Publié le 22 juin 2010Lecture 18 min
HTA résistante
J. AMAR, Service de médecine interne et HTA, Pôle cardiovasculaire et métabolique, CHU de Toulouse
Vérifier la réalité de la résistance
Vérifier la réalité de la résistance
L’amplitude de l’effet blouse blanche augmente avec l’âge. Quinze pour cent environ des HTA résistantes en consultation s’avèrent en fait contrôlées en référence à des données d’auto-mesure ou de mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA). Il faut donc disposer de ces alternatives à la pression de consultation pour confirmer la résistance au traitement en particulier chez le sujet âgé. Le recours à l’auto-mesure impose :
– la nécessité de recourir à un appareil validé disposant de préférence d’un brassard huméral ;
– d’installer un protocole de mesure standardisé (figure 1).
Figure 1. Comité français de lutte contre l’HTA.
La règle de 3
Elle a le grand mérite d’être facile à mémoriser par le patient et le praticien. On propose de mesurer la PA en position assise, au calme, au repos avant la prise des médicaments, le matin avec 3 mesures successives en rafale. On procédera de la même façon le soir et cela 3 jours de suite.
La moyenne des 18 mesures sera calculée. Le seuil de contrôle est fixé à 135/85 mmHg. Concernant la MAPA, ce seuil est de 130/80 mmHg pour la moyenne des PA des 24 heures.
L’auto-mesure contribue à l’éducation et favorise l’adhésion au traitement. La MAPA donne accès à la variabilité de la pression artérielle. Ceci peut être utile lorsqu’on soupçonne une dysautonomie par exemple chez un patient affecté d’un diabète ou d’une maladie de Parkinson décrivant des lipothymies au lever. De même cet examen peut être indiqué pour mettre en évidence une élévation de la PA nocturne par exemple dans le cadre d’un syndrome d’apnée du sommeil ou d’une insuffisance rénale.
Rechercher des facteurs de résistance
Mauvaise observance
L’inobservance des mesures diététiques
Pour faciliter le contrôle de l’HTA, Il est conseillé chez l’hypertendu de ne pas dépasser une consommation de 6 g de sel par jour. On interrogera le patient sur ses habitudes de « resaler » les plats sans les goûter, son appétence pour le fromage ou la charcuterie, l’utilisation de condiments en cubes, l’utilisation exclusive d’eau pétillante très riche en bicarbonate de sodium telle que l’eau de Vichy.
La natriurèse des 24 h peut compléter l’interrogatoire.
Elle représente chez un sujet en état stable un reflet très fidèle des apports. Lorsqu’elle est donnée en mmol/24 h par le laboratoire, il faut diviser ce chiffre par 17 pour obtenir le résultat en grammes. Il faut aussi évaluer la consommation d’alcool. Il est proposé de la limiter à 3 verres de vin quotidien chez l’homme et 2 verres de vin chez la femme. En effet, l’alcool provoque par stimulation sympathique une élévation de la pression artérielle qui est « dose-dépendante ». De plus, la diminution de la consommation d’alcool favorise via une perte de poids le contrôle de la PA.
L’inobservance médicamenteuse
L’adhésion au traitement médicamenteux, est en général surestimée par le praticien. Une solution pour mieux l’appréhender pourrait être d’orienter les questions non pas sur la réalité de la prise médicamenteuse mais plutôt sur les difficultés rencontrées à prendre le traitement. À cet égard, l’auto-questionnaire construit par le comité de lutte contre l’hypertension artérielle (tableau 1) est de nature à faciliter le dialogue. Dans des cas exceptionnels, on peut être amené à utiliser des méthodes plus inquisitoriales tel que le dosage des sulfamides dans les urines pour s’assurer de la prise effective des diurétiques thiazidiques.
Syndrome d’apnée du sommeil (SAS)
Le diagnostic de SAS doit être évoqué chez un hypertendu résistant, ronfleur, asthénique le matin au lever, impuissant, sujet aux accidents de voiture ou affecté d’une somnolence diurne parfois invincible. Le diagnostic sera posé à l’aide d’un enregistrement polysomnographique du sommeil.
La présence d’un SAS prédit l’apparition de l’hypertension artérielle, une augmentation du risque de trouble du rythme cardiaque et de la morbi-mortalité cardiovasculaire.
