publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie interventionnelle

Publié le 15 mar 2017Lecture 7 min

L’ablation par cathéter de la fibrillation atriale - Pourquoi, pour qui ?

Frédéric ANSELME, CHU de Rouen

Au cours de la dernière décennie, l’ablation par cathéter a pris une place de plus en plus importante dans la prise en charge thérapeutique des patients souffrant de fibrillation atriale (FA). Les résultats des registres et études randomisées ont contribué à ce que l’ablation par cathéter ait une place de choix dans la stratégie de maintien du rythme sinusal au long cours chez ces patients.

Efficacité de l’ablation Sur le maintien du rythme sinusal Si l’on propose l’ablation par cathéter à nos patients souffrant de FA, c’est que celle-ci s’est avérée plus efficace que le traitement antiarythmique médicamenteux pour contrôler le rythme, d’une part, et également supérieure pour améliorer la qualité de vie et l’état fonctionnel, d’autre part. Chez les patients ayant déjà reçu un traitement antiarythmique médicamenteux inefficace, toutes les études comparant l’efficacité d’une nouvelle molécule antiarythmique à l’ablation par cathéter sont clairement en faveur de cette dernière approche. La récidive de FA des patients ablatés s’échelonne entre 11 et 30 % environ contre 56 à 93 % pour les patients traités médicalement à 1 an de suivi(1). On s’accorde à dire que la réduction du risque relatif de récidive de FA avec l’ablation est d’environ 60 % par rapport au traitement médicamenteux. Alors qu’en deuxième intention, l’ablation apparaît clairement supérieure au traitement médicamenteux, l’ablation en première intention reste débattue. Après quelques études initiales extrêmement encourageantes, proposer l’ablation en première intention plutôt qu’un traitement médicamenteux antiarythmique ne serait globalement qu’un tout petit peu plus efficace. Dans l’étude de MANTRA- PAF(2) il n’y avait pas de différence en termes de charge en fibrillation atriale entre les patients traités par ablation en première intention et ceux sous traitement antiarythmique médicamenteux après 2 ans de suivi. En revanche, il y avait plus de patients qui n’avaient pas présenté de récidive de fibrillation atriale, symptomatique ou non, dans le groupe ablation par cathéter. Même tendance dans l’étude RAAFT-2(3), où après 2 ans de suivi, il a été observé plus de patients sans récidive de FA dans le groupe ablation par cathéter compararativement au groupe traité médicalement. Si on analyse les données des grands registres, il apparaît clairement que l’ablation donne des meilleurs résultats lorsque la FA est paroxystique comparé aux formes persistantes ou persistantes de longue durée. Dans ces grands registres(4) on observe environ 75 % de succès sans traitement médicamenteux antiarythmique pour les formes paroxystiques, 65 % pour les formes persistantes et 64 % pour les formes persistantes de longue durée. Si l’on ajoute un traitement médicamenteux antiarythmique dans le suivi, le taux de succès globalement augmente de 10 points à 84 % pour les formes paroxystiques, 75 % pour les formes persistantes et 71 % pour les formes persistantes de longue durée. Cependant, si l’on compare l’efficacité des traitements médicamenteux antiarythmiques dans ces formes persistantes, l’ablation apparaît encore supérieure avec un odd ratio à 1,6 en moyenne(5). Sur la qualité de vie et l’état fonctionnel L’impact sur la qualité de vie de l’ablation par cathéter a également été bien étudié dans la littérature. Dans l’étude de A. Wokhlu et coll. publiée dans le JACC en 2010(6), les auteurs ont constaté une rapide amélioration de la qualité de la vie après l’ablation, aussi bien sur les tests évaluant les capacités physiques que le moral des patients. Dans cette étude, il a été étudié les facteurs pronostiques pouvant influer sur l’amélioration ou non de la qualité de vie après ablation. En analyse univariée, le caractère paroxystique ou non paroxystique n’était pas un facteur pronostique. En revanche, les patients obèses avaient une moins bonne amélioration de la qualité de vie que ceux qui ne l’étaient pas. Sécurité de l’ablation Si l’ablation apparaît clairement comme plus efficace que le traitement médicamenteux antiarythmique, on peut se poser la question de sa sécurité s’agissant d’un geste invasif, aux complications connues, potentiellement sévères. Dans les recommandations de l’ESC de 2016(5), il est stipulé que le taux attendu de complications pouvant mettre en jeu le pronostic vital est relativement bas, mais non nul. En effet, le risque de décès périprocédural est évalué inférieur à 0,2 %, le risque de fistule ou de perforation oesophagienne de 0,04 %, le risque d’AVC inférieur à 1 % et le risque de tamponnade est évalué entre 1 à 2 %. Dans un registre regroupant près de 10 000 patients(7), le taux de décès survenu dans le groupe ablation par cathéter est à 0,7 % sans aucun décès lié à la procédure. En revanche, il était noté 0,8 % de tamponnade et 0,5 % d’AVC ou d’AIT. Dans ce groupe, la totalité des événements indésirables sur le suivi étaient de 5 % environ. Pour la même période d’observation, dans le groupe de patients traités par médicaments antiarythmiques, le taux de décès global était de 2,8 % avec 0,6 % de mort subite, et notamment 0,5 % de mort subite liée au traitement médicamenteux. De plus, le taux global