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Coronaires

Publié le 12 mai 2009Lecture 8 min

Le véritable danger des épreuves d'effort

H. HOOREMAN, PH Taverny

Il est probable que chaque cardiologue a eu ou aura dans sa carrière un exemple malheureux de test d’effort, réalisé par lui-même ou du moins à sa demande, grevé d’une complication significative. En dehors des malaises bénins et de quelques possibles troubles du rythme, la hantise est toujours celle d’un test très positif, à l’origine d’un syndrome coronarien dont on peut espérer, en 2009, qu’il fera l’objet d’une prise en charge immédiate avec désobstruction sans séquelle.
Les chiffres sont malheureusement têtus et l’énoncé de 1 trouble du rythme ventriculaire grave, nécessitant un choc électrique, pour environ 7 000 tests, et 1 décès pour 70 000 tests est habituellement retenu. Nous voudrions évoquer ici d’autres « dangers », moins douloureux mais bien réels, qui se résument en réalité à vouloir donner une réponse à une mauvaise question.

Mon patient de 45 ans, asymptomatique mais fumeur et en surpoids, pratique occasionnellement un peu de tennis. Avant de signer sa licence, je voudrais être sûr qu'il n'est pas coronarien. Même normal, le test ne pourra pas éliminer le risque d’une rupture de plaque vulnérable et d’un syndrome coronarien. Le couplage à une imagerie (échographie ou scintigraphie d’effort) ne pourra pas davantage répondre formellement. Le danger est de rassurer le patient au vu d’un test normal, de négliger des conseils de prévention et peut-être de diminuer la motivation au sevrage tabagique. Rappelons la sensibilité moyenne du test d’effort chez la femme, en tous cas moins bonne que chez l’homme, ce qui rend sans doute nécessaire de faire alors appel d’emblée à une imagerie d’effort, a fortiori si l’on sait d’avance que le test d’effort simple risque d’être inexploitable, en raison d’une faible capacité physique ou d’anomalies électriques déjà présentes au repos. La recherche d’une ischémie silencieuse au cours du diabète entre sans doute dans ce cas : une imagerie couplée est souhaitable d’emblée. Son frère cadet, 40 ans, non fumeur et cycliste de très bon niveau, vient d'être interdit de compétition en raison d'un test d'effort "positif". Depuis, il est très dépressif, que puis-je lui dire ? Un test d’effort doit toujours être interprété en fonction de la prévalence pré-test. En d’autres termes, un sous-décalage de ST, même important, est moins inquiétant chez un sportif sans facteur de risque qu’un sous-décalage discret chez un sujet à haut risque. Il est dangereux d’interpréter hâtivement le sacro-saint sous-décalage, et donc de négliger les « petits » signes associés, dont une faible capacité physique, la disparition d’une onde q en V5 V6, une FC de récupération qui tarde à se normaliser, un profil tensionnel encore élevé à 3 mn de récupération, etc. Le plus logique est de refaire le test, de préférence sur vélo, si le précédent était sur tapis (faux positifs plus fréquents sur tapis), en le couplant à une imagerie. On a toute chance de constater une imagerie d’effort normale. Le danger serait de demander une coronarographie abusive. Cette jeune fille de 15 ans, dont l'examen est normal, n'a aucune endurance d'après son professeur d'EPS, lequel souhaite qu'on la dispense de cours. Pouvez-vous lui faire un test d'effort ? Jusqu’à 10 % des athlètes de haut niveau ont de l’asthme d’effort ; on connaît mal la prévalence de la maladie chez les sportifs (ves) occasionnels (les). Le test d’effort cardiologique peut être normal. Il faut savoir, devant de telles demandes, et notamment en cas de toux post-effort, penser à cette pathologie, faire le test d’effort dans une ambiance fraîche, voire froide, et rechercher un bronchospasme d’effort systématiquement à l’aide d’un VEMS avant et après le test. Une chute de 12 à 15 % du VEMS est anormale et doit faire confirmer le diagnostic par un pneumologue. Un test d’effort cardiologiquement normal ne justifierait ni autorisation ni dispense de sport, à condition de prendre en charge bien entendu la pathologie respiratoire ! Mon patient, BPCO connu, est peut-être aussi coronarien, et il a déjà eu un test d'effort, malheureusement "mal fait" puisque sous-maximal, pouvez-vous le refaire en essayant cette fois d'être vraiment maximal ? La question est possiblement mal posée, car c’est peut-être justement la BPCO qui est le facteur limitant à l’effort, le patient est essoufflé par ses