La correction du SAS chez l’hypertendu est associée à une amélioration de la qualité de vie et une réduction de la PA proportionnelle à sa sévérité et à la qualité de sa correction. La réduction de PA à espérer est de l’ordre de 5 à 6 mmHg. On ne dispose pas à l’heure actuelle de démonstration fondée sur un fort niveau de preuve d’une amélioration du pronostic cardiovasculaire après correction du SAS.
Chez les patients intolérants à l’assistance respiratoire nocturne, il faut avant d’abandonner s’assurer de la qualité de la correction du SAS. En effet, la tolérance s’améliore avec le bénéfice perçu qui est lui-même proportionnel à la diminution des apnées.
Facteurs iatrogènes
Les médicaments susceptibles d’augmenter la pression artérielle ou d’interférer avec les antihypertenseurs sont nombreux. Les recommandations proposent une liste (tableau 2) dont elles soulignent le caractère non exhaustif et de fait cette liste évolue sans cesse avec la pharmacopée.
La contraception à base d’éthinylestradiol
Elle est à l’origine d’une hypertension artérielle notamment par augmentation de la production d’angiotensinogène. Le maintien sous éthinylestradiol d’une patiente hypertendue expose à la survenue d’HTA maligne et d’accident vasculaire cérébral dont on imagine les conséquences dramatiques dans le contexte. De fait, sa prescription est contre-indiquée chez la patiente hypertendue. On peut escompter de son interruption une normalisation de la pression artérielle. Cependant, la reconnaissance d’une HTA sous pilule ne doit pas faire méconnaître une étiologie sous-jacente. Enfin, ce paragraphe est l’occasion de rappeler qu’il vaut mieux éviter de concevoir sous inhibiteur d’enzyme de conversion (IEC) ou antagoniste des récepteurs AT1 de l’angiotensine II (ARA2).
De plus, ces deux classes sont contre-indiquées pendant la grossesse compte tenu de risque d’agénésie osseuse et d’atteinte rénale chez l’enfant.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et la cortisone
Prescrits ou utilisés en auto-médication, les anti-inflammatoires entraînent une rétention hydro-sodée à l’origine d’une élévation de la pression artérielle. L’augmentation de la PA sera particulièrement marquée chez les patients traités par des bloqueurs du système rénine angiotensine tels que les inhibiteurs d’enzyme de conversion, les bêtabloqueurs, les antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II très mal armés pour contrecarrer une hausse de la pression artérielle volo-dépendante. À cet égard, l’utilisation d’anti-inflammatoire non stéroïdien peut faire basculer dans l’insuffisance cardiaque en particulier diastolique des patients âgés à l’HTA mal contrôlée.
L’application répétée, généreuse et sur une large surface de topiques contenant des AINS expose aux mêmes effets hémodynamiques que l’administration par voie orale.
Les anti-angiogéniques
Les anti-angiogéniques sont utilisés dans le traitement de cancers tels que les cancers du rein ou du côlon. Ils sont responsables d’élévation de la pression artérielle et parfois d’atteinte rénale. Parmi les mécanismes évoqués, on citera la raréfaction artériolaire et l’élévation de l’hémoglobine. Des HTA malignes ont été décrites. Prévenu, le praticien doit intensifier la surveillance de la pression artérielle et adapter le traitement si nécessaire. Un consensus d’experts(3) propose le schéma suivant : la mesure de la PA doit être faite une semaine, deux semaines, un mois, puis au moins tous les mois après l’initiation du traitement anti-angiogénique. Une surveillance de la bandelette urinaire, de la clairance de la créatinine et de l’ionogramme en plus de la surveillance de la créatinine et NFS-plaquettes doit être faite tous les mois. Il existe quelques rares situations justifiant l’arrêt malgré une réponse thérapeutique et après un avis spécialisé : une HTA maligne, une leucoencéphalopathie postérieure, une microangiopathie thrombotique, un syndrome néphrotique sévère mal toléré cliniquement, une insuffisance rénale rapidement progressive sévère, une poussée d’insuffisance cardiaque non contrôlée, un accident vasculaire cérébral, un infarctus du myocarde.
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
Il s’agit de molécules proposées dans le traitement de la dépression. Leur chef de file est la venlafaxine. Ils induisent une élévation de la pression artérielle de façon dose-dépendante du fait d’une action sympathomimétique.
Les dérivés des amphétamines
La sibutramine proposée dans l’obésité provoque une augmentation de la pression artérielle.
Les alpha 1 mimétiques
La midodrine est un agoniste des récepteurs alpha qui s’administre par voie orale. Elle est indiquée dans le traitement des hypotensions orthostatiques sévères. Elle provoque une élévation de la pression artérielle inhérente à son mécanisme d’action. À cet égard, il n’apparaît pas logique de donner de façon simultanée de la midodrine et un antihypertenseur.
