Publié le 06 juin 2006Lecture 4 min
La protection distale lors de l'angioplastie coronaire : intérêt et conséquence pratique
A. SUDRE, Hôpital cardiologique, Lille
L’embolisation distale au décours d’un geste d’angioplastie reste un phénomène redouté et peut engendrer des complications graves.
Nombreuses sont les techniques de protection du lit coronaire distal qui ont été développées dans le but de limiter ce phénomène. Si certaines d’entre elles ont démontré leur intérêt dans la revascularisation des pontages veineux saphènes, quelle est leur place au cours des procédures concernant les artères coronaires natives ?
Quelles sont les techniques de protection distale disponibles ?
De nombreux systèmes de protection ont été développés ces dernières années, mais seuls deux d’entre eux ont démontré une efficacité et obtenu une autorisation d’utilisation aux États-Unis par la FDA (Food and Drug Administration) (figure 1 A et B) :
• Percusurge®, un ballonet d’occlusion distale couplé à un cathéter de thromboaspiration Export® (Medtronic) ;
• Filterwire® (Boston Scientific) qui se présente sous la forme d’un panier déployé en distalité retenant ainsi les embols ; l’avantage est qu’il occlut le flux sanguin, contrairement au Percusurge®, on obtient une meilleure tolérance par le patient.
Le SpideRX®, un troisième système dont les premiers résultats ont été récemment rapportés, semblerait également pouvoir venir compléter l’arsenal thérapeutique (figure 1C) ; proche du Filterwire®, mobilité et maniabilité seraient accrues.
Figure 1. Systèmes Percusurge® (A), Filterwire® (B) et SpideRX® (C).
L’ensemble de ces techniques présente des limitations dans leur utilisation :
• le lit, en aval de la lésion à traiter, doit être suffisamment important pour pouvoir déployer le système de protection ;
• la conformation anatomique (sinuosités, calcifications) doit pouvoir permettre le franchissement par le matériel ;
• la stabilité et la parfaite protection du diamètre luminal peuvent parfois s’avérer difficiles à obtenir.
Une efficacité démontrée dans l’angioplastie des pontages veineux
(tableau)
L’étude SAFER. Cette étude randomisée menée chez 801 patients a comparé angioplastie standard (n = 395) et angioplastie avec Percusurge® (n = 406) : une différence significative (p = 0,004) a été observée sur la survenue d’événements cardiaques majeurs à 30 jours en faveur de la protection distale.
L’étude FIRE. Dans cette étude comparative randomisée menée chez 651 patients, 332 patients ont été protégés par le Filterwire® et 319 par le Percusurge®. À 30 jours, les deux groupes ont eu un suivi équivalent, permettant de valider l’hypothèse de non-infériorité du Filterwire® comparativement au Percusurge®.
L’étude SPIDER. Cette étude a randomisé 732 patients, dont 375 dans le groupe utilisant un filtre SpideRX® et 357 dans un groupe Filterwire® et Percusurge®. Les résultats à 1 mois sont, là encore, superposables et permettent de conclure à une non-infériorité de ce nouveau système.
Quelle efficacité dans les artères natives ?
Après avoir validé l’utilisation des systèmes de protection distale dans les pontages veineux saphènes, l’intérêt s’est ensuite porté sur l’angioplastie des artères coronaires natives et plus particulièrement dans le cadre des syndromes coronaires aigus (SCA). Le concept séduisant consiste à diminuer, voire abolir l’embolisation distale, ce qui permettrait d’améliorer la reperfusion notamment distale. C’est dans ce contexte que l’étude multicentrique et randomisée EMERALD a été menée versus angioplastie standard.
L’essai a inclus 505 patients présentant un SCA avec sus-décalage du segment ST < 6 h. Néanmoins, les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances initiales ; en effet, les deux critères de jugement principaux (résolution du segment ST à 30 minutes et taille de l’infarctus en scintigraphie entre le 5e et 14e jour) n’ont pas atteint la significativité (figure 2) ; de plus, le second critère a même présenté une tendance défavorable pour la protection distale par Percusurge®.
Figure 2. Étude EMERALD : résultats sur les critères de jugement principaux.
Par ailleurs, le Filterwire® a également été évalué au cours d’une étude randomisée. L’étude PROMISE menée chez 200 pa-tients qui, contrairement à l’étude EMERALD, présentaient un SCA avec ou sans sus-décalage évoluant depuis moins de 48 h (figure 3). Là encore, aucun bénéfice pour la protection distale n’a été démontré, aussi bien sur le critère principal (vélocité maximale de l’artère coupable mesurée en Doppler) que sur les critères secondaires plus classiques (taille de l’infarctus et myocardial blush grade).
Figure 3. Étude PROMISE : résultats sur les critères primaires et secondaires.
Finalement, la dernière inconnue résidait dans l’efficacité potentielle de la protection distale par ballonnet occlusif (Percusurge®) dans les SCA sans sus-décalage du segment ST. C’est pourquoi nous avons mis en route une étude chez 50 patients consécutifs présentant un thrombus angiographiquement visible dans un contexte clinique de SCA ST + ou non. Chez tous les patients, une thrombo-aspiration initiale a été réalisée, avec ou sans protection distale. Nos critères de jugement portaient sur la restauration d’un flux épicardique et tissulaire efficace (flux TIMI et grade de blush myocardique). À nouveau, aucun bénéfice de la protection distale par Percusurge® n’a été mis en évidence.
En pratique
Si l’utilisation de ce type de technique doit être privilégiée au cours de l’angioplastie des pontages veineux chaque fois que cela est possible, il n’en va pas de même pour la dilatation des pa-tients présentant un SCA sur artères natives, où la protection distale doit être réservée à quelques rares cas (charge thrombotique importante) et réalisée par des opérateurs entraînés.
Conclusion
De nombreux résultats convergent pour affirmer le bénéfice d’une protection distale au cours d’une angioplastie d’un pontage veineux saphène.
Les sociétés savantes ont intégré cette technique dans leurs recommandations dans cette indication précise.
En ce qui concerne la revascularisation des artères natives, les procédures avec protection distale n’offrent pas d’avantage, et semblent parfois même être délétères. Plusieurs explications ont été avancées par les auteurs, à savoir :
- un allongement du temps de procédure qui, en phase aiguë d’ischémie, peut s’avérer néfaste ;
- une potentielle embolisation du thrombus lors du franchissement de la lésion par le matériel de protection distale ;
- la courbe d’apprentissage est relativement longue, avec au début, des positionnements de matériel parfois mal adaptés et donc non réellement fonctionnels.
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