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Coronaires

Publié le 31 mar 2016Lecture 7 min

Rôle de l'IRM dans la détection de l'ischémie myocardique

J.-N. DACHER(1,2), G. CAUCHOIS(1,3), L. POIDEVIN(1), V. LEFEBVRE(1), S. BEJAR(1), É. ELIE(1), J. CAUDRON(1), B. DUBOURG(1,2) - 1. Pôle Imagerie, Unité d’imagerie cardiaque, CHU de Rouen - 2. Inserm U1096, UFR Médecine-Pharmacie, Rouen – 3. Service de card

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour la détection de l’ischémie myocardique reste en 2015 assez peu utilisée en France comparativement à son essor rapide chez nos voisins européens. Pourtant, dans la recommandation 2013 de l’ESC sur l’angor stable(1), l’IRM est reconnue comme équivalente aux tests classiques (scintigraphie, échocardiographie) chez le patient à probabilité prétest intermédiaire (15-85 %). Ce texte insiste sur l’importance de l’environnement local, de la disponibilité des équipements et des compétences. L’étude CE-MARC de Greenwood et coll. publiée dans le prestigieux Lancet va plus loin en montrant la supériorité diagnostique de l’IRM par rapport à la scintigraphie(2). Nul besoin de rappeler que l’IRM est beaucoup moins coûteuse que la scintigraphie, qu’elle ne délivre au patient aucune radiation ionisante, et ne génère aucun déchet radioactif.