Les vasoconstricteurs nasaux en prise régulière provoquent par leur action sur les récepteurs alpha une augmentation de la pression artérielle.
Les médicaments dont les excipients sont à forte teneur en sel
Parmi les plus usités, il faut citer le paracétamol sous forme de comprimés effervescents. Chaque comprimé apporte 380 mg de sodium. L’utilisation de fortes posologies (parfois dans le cadre d’un mésusage) peut augmenter de façon significative la ration en sel et en bicarbonate de sodium.
Les immunosuppresseurs
L’HTA est le fait de la famille des calcineurines : ciclosporine et tacrolimus. Cette HTA est caractérisée par une forte vasoconstriction intrarénale, une augmentation de l’activité sympathique, une expansion du volume intravasculaire et une suppression de l’activité rénine. Elle sera à prendre en charge en collaboration avec les spécialistes de la transplantation.
Les interactions pharmacocinétiques
Les inducteurs enzymatiques tels que la carbamazépine, les antiprotéases, la rifampicine ou les barbituriques facilitent la dégradation des antihypertenseurs à métabolisme hépatique, par exemple les inhibiteurs calciques, et réduisent leur efficacité. Concernant les antiprotéases, l’indinavir exerce un effet hypertenseur spécifique indépendant de son action hépatique.
Facteurs toxiques
La réglisse
Il faut interroger le patient sur une prise régulière de réglisse sous la forme de confiserie, d’antésite de chewing-gum ou d’infusion. En effet, l’acide glycirrhizique inhibe l’enzyme en charge de la dégradation du cortisol au voisinage du récepteur de l’aldostérone. Dépourvu de cet enzyme, le récepteur de l’aldostérone va être stimulé de façon inappropriée par le cortisol induisant une HTA avec hypokaliémie associée à une rénine et une aldostérone plasmatique basses.
Les substances illicites
Les substances stupéfiantes telles que la cocaïne, les amphétamines avec leur nombreux dérivés comme la MDMA (méthylène-dioxyméthamphétamine ou ecstasy) sont de puissants sympathomimétiques responsables de paroxysmes tensionnels. Il faut savoir évoquer leur usage, même épisodique.
L’achat sur Internet
Tout est possible. Un interrogatoire patient saura retrouver l’achat d’herbes ou de substances improbables. Parmi les cas récents qui nous viennent à l’esprit, on citera l’usage intensif d’anabolisants responsables d’une dégradation de la fonction rénale avec comme conséquence une élévation de la pression artérielle ou encore l’achat de SHEN de ZU aux propriétés amincissantes : en fait, il s’agit de sibutramine !
Rechercher une étiologie
L’HTA secondaire peut expliquer la résistance au traitement. L’histoire personnelle ou familiale du patient associé au bilan standard : kaliémie, créatininémie et étude du sédiment urinaire permettent la plupart du temps de les évoquer. Pour illustrer l’importance de l’interrogatoire et de ces examens simples, voici décrites brièvement des histoires réelles faisant évoquer le diagnostic étiologique.
HTA d’origine rénale ou artérielle rénale
• Une patiente jeune vient vous trouver pour une HTA évoluant depuis plusieurs années. L’interrogatoire retrouve la notion d’infections urinaires à répétition de l’enfance. Le diagnostic à évoquer est une HTA supportée par une néphropathie interstitielle peut-être favorisée par un reflux vésico-urétéral.
• Un patient jeune consulte à la demande de son médecin généraliste pour une HTA d’apparition brutale et d’emblée de haut degré. Il décrit une scène douloureuse lombaire pour laquelle le diagnostic de colique néphrétique a été porté quelques semaines auparavant. Le diagnostic à évoquer a posteriori est une HTA réno-vasculaire sur une dysplasie artérielle rénale compliquée de dissection.
• Un patient de 30 ans est adressé pour une HTA résistante. Il a la notion depuis plusieurs années d’anomalie du sédiment urinaire dépisté à la médecine du travail par l’analyse d’une bandelette. On lui a parlé à plusieurs reprises de la présence de sang et de protéines dans les urines. Le diagnostic à évoquer est une HTA venant compliquer une néphropathie glomérulaire.
• Un patient de 40 ans est adressé pour une HTA résistante. Plusieurs membres de sa famille sont en dialyse et il a la connaissance d’une pathologie rénale liée à la présence de kystes. Il faut suspecter l’existence d’une HTA associée à une polykystose rénale.