d’effets indésirables en lien avec le traitement médicamenteux était d’environ 30 %. On voit bien ici que contrairement à l’idée reçue, l’ablation, même si elle est associée à un sur-risque de complications immédiat, est tout aussi sécuritaire, voire supérieure au traitement médicamenteux sur le long cours. Questions sans réponse sur l’ablation Encore aujourd’hui, certaines questions importantes concernant l’ablation par cathéter de la fibrillation restent sans réponse, notamment celles concernant son impact sur la survie et celles sur le risque d’AVC à long terme. De grandes études randomisées contrôlées sont en cours à ce sujet (CABANA, EAST) qui permettront peut-être de répondre à ces questions d’importance. Quelques données existent déjà sur ces sujets, notamment celles émanant d’un registre suédois qui a inclus plus de 360 000 patients porteurs de fibrillation atriale(8). Dans ce registre, on retrouve une diminution significative de l’incidence d’AVC ischémique dans le groupe de patients qui a été traité par ablation comparativement aux patients non ablatés. D’autre part, il est noté une diminution significative de la mortalité chez les patients ablatés comparés aux autres. Si ces données sont confirmées par les études randomisées, les recommandations concernant l’ablation pourraient s’en voir significativement modifiées. Qui est candidat à l’ablation par cathéter de la fibrillation atriale ? Dans toutes les recommandations des sociétés savantes, l’ablation par cathéter est indiquée en cas de fibrillation atriale symptomatique en dépit d’un traitement médicamenteux de contrôle de la fréquence cardiaque. On peut y ajouter l’altération de la fraction d’éjection systolique ventriculaire gauche (FEVG) avec ou sans signe d’insuffisance cardiaque qui, dans son expression ultime, est le reflet d’une cardiomyopathie rythmique. L’ablation est une indication de classe IA pour les patients chez qui un traitement antiarythmique a été testé sans succès(5). Il peut également être proposé en première ligne thérapeutique chez les patients sélectionnés qui sont très demandeurs d’une solution thérapeutique interventionnelle, dans la mesure où celle-ci est réalisée dans des centres experts (recommandation de classe IIA)(5). Il est important de rappeler qu’il n’y a aucune indication à l’ablation pour prévenir d’éventuels événements cardiovasculaires au long cours ou dans le seul but d’arrêter le traitement anticoagulant. Au-delà de ces recommandations factuelles, un certain nombre de facteurs limitant à un geste interventionnel sont à garder en mémoire, notamment en ce qui concerne les patients souffrant de FA persistante. En effet, lorsque le patient présente d’importantes comorbidités (hémodialyse), un âge physiologique supérieur à 75-80 ans, un syndrome d’apnée du sommeil non appareillé, l’ablation doit être mûrement réfléchie et raisonnée. Il en est de même en cas de cardiomyopathie avancée, et notamment de valvulopathie mitrale, auxquelles on peut associer une dilatation importante de la taille de l’oreillette gauche (> 50 mm ou 30 cm2). Il semble également raisonnable de limiter les indications d’ablation aux patients présentant une fibrillation atriale dont la durée n’excède pas 2 ans. On connaît l’intérêt de l’ablation de la FA chez des patients présentant une insuffisance cardiaque congestive. Une étude princeps bordelaise avait montré que l’ablation était associée à une amélioration de l’état clinique et de la FEVG(9). Les résultats d’une étude multicentrique récente réalisée chez des patients insuffisants cardiaques avec des fractions d’éjection < 40 % et une classe NYHA entre 2 et 3, implantés de défibrillateur, abondent dans ce sens(10). Cette étude randomisée à comparé l’ablation à la mise sous amiodarone chez 200 patients. Dans le groupe ablation, 75 % des patients ne présentaient pas de récidive de FA au terme du suivi alors qu’ils n’étaient que 40 % dans le groupe amiodarone. Les objectifs secondaires de l’étude sont également intéressants avec un taux d’hospitalisations non programmées de 31 % dans le groupe ablation comparé à 57 % dans le groupe amiodarone (p < 0,001), ce qui correspond à une réduction du risque relatif d’hospitalisation de 45 %. On retrouve également dans cette étude une supériorité de l’ablation en termes de mortalité (8 vs 18 % ; p = 0,037). En pratique Il apparaît que l’ablation est une thérapeutique très efficace et sûre chez les patients présentant une fibrillation atriale symptomatique. Celle-ci permet d’améliorer la qualité de vie et le statut fonctionnel des patients de façon plus importante, comparé aux patients traités par des molécules antiarythmiques. Les données des registres semblent indiquer un effet favorable de l’ablation sur la mortalité et l’incidence d’AVC au long cours, mais ces résultats nécessitent d’être confirmés par les études randomisées contrôlées. Compte tenu des taux de succès de l’ablation, il est très important de proposer l’ablation tôt dans la stratégie thérapeutique des patients atteints de fibrillation atriale paroxystique. Le patient dans sa globalité doit être évalué afin de déterminer l’intérêt de l’ablation lorsque la fibrillation atriale est persistante en s’aidant d’un certain nombre de facteurs électrocardiographiques, échocardiographiques et cliniques. 

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

publicité
publicité