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HTA

Publié le 16 oct 2007Lecture 8 min

HTA et vieillissement

M. BEAUFILS, hôpital Tenon, Paris

Une élévation de la pression artérielle (PA) peut résulter de deux facteurs principaux :
• une vasoconstriction des artères périphériques qui augmente la PA systolique mais surtout diastolique ; elle peut survenir à tout âge. C’est ce mécanisme qui prévaut généralement chez les sujets jeunes. Elle résulte de la mise en œuvre de facteurs hormonaux (système rénine-angiotensine…), nerveux, endothéliaux ou autres ;
• une augmentation de la rigidité des artères élastiques : avec l’âge, la rigidité artérielle augmente, conduisant à un moindre amortissement de l’ondée systolique. Il en résulte une HTA essentiellement ou purement systolique, caractéristique du vieillissement. C’est ce phénomène que nous considérerons ici.

    Évolution de la PA avec l’âge Elle a été particulièrement bien étudiée par l’équipe de Framingham. Avec l’âge, la PAS augmente très régulièrement. Au contraire, la PAD augmente jusque 50-60 ans et diminue ensuite. Par voie de conséquence, la pression différentielle, ou pulsée (PP) augmente rapidement après cet âge (figure 1). La PAM évolue relativement peu avec l’âge, sauf chez les hypertendus sévères(1). Figure 1. Évolution des composantes de la PA avec l’âge dans 4 groupes de sujets de PAS initiale croissante. (D’après Franklin). M. Safar distingue deux « composantes » de la pression artérielle : – une composante continue, correspondant à peu près à la PAM, qui est la pression amortie, maintenant une perfusion constante au niveau périphérique et tissulaire ; – une composante pulsatile (PAS et PAD), manifeste surtout dans les artères élastiques proximales(2). Il est clair que c’est cette seconde composante qui se modifie le plus avec l’âge.    La fréquence de l’hypertension augmente avec l’âge La conséquence directe de ce qui précède est que la fréquence de chiffres tensionnels > 140/ 90 mmHg, situation qualifiée d’hypertension, augmente régulièrement avec l’âge (figure 2). De 5 % ou moins avant 30 ans, la prévalence augmente régulièrement pour atteindre 60 à 70 % de la population au-delà de 80 ans(3). Aux âges les plus jeunes, l’hypertension est nettement plus fréquente chez l’homme que chez la femme. Cette dernière se rapproche des valeurs masculines après la ménopause, pour les dépasser au-delà de 60 ans. Figure 2. Prévalence de l’HTA par tranches d’âge et par sexe aux USA. (D’après Burt). Compte-tenu de l’augmentation continue de la PAS et de la baisse de la PAD à l’âge mûr, il n’est pas surprenant que l’HTA du sujet âgé soit le plus souvent une HTA systolique pure. Dans ces conditions, ce seuil de 140/90 mmHg est-il vraiment justifié pour définir une situation pathologique chez le sujet âgé au même titre que chez le sujet plus jeune ? Assurément. Une pathologie fréquente n’en demeure pas moins une pathologie. L’HTA du sujet âgé a longtemps été considérée comme une situation presque physiologique, conduisant à tous les laxismes en termes de traitement. En réalité cette position n’est pas tenable pour deux raisons : – le risque de maladie coronaire ou d’AVC croît linéairement avec la PA, quel que soit l’âge. Cette augmentation est d’autant plus préoccupante chez le sujet âgé dont le risque de base est le plus élevé ; – diverses études cliniques (SHEP, SystEur…) ont clairement montré le bénéfice important apporté par un traitement antihypertenseur dans l’HTA systolique du sujet âgé, coupant court définitivement aux tentations laxistes.   