• Un patient à l’antécédent d’artériopathie des membres inférieurs favorisée par un tabagisme encore actif présente un déséquilibre brutal d’une HTA jusque-là à peu près contrôlée. Dans ce contexte, il faut évoquer une composante réno-vasculaire surajoutée (figure 2).
Figure 2. Sténose athéromateuse de l’artère rénale gauche.
• Un patient de 70 ans, polyvasculaire, présente une HTA déséquilibrée associée à des œdèmes aigus du poumon de survenue brutale. Cette histoire est évocatrice de sténoses volontiers bilatérales des artères rénales.
• Un patient de 75 ans, polyvasculaire, présente dans les suites d’une coronarographie, un déséquilibre brutal de son HTA associé à une insuffisance rénale. L’inspection des pieds doit permettre le diagnostic. Il faut en effet rechercher des orteils bleus évocateurs d’emboles de cholestérol déclenchés par le geste endovasculaire. L’ischémie rénale est à l’origine du déséquilibre de la pression artérielle et de l’altération du débit de filtration glomérulaire.
HTA d’origine surrénale
Une patiente de 35 ans présente une HTA depuis l’âge de 25 ans. Cette HTA est associée à une hypokaliémie. Elle vous est adressée au décours d’une grossesse pendant laquelle la PA et la kaliémie se sont améliorées. Cette histoire fait évoquer un hyperaldostéronisme primaire supporté par un adénome de Conn (figure 3). Le jeune âge de la patiente, la précocité de l’HTA, l’hypokaliémie, l’amélioration du tableau au cours de la grossesse à la faveur de l’effet anti-aldostérone de la progestérone plaident pour ce diagnostic.
Un patient de 40 ans consulte pour une HTA dans un contexte d’antécédent personnel et familial de cancer médullaire de la thyroïde. Le diagnostic le plus probable est celui d’un phéochromocytome évoluant dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple : maladie génétique associant volontiers cancer médullaire de la thyroïde, phéochromocytome et hyperparathyroïdie.
Figure 3. Nodule hypodense de petite taille de la surrénale gauche évocateur d’adénome.
Une patiente de 45 ans consulte pour une HTA réfractaire associée à une tendance discrète à l’hypokaliémie. Un premier bilan n’a pas retrouvé d’hyperaldostéronisme primaire ou secondaire. La patiente se plaint d’une prise de poids rapide et qu’elle estime non justifiée. Vous lui demandez alors ses papiers d’identité : vous constatez une modification importante de son aspect en comparaison avec une photographie prise 5 ans auparavant. Il faut suspecter un hypercortisolisme. Dans le contexte, il aurait été fondé de faire cette hypothèse même en l’absence de signes morphologiques : on connaît en effet une proportion importante de Cushing dit « infraclinique ».
Moins classiques
Un patient de 25 ans vous est adressé pour une HTA résistante. Cette HTA est connue depuis l’adolescence. Lors de l’examen clinique, vous avez du mal à percevoir les pouls fémoraux et vous notez un souffle interscapulaire. Le diagnostic à évoquer est une coarctation aortique passée inaperçue lors de l’enfance.
Un patient de 75 ans est adressé pour une HTA résistante. L’interrogatoire relève la notion de paroxysmes de pression artérielle et de lipothymies le matin au lever. Vous notez en consultation une hypotension orthostatique majeure (perte de 50 mmHg pour la PA systolique à la 3e minute d’orthostatisme). Il s’agit d’un patient qui a interrompu un tabagisme massif (40 paquets-années) depuis 15 ans. Il faut rechercher en priorité une dysautonomie c’est-à-dire une atteinte du système nerveux autonome responsable de la régulation de la pression artérielle. Cette atteinte peut s’intégrer dans le cadre d’une atteinte du système nerveux périphérique par exemple dans le diabète, d’une atteinte des noyaux gris centraux telle que dans l’atrophie multi-systématisée où elle est volontiers associée à un syndrome extra-pyramidal, d’un syndrome para-néoplasique en particulier dans le cadre d’un cancer pulmonaire.
Cette série d’histoires ne prétend pas à l’exhaustivité. Elle illustre l’importance de l’interrogatoire dans la recherche d’une étiologie.
Analyser le traitement de l’hypertendu résistant
Que disent les recommandations ?
Une monothérapie initie le traitement.