IRM et stress ischémique   Principe de l’examen Schématiquement, l’IRM va permettre d’analyser au cours de la même session (en 30 à 40 minutes) : - la fonction systolique biventriculaire ; - la perfusion de premier passage sous stress vasodilatateur ; - comparée à la perfusion de premier passage au repos ; - la viabilité : présence ou absence d’un rehaussement tardif, extension segmentaire et transmurale.   Déroulement de l’examen   L’analyse de la question posée est essentielle ; elle inclut les facteurs de risque cardiovasculaires, les données cliniques et les résultats des tests antérieurs disponibles (épreuve d’effort, coronarographie, échocardiographie, etc.). La demande doit être clairement formulée, il faut indiquer le traitement en cours, une éventuelle contre-indication à l’IRM, au produit de contraste gadoliné, et surtout au médicament vasodilatateur. Tout antécédent ou affection en cours doit être signalé, notamment les suivants : trouble de conduction ou du rythme, insuffisance cardiaque décompensée, hypoou hypertension artérielle, angor instable/infarctus récent, sténose du tronc commun gauche, BPCO, asthme, épilepsie. Le choix du vasodilatateur est en effet conditionné par les comorbidités. Un ECG de repos est pratiqué juste avant l’examen. Une voie d’abord veineuse est posée, deux éventuellement. L’examen est expliqué au patient. La vasodilatation et ses conséquences habituelles (céphalée, bouffée de chaleur, tachycardie...) sont clairement décrites afin d’éviter toute surprise, créant une anxiété inutile. Le monitorage pendant l’examen inclut la surveillance visuelle du patient (clinique et par caméra), une prise de la pression artérielle toutes les 2 minutes, un monitorage continu de l’ECG et de la PaO2. Le matériel de réanimation classique (défibrillateur, chariot d’urgence) est prêt à l’usage même si les incidents restent rares. L’examen commence par une analyse de la fonction biventriculaire (coupes CINE 4 cavités, 2 cavités, et une série de coupes petit axe jointives de la base à l’apex). Il se poursuit par l’administration intraveineuse d’un vasodilatateur, les agents inotropes comme la dobutamine à « forte dose » représentant une alternative rarement utilisée en IRM. Aujourd’hui trois médicaments vasodilatateurs sont utilisables : la plupart des centres (et des publications) utilisent l’adénosine (Adenoscan®), plus rarement le dipyridamole (Persantine®). Nous utilisons de plus en plus souvent le regadenoson (Rapiscan®)(3). L’Adenoscan® et le Rapiscan® sont plus coûteux que la Persantine®, mais aussi plus efficaces en termes de vasodilatation(4). La demi-vie très courte de l’adénosine est à la fois son principal avantage et son principal inconvénient. Avantage car elle permet de laisser repartir le patient en fin d’examen sans arrière-pensée quant à une vasodilatation résiduelle (n’obligeant pas à l’utilisation d’aminophylline), mais inconvénient car pour ne pas rater l’acmé de la vasodilatation au moment de l’injection du produit de contraste, une coordination parfaite est nécessaire. Le produit de contraste doit être administré pendant la fin d’injection de l’adénosine, rendant indispensables deux voies veineuses. La vasodilatation induite par le regadenoson (une ampoule quel que soit le poids du patient) dure quelques minutes, évitant cet inconvénient et permettant de n’utiliser qu’une voie veineuse. L’autre avantage de ce produit est la possibilité de l’utiliser chez les patients asthmatiques ou atteints de BPCO. Le dipyridamole et l’adénosine nécessitent un calcul de dose. Ces deux médicaments requièrent une injection lente allongeant la durée de l’examen. L’effet vasodilatateur du dipyridamole semble variable selon les patients, en particulier en cas d’obésité. Sa demi-vie plus longue oblige à l’utilisation d’une base xanthique à visée antagoniste pour l’imagerie de repos. La vasodilatation est avérée sur des critères cliniques (interrogatoire du patient) et paracliniques, en particulier l’accélération de la fréquence cardiaque et la baisse de la pression artérielle. Là encore, nous voyons un avantage au regadenoson car l’accélération de la fréquence cardiaque est progressive mais franche. Cet effet tachycardisant contre-indique en revanche son usage chez les patients spontanément tachycardes, avec antécédent de fibrillation atriale ou de tachycardie paroxystique. Elle oblige également à adapter les paramètres de la séquence IRM de perfusion en anticipant l’augmentation de la fréquence cardiaque au pic du stress. Enfin, on évitera le regadenoson chez les patients avec antécédent de comitialité. L’injection de produit de contraste est réalisée pendant qu’une séquence de perfusion de premier passage est acquise(5). Le bolus de traceur (en hypersignal) apparaît successivement dans le ventricule droit, le gauche, puis opacifie le myocarde avec un gradient rapide de l’épicarde vers l’endocarde (figure 1). La qualité des images couvrant ce moment clé de l’examen est améliorée par une brève apnée. Un hyposignal persistant systématisé indique une sténose significative (figure 2) ; la corrélation avec la FFR est très bonne(6). Le nombre de coupes disponibles varie en raison inverse de la fréquence cardiaque ; habituellement 4 coupes sont possibles qui doivent être choisies en fonction des données cliniques (typiquement 2 coupes dans le petit axe, une dans le plan 4C, et une en VLA). Certaines machines ne permettent qu’un plan de coupe ; dans ce cas, le petit axe est privilégié. Figure 1. Perfusion sous stress de premier passage normale. Deux vues dans le plan horizontal long axe (4 cavités) extraites d’une séquence de perfusion sous stress vasodilatateur. Sur l’image de gauche (A), le traceur gadoliné vient d’arriver dans le ventricule gauche, le myocarde n’est pas encore opacifié (il est noir). Sur l’image de droite (A) acquise une seconde plus tard, le traceur gadoliné a opacifié l’ensemble du myocarde ventriculaire gauche de façon synchrone et homogène, selon un gradient épi-endocardique. Figure 2. IRM cardiaque de stress chez un patient de 55 ans présentant une sténose coronaire droite identifiée par coronarographie. Perfusion de premier passage de stress au gadobutrol (Gadovist®, après administration d’une ampoule de Rapiscan®, à gauche) et de repos (2e injection de produit de contraste après arrêt de l’effet du vasodilatateur, à droite). Imagerie dans le petit axe cardiaque à la base du ventricule gauche mettant en évidence une franche ischémie sous-endocardique sous stress (hyposignal, flèches), de topographie inférobasale, résolutive au repos. L’épaisseur du myocarde, la cinétique régionale et la séquence de rehaussement tardif étant en faveur d’une viabilité résiduelle, une revascularisation de la coronaire droite a été décidée.  Cette acquisition (perfusion de stress) dure moins d’une minute. Si elle est totalement normale, il n’est pas obligatoirement nécessaire de compléter par une injection de repos. Si elle est pathologique ou douteuse (l’artéfact de Gibbs est possible, générant une bande noire fugace sous-endocardique au niveau du septum), elle est comparée à une acquisition réalisée après que le vasodilatateur ne fait plus effet (spontanément avec l’adénosine ou le regadenoson) ou après injection d’aminophylline. Une acquisition CINE petit axe sous stress est proposée par certaines équipes permettant de combiner la recherche d’un trouble cinétique à l’analyse du premier passage. Dans notre centre, nous réalisons une imagerie de premier passage de repos en routine après la série sous stress, qui n’allonge pas la durée de l’examen. Cette séquence est strictement la même que celle utilisée pour le stress. Nous comparons plan à plan et image par image les deux séries à l’aide du système Syngo Via® (Siemens) qui permet une analyse rigoureuse incluant depuis peu une quantification automatique du signal. La phase clé dure quelques secondes au moment de l’arrivée du contraste dans le sous-endocarde. Dix minutes après la première injection, une série de séquences multiplanaires en inversion récupération est réalisée à la recherche d’un rehaussement tardif. Un nouveau tracé ECG est enregistré en fin d’examen, et le patient est libéré après un examen clinique et un interrogatoire. Toute douleur thoracique doit être documentée. La communication des résultats est essentielle ; elle passe parfois par un appel téléphonique et associe toujours un compterendu et des images clés.   Avantages et limites de l’IRM   Ils sont résumés dans l’encadré ci-dessous. La facilité de réalisation, l’excellente résolution (spatiale, temporelle et en contraste) et l’absence de radiation ionisante sont des avantages évidents de l’IRM. Au plan technique, la limite principale est l’absence de couverture 3D de l’ensemble du coeur. Elle ne pose pas de problème en cas de coronaropathie car le territoire ischémique est en général suffisamment étendu pour ne pas être manqué. La quantification de la concentration du produit de contraste au voxel n’est pas faite en routine (comme en TEP), l’interprétation restant qualitative pour la majorité des centres. Au plan pratique, les principales limites sont la claustrophobie, la prise de café (moins gênante avec le regadenoson) ou la présence d’un pacemaker ou d’un défibrillateur implantable. Si le patient est capable de fournir un effort, ou si la question clinique est celle de l’adaptation à l’effort, l’IRM, technique d’analyse de la réserve coronaire, n’est pas adaptée.   En pratique   L’IRM cardiaque sous stress vasodilatateur est un examen assez simple à réaliser pour une équipe entraînée, d’interprétation univoque, facilement transmissible. L’efficacité de cette technique non irradiante et peu coûteuse pour la société a été démontrée par de nombreuses études. La disponibilité des centres et des équipements dédiés à cette technique reste la limite principale à son développement en France.

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