Pourquoi cette augmentation ? Elle résulte pour l’essentiel d’une modification des parois artérielles. La rigidité artérielle peut être évaluée assez simplement par la mesure de la vitesse de l’onde de pouls (VOP). Celle-ci est d’autant plus élevée que les artères sont rigides. Elle croît régulièrement avec l’âge. Cette rigidité accrue a pour conséquence un moindre amortissement de la pression systolique. De plus, la forme de l’onde de pouls résulte de deux composantes : la première est l’arrivée de l’onde systolique elle-même. Cette onde systolique est réfléchie en périphérie, au niveau des artères les plus distales, donnant lieu à une onde de réflexion qui vient se superposer à l’onde incidente. Chez les sujets de moins de 50 ans, avec des artères souples et une VOP basse, l’onde réfléchie vient se superposer en début de diastole, ce qui contribue à augmenter la perfusion coronaire sans pour autant augmenter la postcharge. Très logiquement, l’onde de réflexion intervient d’autant plus tardivement en diastole que l’artère est plus proximale. Au contraire, chez les sujets plus âgés avec une VOP élevée, l’onde de réflexion intervient plus tôt, et augmente la pression systolique sans avoir d’action sur la pression diastolique. Il en résulte une PAS et une PP plus élevées, et l’absence de bénéfice sur la circulation coronaire (figure 3). Il n’est pas étonnant, dès lors, que la PP soit un facteur majeur du risque cardiovasculaire(2). Figure 3. Courbes de pression aortique pour une PAM identique. À gauche, chez un sujet jeune, l’onde réfléchie augmente la pression diastolique et favorise la perfusion coronaire. À droite, chez un sujet âgé, l’onde réfléchie intervient plus tôt, augmente la PAS et ne modifie pas la PAD. La difference entre les PAS est définie comme index d’augmentation. (Modifié, d’après M. Safar). Cette augmentation de la PP représente une contrainte majorée au niveau des parois artérielles, dont elle accélère le remodelage. Nous n’envisagerons pas ici ce versant du problème.   Les télomères Les télomères sont des successions de courtes séquences TTAGGG, situées à l’extrémité des chromosomes humains. Ils se raccourcissent au fil des réplications cellulaires, et sont donc considérés comme des « horloges mitotiques », ou indices du « vieillissement biologique ». Cette attrition progressive limite le nombre de cycles possibles de réplication cellulaire. Il existe une corrélation négative entre la longueur des télomères et la VOP ainsi que la PP. Ce phénomène relie directement la PP au vieillissement global de l’organisme(4). La corrélation est plus marquée chez l’homme que chez la femme, ce qui reflète quelques différences importantes entre les sexes. En effet, à tout âge, les femmes ont des télomères plus longs que les hommes, ce qui n’est sans doute pas indifférent au fait que leur longévité est plus grande. Il a été proposé, et en partie démontré, que les estrogènes permettraient une épargne de l’attrition des télomères pendant toute la période où les femmes y sont largement exposées. Toujours est-il que la relation de la rigidité artérielle à un indice de vieillissement biologique conforte avec élégance le vieil adage selon lequel on a « l’âge de ses artères »…   Traiter l’hypertendu âgé ? L’idée de traiter une fraction aussi importante de la population a pu apparaître à certains un peu dérisoire. Pourtant, le fait est là : l’HTA est essentiellement une maladie du sujet âgé, chez lequel elle est fréquente. Ces sujets sont à risque particulièrement élevé d’un accident cardiovasculaire ; or, plus le risque est élevé et à plus court terme, plus le bénéfice d’un traitement efficace est évident. Dans l’étude SHEP (Systolic Hypertension in the Elderly Program), le traitement d’une HTA systolique du sujet de plus de 60 ans par de la chlortalidone (avec ajout éventuel d’aténolol) a réduit la fréquence des AVC de 36 %, et de 27 % celle des infarctus ou de la mort par maladie coronaire(5). Dans SystEur, avec un traitement par nitrendipine, la réduction des AVC a été de 42 %, et celle des événements cardiovasculaires de 26 %(6). Point n’est besoin de multiplier les exemples, les études sont concordantes. Une métaanalyse de Staessen portant sur les 8 principales études