Dans un second temps, une fois constaté l’échec de la monothérapie et avec une célérité dépendante du niveau de risque – dans le mois qui suit l’installation de la monothérapie chez les patients à haut risque et après un mois chez les patients à risque faible ou modéré– on installera une bithérapie. Les composants souhaitables de la bithérapie sont inscrits sur la coque et le gréement du bateau de la HAS (figure 5).
Figure 5. Algorithme proposé par les recommandations Afssaps (2002).
Les recommandations européennes de 2007 retouchées en 2009(4) soulignent l’intérêt des combinaisons fixes pour améliorer l’observance.
Les bithérapies reconnues comme synergiques sont les associations inhibiteur d’enzyme de conversion (IEC) + diurétique (DIU), antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA2) + DIU, IEC + inhibiteur calcique (ICA), ARA2 + ICA, ICA + DIU, bêtabloquant (BB) + DIU, BB + ICA. Bien entendu, dans un souci de sécurité, on n’associera pas un BB avec du vérapamil ou du diltiazem.
En l’absence de succès, on installera une trithérapie.
À ce stade, le recours au diurétique, s’il n’était pas déjà utilisé, est recommandé.
La résistance est affirmée lorsque l’objectif de la PA n’est pas atteint chez un patient traité par trois médicaments antihypertenseurs à posologie adaptée incluant un diurétique. Le diurétique sera un thiazidique sauf en cas d’insuffisance rénale sévère : clairance inférieure à 30 ml/min où l’on utilisera un diurétique de l’anse. De fait, chez un hypertendu non contrôlé sous une monothérapie, une bithérapie ou une trithérapie sans diurétique, il faut adapter le traitement. Ceci n’exclut pas la conduite d’une enquête étiologique et a fortiori la recherche de facteur de résistance (figure 4).
Figure 4. Associations synergiques selon les recommandations de la HAS sur la prise en charge de l’HTA (2005).
Les recommandations de l’ESH confirment l’intérêt d’une trithérapie (cf.encadré).
Quel est le niveau de preuve soutenant cette stratégie fondée sur la combinaison d’antihypertenseurs ?
L’analyse a posteriori des nombreux essais randomisés conduits chez l’hypertendu à haut risque cardiovasculaire suggère que pour tendre vers l’objectif thérapeutique, il faut la plupart du temps au moins trois médicaments antihypertenseurs. Ceci a été vérifié chez les hypertendus avec facteurs de risque cardiovasculaire inclus dans l’étude HOT, chez les patients avec néphropathie inclus dans les études MDRD ou AASK(5), chez les patients diabétiques avec néphropathie inclus dans les études IDNT ou AVOID.
Comment choisir les composants d’une association ?
Le choix prend en compte les pathologies associées, les intolérances médicamenteuses déjà rencontrées, le souci de l’observance et la nécessité d’utiliser une combinaison aux effets synergiques sur la baisse de la pression artérielle.
Prescrire en tenant compte des pathologies associées
- En situation de post-infarctus, il faut inclure un bêtabloquant. Le choix de la molécule sera guidé par les niveaux de preuve : on évitera de recourir au pindolol et, bien entendu, au sotalol qui, testés dans le cadre d’essais randomisés, n’ont pas démontré d’effet positif sur le pronostic cardiovasculaire.
- La présence d’une néphropathie dans le cadre d’un diabète de type 2 oriente vers la prescription d’un ARA2 et dans le cadre d’un diabète de type 1 vers un IEC.
- La présence d’une insuffisance rénale, surtout si elle est sévère, suggère le recours au diurétique. Le choix du diurétique tiendra compte de l’estimation du débit de filtration glomérulaire.
- La présence d’une altération de la fonction systolique ventriculaire gauche (< 40 %), situation rare en présence d’une HTA résistante, impose l’utilisation d’un IEC avec comme alternative un ARA2 et d’un bêtabloquant validé dans cette situation : bisoprolol, métoprolol, carvédilol et chez le sujet âgé, nébivolol.
Prescrire en tenant compte des intolérances
Il faut envisager a priori les intolérances habituellement rapportées en fonction de la classe utilisée et respecter dans la mesure du possible les intolérances alléguées. Les intolérances « classiques » sont bien connues : œdèmes des membres inférieurs, palpitations, flushs sous inhibiteurs calciques, constipation sous vérapamil et à un moindre degré sous diltiazem, toux sous IEC, bronchospasme, limitation à l’effort ou exacerbation d’un syndrome de Raynaud sous bêtabloquant, goutte et impuissance sous diurétiques, gynécomastie et impuissance chez l’homme, métrorragie et mastodynie chez la femme sous spironolactone. Les intolérances alléguées sont quant à elles aussi diverses que les patients…
Cependant, même si l’on doute de l’imputabilité, il faut savoir composer avec ces plaintes pour installer un traitement appelé à durer. C’est là un point clé.
