Publié le 15 juin 2021Lecture 5 min
FLOWER-MI : existe-t-il encore une place pour la FFR dans l’infarctus avec sus-décalage ?
Étienne PUYMIRAT, Département de cardiologie, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris
FLOWER-MI est la première étude ayant comparé la revascularisation complète guidée par la mesure de FFR (fractional flow reserve) à celle guidée par l’angiographie dans une population d’infarctus du myocarde (IdM) avec sus-décalage ST. Les résultats ont été communiqués en hotlines lors du congrès de l’ACC et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine.
• Recommandations actuelles sur la revascularisation des IdM avec sus-décalage ST
Les recommandations actuelles des sociétés savantes sur la prise en charge de l’IdM avec sus-décalage préconisent l’angioplastie primaire comme traitement de reperfusion de première intention sous réserve que la procédure puisse être réalisée dans les 120 minutes après l’interprétation de l’ECG (niveau de recommanda- tion I-A)(1,2) (figure 1).
L’angioplastie de la lésion coupable le plus souvent ne pose pas de difficultés techniques.
Dans 40 à 65 % des cas selon les séries, il existe des lésions associées (à la lésion coupable) pour lesquelles la prise en charge est plus discutée(1-3). Différents essais (PRAMI, CULPRIT, COMPLETE REVASCULARIZATION, DANAMI 3 et COMPARE ACUTE) ont démontré que la revascularisation complète (guidée ou non par la FFR) permettait de réduire les événements cardiovasculaires majeurs à long terme(4-8). Tous ces essais ont toutefois pris comme stratégie de référence le traitement conservateur quel que soit le degré de sténose des lésions associées (figure 2). Enfin, les techniques de revascularisation n’ont jamais été comparées jusqu’à présent.
• FLOWER-MI
FLOWER-MI est le premier essai comparant la revascularisation des lésions associées guidées par la mesure de FFR (groupe expérimental) à une revascularisation guidée par une évaluation angiographique (groupe de référence).
FLOWER-MI est une étude académique financée dans le cadre d’un PHRC national (avec le soutien financier complémentaire de la compagnie Abbott). L’objectif de cette étude était de démontrer la supériorité de la revascularisation complète guidée par la FFR par rapport à celle guidée par l’angiographie (évaluation visuelle) (figures 3 et 4)(9).
Il s’agit d’une étude multicentrique française, randomisée, réalisée en ouvert. La prise en charge des lésions associées pouvait être faite soit pendant la même procédure que la lésion coupable, soit de manière différée (avant J5 et au cours de la même hospitalisation). Le critère de jugement principal était défini par un critère composite associant la survenue des décès toutes causes, les récidives d’infarctus ou les hospitalisations pour une revascularisation coronaire en urgence à 1 an.
Pour cela, 1 171 patients ont été randomisés au sein de 41 centres en France entre décembre 2016 et décembre 2018. Les principales caractéristiques de la population sont décrites sur le (tableau 1). L’âge moyen de la population était de 62 ans et les caractéristiques cliniques (facteurs de risque, comorbidités) étaient similaires à ceux décrites dans l’étude COMPARE ACUTE. Lors de la prise en charge, 75 % des patients étaient bitronculaires, 23 % tritronculaires, et 6 % présentaient des signes congestifs (classe Killips ≥ 2). La fraction d’éjection moyenne était de 50 %.
La prise en charge des lésions associées a été réalisée dans 96 % lors d’une seconde procédure entre le 2e et le 3e jour majoritairement (alors que nous avions encouragé les investigateurs à réaliser la revascularisation complète lors de la procédure initiale). Les mesures de FFR ont été réalisées avec succès dans 96 % des cas. Aucune complication majeure n’a été rapportée avec l’utilisation de cette technique. Dans le groupe FFR, 66 % des patients ont eu au moins une angioplastie coronaire et le nombre moyen de stents implantés par patient était considérablement réduit dans ce groupe (1,0 vs 1,5).
Les résultats sur le critère principal montrent que la stratégie de revascularisation guidée par la FFR n’est pas supérieure à celle conventionnelle (angioplastie systématique) : 5,5 % vs 4,2 % (HR 1,32 ; IC95% : 0,78-2,23 ; p = 0,31) (figure 5 et tableau 2).
Pas de signal en faveur de la FFR : ni sur les composants du critère principal, ni sur les critères secondaires, ni sur les sous-groupes préspécifiés. En revanche, les analyses médico-économiques montrent que la stratégie FFR est plus onéreuse à 1 an lorsque l’on prend en compte les coûts des procédures et les réhospitalisations.
En conclusion, l’utilisation de la stratégie FFR pour guider la revascularisation des lésions associées n’est pas supérieure à l’angioplastie guidée par l’angiographie sur la survenue d’événe- ments cardiovasculaires majeurs à 1 an. Cette stratégie apparaît par ailleurs plus onéreuse.
• Limites de l’étude
Lors de la présentation des résultats, le faible taux d’événements retrouvé dans cette étude a été souligné. Il faut rappeler que l’étude a été élaborée en 2015, et que nous avions estimé à 15 % le taux d’événements à 1 an dans le groupe de référence (avec une réduction de 36 % des événements dans le groupe expérimental). Ces estimations ont été faites à partir des résultats de PRAMI et de divers registres (FAST-MI, SWEDHEART, AMIS) disponibles à cette période.
L’amélioration de la prise en charge des IdM montre qu’aujourd’hui le taux d’événements CV majeurs est de l’ordre de 5 % à 1 an. Toutefois, aucun signal ne plaide en faveur de la stratégie FFR, bien au contraire, puisque numériquement il y a plus d’événements dans le groupe de patients traités avec cette stratégie.
Les coûts français ont été considérés pour les analyses médico-économiques, ce qui fait que ces résultats ne sont pas extrapolables à tous les pays.
Remerciements
L’étude FLOWER-MI a été promue par l’AP-HP et coordonnée par l’Unité de recherche clinique de l’HEGP (Pr Chatellier) avec l’implication du réseau FACT (French Alliance for Cardiovascular Clinical Trials) dirigé par les Prs Steg, Simon et Danchin. Je tiens à remercier tous les patients ayant accepté de participer, les investigateurs et toutes les personnes impliquées dans ce projet.
Liens d’intérêts (activités d’expertises, de conseils et de formation) : Abbott, Amgen, AstraZeneca, BMS, Bayer, Biotronik, Boehringer Ingelheim, MSD, Novartis, Pfizer, Sanofi, Saint Jude Medical, Servier.
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