Cardiologie interventionnelle
Publié le 14 fév 2016Lecture 7 min
C. DUGAUQUIER, Paris et X. HALNA DU FRETAY, Orléans
Le GRCI France 2015 a réuni plus de 900 participants du 9 au 11 décembre derniers à Paris. L’occasion pour les professionnels présents (cardiologues, paramédicaux et industriels) d’assister à de nombreuses séances thématiques concernant la cardiologie interventionnelle sous différents aspects comme celui des définitions et des recommandations. Domaines en évolution permanente, ils concernent toute l’équipe soignante, du cardiologue traitant au cardiologue interventionnel et éventuellement au chirurgien cardiaque. Même si les recommandations ne sont pas opposables, elles doivent être connues afin de pouvoir justifier d’une pratique qui s’en éloignerait. Les définitions sont plus ou moins anciennes et plus ou moins utilisées. Mais elles gardent l’avantage de pouvoir parler plus précisément d’une pathologie ou d’une technique.
Indications de la coronarographie : suivons-nous les recommandations ?
D’après les communications de P. Meyer (Saint-Laurent-du-Var), G. Dambrin (Le Chesnay) et A. Tavildari (Aix-en-Provence)
Existe-t-il une hiérarchie ou une complémentarité de la coronarographie et du scanner coronaire pour le diagnostic de la maladie coronarienne stable ? Selon les recommandations ESC/EACTS 2014 (figure 1), dans la démarche diagnostique en cas de maladie coronarienne suspectée ou stable, la première étape est d’évaluer la probabilité a priori de lésions coronaires chez un patient donné. En cas de probabilité élevée (> 85 %), la coronarographie est le seul examen de classe I et il reste de classe IIb en cas de probabilité intermédiaire (15-85 %), alors que les tests fonctionnels ont une classe I dans ce dernier cas et une classe III en cas de probabilité faible (< 15 %) ou élevée (> 85 %). La principale raison de ce choix est une sensibilité non optimale des tests fonctionnels.
Figure 1. Pronostic selon le degré d’ischémie et d’atteinte coronaire dans l’étude COURAGE.
Un autre argument pour une pratique préférentielle de la coronarographie est son intérêt dans l’évaluation du pronostic de la maladie coronarienne.
Dans l’étude COURAGE, l’importance de l’atteinte angiographique est corrélée au pronostic, contrairement à l’importance du territoire ischémique évalué par les tests fonctionnels (figure 2). Le troisième argument est la possibilité d’évaluation physiopathologique de la maladie coronarienne avec la mesure de FFR dont l’intérêt pour poser l’indication d’une revascularisation a été démontré. Par ailleurs, la coronarographie est recommandée en cas de suspicion d’angor spastique (classe I) permettant la réalisation d’un test de provocation par voie intracoronaire (classe IIa). Enfin la coronarographie reste la procédure diagnostique déterminante dans le choix d’une revascularisation éventuelle, de plus potentiellement réalisable dans la continuité de l’acte diagnostique.
Figure 2. Évaluation de la FFR à partir d’un scanner coronaire.
On peut reconnaître que l’usage actuel de la coronarographie sélective est excessif si l’on s’en tient au seul diagnostic de la maladie coronarienne. Ce dernier est en général possible après une évaluation de la probabilité de maladie coronarienne et par les tests non invasifs disponibles, la coronarographie étant retenue en cas de tests discordants, de signes de gravité (altération de fonction systolique ventriculaire gauche) ou pour des questions médicolégales (professions à risque). La coronarographie n’a qu’une recommandation de classe IIa (figure 3) comme examen visant à stratifier le risque de la maladie coronarienne dans les recommandations européennes 2013 traitant de la maladie coronarienne stable, alors que les tests fonctionnels sont de classe I.
Figure 3. Score SYNTAX II.
On sait que les infarctus du myocarde surviennent dans plus de 50 % des cas sur des lésions non serrées et que la revascularisation ne diminue pas l’incidence des infarctus du myocarde par rapport à un traitement médical optimal.
La revascularisation ne diminue le risque de décès cardiaque que dans le groupe de patients avec une ischémie étendue. La coronarographie ne pourrait donc être proposée qu’en cas de terrain à haut risque ou d’angor résistant au traitement médical. Le scanner coronaire a pour atouts un caractère non invasif, un risque modéré d’exposition aux radiations ionisantes et une bonne valeur prédictive négative. Mais sa valeur prédictive positive reste médiocre. Dans la population à faible risque coronaire, des lésions significatives sont retrouvées à la coronarographie dans seulement 20 % des cas si un test fonctionnel est positif et dans 15 % des cas en l’absence de test fonctionnel. La place du scanner coronaire comme une alternative aux tests fonctionnels ou à la coronarographie a été rappelée dans les recommandations européennes 2013 sur la maladie coronarienne stable (figure 4). Le scanner coronaire devrait donc être proposé comme moyen diagnostique dans la population à faible risque et également pour éliminer une maladie coronarienne dans les cardiomyopathies et les valvulopathies, ainsi que dans le suivi des transplantés cardiaques. On pourrait ainsi améliorer le ratio revascularisations coronaires/coronarographies dans nos centres de cardiologie interventionnelle.
Figure 4. Paramètres intervenant dans le choix de la stratégie thérapeutique chez le patient pluritronculaire (FEV1 : forced expiratory volume).
Le patient pluritronculaire : quelle définition ? quel traitement ?
