifératif puisse être continu pendant la période la plus critique d’hyperplasie intimale. Ces stents utilisés en pratique courante donnent d’excellents résultats à court et moyen terme. Il faut souhaiter qu’au-delà de 5 à 10 ans le risque de thrombose très tardive reste faible malgré la présence du polymère. Polymère biodégradable L’avantage potentiel des stents actifs à polymère biodégradable est de redevenir un stent nu après la dégradation de celui-ci et la libération de la drogue. Ainsi le risque d’événements cardiaques à long terme, et notamment de thrombose tardive, devrait être minimisé d’autant. Les premiers résultats de l’étude Leaders comparant le stent actif de première génération Cypher au stent actif à polymère biodégradable de la compagnie Biosensor retrouvent en termes de thrombose de stent une séparation des courbes au-delà de la deuxième année après implantation en faveur d’une réduction thrombotique dans le groupe à polymère biodégradable(4). Les nouveaux stents actifs à polymère biodégradable (Synergy, Orsiro) retrouvent des résultats très encourageants en termes de réendothélialisation ou couverture des mailles à 3 mois après implantation (figure 3) d’autant plus que leur plateforme métallique continue de s’améliorer, notamment en termes de réduction de l’épaisseur des mailles de stent. Figure 3. Couverture des mailles de stent à polymère biodégradable. Absence de polymère Cette nouvelle technologie s’affranchit complètement du polymère mais doit trouver un système de délivrance de la drogue qui lui permette d’avoir d’aussi bons résultats à court et moyen terme pour ce qui est de l’efficacité et de la sécurité que les stents à polymère durable et redevenir eux aussi un stent nu à moyen terme. Il existe plusieurs variétés de stent sans polymère (figure 4) telles que les systèmes poreux ou microporeux (Biofreedom, Yukon, etc.), les réservoirs (Cre8) ou micro réservoirs et les nanoparticules (Mitsu, Focus). Les questions fondamentales sont de savoir si ces stents sont équivalents en termes de libération de drogue, d’optimisation de plateforme, et seuls les résultats cliniques à long terme permettront de répondre à ces questions. Pour l’instant les premiers résultats cliniques à 3 mois(5) semblent retrouver une équivalence en termes de couverture des mailles entre le Cre8 et le stent nu (figure 5). Figure 4. Stents actifs sans polymère. Figure 5. Couverture des mailles du stent Cre8 sans polymère à 3 mois. Que reste-t-il du stent métallique nu ? Même si la durée de réendothélialisation des mailles d’un stent nu n’est que d’environ 4 semaines, beaucoup de cardiologues interventionnels estiment que ce concept vieux de plus de 25 ans est maintenant dépassé et qu’il faut basculer définitivement vers le stent actif malgré toutes les variables exposées ci-dessus. C’est d’ailleurs pour cela que le taux de pénétration du stent actif en France est voisin de 80 %. C’est oublié encore un peu vite deux points fondamentaux : l’aspect financier puisque le stent actif a un coût 3 à 4 fois plus onéreux que celui du stent nu et ne doit être utilisé que chez les patients diabétiques, les longues lésions supérieures à 15 mm et de diamètre inférieur à 2,5 mm et surtout l’aspect technologique puisque l’amélioration de la plateforme métallique de ces stents nus sert de base à concevoir ensuite un stent actif plus sophistiqué.   Que faut-il penser du stent totalement biodégradable en termes de réendothélialisation ? Sur le plan coronarien, cette nouvelle technologie est séduisante à court terme en évitant la mise en place d’une coque métallique permanente et en élargissant la lumière artérielle, à moyen terme en diminuant le risque de thrombose tardive et en permettant si besoin de garder le capital artériel pour la mise en place de pontage aortocoronarien et enfin à long terme en évitant le risque de néo-athérosclérose tardive intrastent. Les études précliniques ou cliniques sont déjà bien avancées (figure 6) avec notamment la commercialisation du premier stent totalement biodégradable BVS (Abbott). Ce stent en polymère qui se dégrade en 2 à 3 ans donne déjà d’excellents résultats dans les lésions simples ou modérément complexes type B1 ou B2 (étude randomisée Absorb II) avec autant d’efficacité et de sécurité à 1 an que le stent actif Xience à polymère permanent(6). Les premières études de visualisation de la réendothélialisation par OCT (figure 7) donnent des résultats très satisfaisants à 12 mois en termes de couverture des mailles. Il reste bien sûr encore des points d’interrogation qui ne pourront être levés que par des études scientifiques, notamment dans des lésions complexes du tronc commun gauche, de bifurcation, calcifiées, voire chez des sujets multitronculaires à mauvais lit d’aval. Figure 6. Stents totalement biodégradables. Figure 7. Réendothélialisation des mailles du stent totalement biodégradable BVS à 12 mois. Peut-on réduire la durée de la double antiagrégation plaquettaire après implantation de stents actifs ? Si la durée de la double antiagrégation plaquettaire reste de 1 mois pour les stents nus (classe IA), celle-ci est maintenant indiquée pour 6 mois (classe IB) et non plus 12 pour les stents actifs en dehors du syndrome coronarien aigu… voire moins chez les patients à haut risque hémorragique (classe IIbA). Pour les stents totalement biodégradables, aucune recommandation n’est établie et la prudence est de garder 1 an de double antiagrégation plaquettaire.     En pratique   Les progrès considérables de la cardiologie interventionnelle sont liés en grande partie à l’essor technologique, notamment en matière de stent actif. La tendance actuelle pour réduire la thrombose de stent est d’améliorer à la fois la plateforme métallique du stent et son polymère qui peut devenir totalement biodégradable ou ne plus exister du tout. Ces avancées très significatives permettent d’accélérer la réendothélialisation des mailles des stents et de réduire la durée de la double antiagrégation plaquettaire.

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