Au-delà de la tolérance effective, on ne peut prétendre instaurer un traitement de prévention à prendre quotidiennement pendant des années si la tolérance perçue par le patient n’est pas bonne.
Prescrire en tenant compte des contre-indications et des interactions médicamenteuses
Dans le champ de l’hypertension artérielle, c’est-à-dire d’un traitement de prévention chez un patient asymptomatique, la plus grande prudence est de mise. À titre d’exemple, la tolérance relative des RCP vis-à-vis d’un antécédent d’asthme chez un patient que l’on veut mettre sous bêtabloquant en raison d’une insuffisance cardiaque symptomatique avec fraction d’éjection basse (cf. RCP du bisoprolol) n’est pas de mise chez l’hypertendu, compte tenu des alternatives disponibles et de la nature des enjeux. De même, en raison du risque d’hyperkaliémie et des alternatives possibles, il n’apparaît pas judicieux chez le patient hypertendu indemne de néphropathie ou d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection abaissée d’associer IEC et ARA2, IEC ou ARA2 et spironolactone.
Faut-il tenir compte de la situation métabolique ?
Une augmentation du risque de diabète a été suggérée avec les bêtabloquants et les diurétiques dans le cadre d’analyses a posteriori d’essais randomisés, de méta-analyses ou d’analyses de critère secondaire. L’impact clinique de l’élévation de la glycémie induite par ces antihypertenseurs n’est pas connu. On peut cependant noter que l’atenolol a fait jeu égal avec le captopril chez les hypertendus diabétiques inclus dans l’étude UKPDS.
En pratique, concernant les bêtabloquants, cet effet métabolique potentiel ne doit pas être pris en compte en particulier lorsque le bénéfice de ces classes sur le pronostic et/ou les symptômes est démontré : insuffisance cardiaque, post-infarctus du myocarde, angor, migraine, troubles du rythme, hyperthyroïdie, HTA systolique pure du sujet âgé, etc.
Chez l’hypertendu en prévention primaire avec syndrome métabolique à haut risque de développer un diabète, le bêtabloquant n’est pas un choix préférentiel surtout si une alternative est possible.
Concernant les diurétiques, la résistance à l’insuline est induite par l’hypokaliémie et celle-ci sera de toute façon à dépister et à contrôler pour limiter le risque de troubles du rythme. De fait, la situation métabolique ne doit pas être un frein à l’utilisation du diurétique en particulier chez le diabétique où l’importance d’un contrôle strict de la pression artérielle a été démontrée ou suggérée pour réduire le risque de micro et/ou de macroangiopathie dans 3 essais randomisés : UKPDS, ADVANCE et HOT.
Prescrire une association synergique
Combiner les antihypertenseurs pour disposer d’une association synergique requiert une expertise pharmacologique. Le plus fort niveau de preuve est apporté par une étude en plan factoriel des différents composants de l’association envisagée. Cette méthodologie permet de sélectionner les combinaisons pour lesquelles l’addition des molécules induit une baisse de pression artérielle supérieure à celle amenée par chacun des composants. Elle permet aussi de déterminer les posologies pour lesquelles il existe une relation dose-effet. Les dossiers d’enregistrement des combinaisons fixes remplissent ces exigences. À cet égard, ce processus de validation me paraît être le gage d’une sécurité et d’une efficacité renforcées, comparé à la fabrication « artisanale » d’une combinaison d’antihypertenseurs par le praticien. Cela, bien entendu, n’exclut pas le recours à une fabrication « sur mesure » pour s’adapter à la situation clinique d’un patient s’écartant manifestement de la norme.
En pratique
L’HTA résistante est fréquente en pratique quotidienne. Elle est associée à un risque accru. L’interrogatoire et quelques examens simples permettent de discerner la plupart du temps des facteurs favorisants. Chez l’hypertendu à haut risque cardiovasculaire, l’éradication de ces facteurs de résistance et l’installation d’une combinaison d’antihypertenseurs permettent d’obtenir le contrôle de l’HTA.
Les combinaisons fixes sont des outils commodes pour installer une association d’antihypertenseurs aux effets synergiques et dans des gammes de posologies garantissant une relation dose-effet.
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