D’après les communications de F. Addad (Ariana), B. Farah (Toulouse), R. Rihani (Lomme) et S. Abdesselem (Tunis)
Définition du patient pluritronculaire
L’atteinte coronarienne pluritronculaire se définit d’abord de manière anatomique par une atteinte de deux ou trois artères principales épicardiques. Comme l’avait déjà montré l’étude COURAGE, la diffusion de l’atteinte athéromateuse, quantifiée de manière purement angiographique, est un facteur de mauvais pronostic et ce, quel que soit le traitement entrepris. Une évaluation fonctionnelle de l’ischémie myocardique permet d’identifier plus précisément les patients qui bénéficieront le plus d’une revascularisation (percutanée ou chirurgicale). L’étude FAME a montré, chez le patient pluritronculaire, la supériorité de l’angioplastie guidée par FFR sur l’angioplastie guidée par l’angiographie en termes de décès, d’infarctus et de revascularisations. On observe une véritable reclassification du patient pluritronculaire lorsque l’on utilise la FFR.
Dans l’étude FAME, parmi la population de patients qualifiés de tritronculaires sur la base de l’angiographie, 42 % et 14 % seulement ont été qualifiés de bitronculaires et de tritronculaires sur la base de la FFR.
On connaît en effet la difficulté à évaluer angiographiquement les lésions intermédiaires (40-60 %) où la mesure de la FFR sera négative dans 65 % des cas. Actuellement, la mesure de la FFR reste invasive avec nécessité d’un matériel endocoronaire. Des travaux sont en cours pour valider la mesure de la FFR à partir d’une angiographie non invasive comme le scanner coronaire (tableau 1).
Utilisation des scores chez le patient pluritronculaire
Le score très utilisé est le score SYNTAX qui découle d’une étude réalisée en 2009 où les auteurs ont comparé le traitement chirurgical au traitement percutané chez les patients pluritronculaires. Plusieurs critiques peuvent cependant être émises envers ce score :
• La reproductibilité du score est faible car entachée d’une certaine subjectivité. Il faudrait ainsi que le calcul du score soit fait par une autre personne que celui qui pratique la coronarographie puis éventuellement l’angioplastie. Il convient de bien connaître les critères du score et de s’aider d’une version online (disponible sur www.syntaxscore.com).
• Les patients avec traitement percutané ont reçu des stents de première génération (Taxus). Avec l’utilisation des stents actuels (troisième génération), nous pourrions espérer de meilleurs résultats cliniques chez ces patients traités par angioplastie.
• Une absence d’évaluation fonctionnelle des lésions coronaires alors que les patients étudiés étaient généralement stables. Un score SYNTAX fonctionnel a dès lors été proposé avec utilisation de la FFR pour mieux caractériser les lésions coronaires. On observe ainsi que 32 % des patients sont reclassés dans un groupe à moindre risque.
• L’absence d’intégration de facteurs non angiographiques a été reprochée au score SYNTAX. Le score SYNTAX II a été créé pour corriger cette lacune (tableau 2). Il combine le score SYNTAX originel avec différents paramètres cliniques, biologiques et échographiques, cardiaques et non cardiaques (âge, sexe, fonction rénale, fonction ventriculaire gauche, etc.). Assez fastidieux à calculer (environ 6 minutes), il est légitime de l’utiliser plutôt chez les patients avec un véritable dilemme thérapeutique. Son utilisation de manière online est en cours de réalisation.
Eric van Belle (Lille) : « Est-ce que la multiplicité des scores n’est pas une preuve que ceux-ci sont imparfaits, voire inutiles ? »
Salem Abdesselem (Tunis) : « Ces différents scores ne sont pas tous apparus en même temps mais plutôt au fil des années afin d’y incorporer les nouvelles technologies (FFR, stents de dernière génération, etc.) et ainsi de les améliorer continuellement ».
Antoine Py (Amiens) : « La réalisation de ces scores est chronophage et pas toujours compatible avec notre activité clinique quotidienne. Quel est le score que vous utilisez le plus souvent ? »
Salem Abdesselem (Tunis) : « J’utilise régulièrement le score SYNTAX et plus récemment le score SYNTAX II. L’utilisation de ce dernier sera facilitée lorsqu’il existera une version en ligne ou une application mobile. Je pense qu’il est important de consacrer quelques minutes à la réalisation d’un score car cela découle sur une décision très importante pour le patient (chirurgie ou angioplastie). Par ailleurs, à force d’utiliser fréquemment un score, on s’améliore et sa réalisation devient plus rapide et plus fiable. »
Revascularisation du patient pluritronculaire
La chirurgie reste le « gold standard » pour les lésions les plus complexes (tronc commun avec SYNTAX score > 32 et tritronculaire avec SYNTAX score > 23) selon les recommandations européennes 2014 (tableau 3). Cependant la revascularisation ne doit pas être uniquement anatomique mais aussi fonctionnelle. Les scores ont une valeur décisionnelle incontournable chez le patient pluritronculaire, mais l’évaluation globale du patient avec prise en compte des comorbidités est nécessaire. En pratique, la stratégie thérapeutique chez un patient pluritronculaire ne repose pas uniquement sur des scores mais sur une multitude de paramètres (tableau 4). L’angioplastie est une alternative à la chirurgie chez les patients bien sélectionnés (importance d’une bonne collaboration médico-chirurgicale). Enfin, une perspective d’amélioration constante des résultats de l’angioplastie grâce à l’évolution des technologies (stents de troisième génération) permettra peut-être de redéfinir les recommandations.
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