a confirmé les chiffres ci-dessus(7). Une remarquable revue prenant en compte 1 064 études, assortie d’une discussion sur les points acquis et ceux restant litigieux, aboutit aux mêmes conclusions(8). De surcroît, certaines études font état, sous traitement, d’une moindre fréquence de la démence ou du déclin cognitif. Le bénéfice du traitement de l’HTA systolique du sujet âgé est donc absolument évident en termes de santé publique. De plus, si l’on considère le coût des pathologies évitées, le poids économique de ce traitement semble plutôt modeste (en fait, pour les économistes de la santé, c’est un « coût négatif », c’est-à-dire une économie), surtout lorsque l’on utilise un médicament aussi peu coûteux qu’un diurétique (un traitement par hydrochlorothiazide coûte entre 1,30 et 2,60 euros par mois !).   Quel(s) médicament(s) privilégier chez le sujet âgé ? La recommandation de la HAS propose en première ligne diurétiques et inhibiteurs calciques, qui ont largement fait leurs preuves sur ce terrain. Mais ce marché considérable suscite bien des convoitises et les études comparatives ont fleuri. Nous épargnerons au lecteur la litanie de ces études et des argumentations corollaires, contradictoires comme il se doit. Ce qui semble à peu près clair est que diurétiques et inhibiteurs calciques sont les classes qui, en monothérapie, permettent le meilleur abaissement de la PA chez le sujet âgé. En revanche, ces deux classes ne détiennent pas forcément la palme de la tolérance et la vigilance est nécessaire, surtout pour les diurétiques. Les IEC ou ARA II en monothérapie sont moins performants chez le sujet âgé que chez le sujet jeune, mais dès lors qu’ils sont potentialisés par une petite dose de diurétique, leur effet est très favorable. Le degré de protection cardiovasculaire apporté par les différentes classes thérapeutiques ne semble pas fondamentalement différent, mais c’est, bien sûr, le point sur lequel la controverse est nourrie. Autant nous disposons de données fiables entre 65 et 80 ans, autant les données sont très fragmentaires au-delà de 80 ans. Il n’est absolument pas certain que l’effet globalement bénéfique du traitement antihypertenseur soit aussi marqué dans cette tranche d’âge extrême, même si la réduction des AVC y est toujours manifeste. Les résultats de l’étude HYVET (HYpertension in the Very Elderly Trial) seront probablement décisifs sur ce point. D’ici là, la recommandation HAS suggère quelque modération, en particulier un objectif de 150 mmHg de PAS et l’absence d’acharnement en cas de résistance à une trithérapie.   En pratique   L’hypertension est, à une majorité numérique écrasante, une maladie du vieillissement artériel, phénomène inévitable s’il en est. Elle implique une majoration considérable du risque cardiovasculaire, qui est remarquablement maîtrisée par le traitement. À ce titre, il est évident (et légitime) qu’une très grande partie de la population « senior » bénéficie d’un traitement antihypertenseur. Celui-ci augmente sans nul doute l’espérance et la qualité de la vie, puisqu’il évite des accidents compromettant gravement l’une et l’autre. Certes, ce traitement doit être manié avec doigté, prendre en compte les polymédications, la pharmacocinétique particulière des médicaments dans cette tranche d’âge conduisant à des posologies plus faibles, et rester vigilant face aux effets indésirables potentiels de chaque classe thérapeutique, tous majorés chez le sujet âgé. Néanmoins, suivant la logique du verre à moitié plein ou vide, si certains expriment quelque scepticisme à l’idée que peu d’entre nous « échapperont » à un traitement antihypertenseur, il n’est pas moins logique de souhaiter qu’il n’y ait pas trop de sujets qui « échappent » à ce traitement, dont les mérites sont trop évidents pour que ceux qui en ont besoin n’en soient pas « privés ».

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