poumons (et accessoirement par ses muscles), avant de l’être par son cœur, et sans doute la motivation du patient et celle de l’examinateur sont hors de cause. Le danger est de sous-estimer l’importance de la pathologie bronchique et l’urgence du traitement à y apporter. Mon patient, porteur d'un Wolf-Parkinson typique, peut-il faire du sport sans risque ? La disparition à l’effort de la préexcitation est réputée s’accompagner d’un bon pronostic et fait effectivement partie du bilan de base d’un WPW, y compris et surtout, asymptomatique, au même titre que l’écho (cardiopathie associée ?). Il faudrait déjà que l’onde delta de préexcitation disparaisse subitement d’un complexe au suivant et non progressivement. La disparition instantanée d’une préexcitation est en fait assez rare. Il est beaucoup plus habituel de constater une disparition progressive de la préexcitation, ce qui signifie simplement que la conduction se fait mieux, à l’effort, par la voie normale que par le faisceau accessoire, et en aucun cas que la préexcitation n’est pas dangereuse. Les recommandations sont d’explorer en électrophysiologie toutes les préexcitations, sauf peut être celles qui sont intermittentes, asymptomatiques, chez un patient de plus de 35 ans, n’exerçant pas d’activité professionnelle ou de loisir « à risque ». Le danger étant bien entendu de ne pas identifier un faisceau de Kent à période réfractaire courte.   J'hésite à instaurer un traitement hypotenseur à mon patient porteur d'une HTA limite. Le test d'effort peut-il m'aider ? Il n’existe aucune recommandation de traiter l’HTA au vu de chiffres tensionnels d’effort. En complément des chiffres de consultation (normale < 140/ 90), on doit s’aider des informations fournies par des automesures (Nle < 135/85) ou une MAPA de 24 h (Nle < 130/80). En revanche, un profil tensionnel élevé sous effort expose au risque de survenue d’une HTA permanente dans l’avenir. Le danger d’un profil tensionnel d’effort « élevé » est de démarrer trop tôt un traitement hypotenseur injustifié et d’oublier les règles hygiénodiététiques habituelles, exercice et perte de poids, qui peuvent faire gagner 10 à 20 mmHg.   Mon patient a une CMD primitive avec FE 35 %, pouvez-vous lui faire un test d'effort et débuter un réentraînement à l'effort ? La proposition est en effet logique, mais à condition de coupler le test d’effort à une mesure des échanges gazeux par une VO2 max, seul moyen de situer le seuil ventilatoire, et par conséquent le degré de déconditionnement musculaire à l’effort. Se limiter à la définition d’une FC de réentraînement à l’effort à l’aide de la formule de Karvonen [FC entraînement = FC base + 0,6 (FC max – FC base)] expose au risque de sous-entraîner le patient, sans doute de le lasser, et donc de favoriser l’inobservance. L’autre danger est d’espérer, par la mise en route d’une rééducation, une amélioration des signes fonctionnels, bien peu probable, si le seuil ventilatoire est déjà tardif et le patient peu déconditionné.   Mon patient vient d'être appareillé avec un pacemaker, il est essouflé à l'effort, pouvez-vous voir ce qui se passe ? Les épreuves d’effort ont effectivement été très utiles, dans ce contexte, avec parfois la mise en évidence d’une insuffisance chronotrope, d’une sous-détection atriale, d’une chute brutale de fréquence lorsqu’une onde P tombait en période réfractaire sur une fréquence maximale trop basse du stimulateur. En réalité, les stimulateurs modernes ont désormais des fonctions diagnostiques élaborées, avec des tests de stimulation et de détection fiables, des pentes d’asservissement à l’effort automatisées, des mémoires très détaillées révélant avec précision le nombre, la durée, les jours de survenue de nombreux troubles du rythme. Le test d’effort a et aura donc dans ces conditions un rendement diagnostique bien inférieur à celui d’une bonne exploitation des mémoires de l’appareil, pourvu qu’elles-mêmes aient été correctement programmées. Comme souvent, il existe des exceptions, et notamment le cas de la resynchronisation biventriculaire, où il est capital de vérifier sous effort la qualité de la double capture, VD + VG, en permanence. Le danger serait de ne pas adapter la posologie des bradycardisants, et donc de ne pas garantir 100 % de resynchronisation. C’est encore plus vrai si le patient est en fibrillation auriculaire. Dans ce contexte aussi l’analyse des échanges gazeux est souhaitable au titre du suivi de l’insuffisance cardiaque qui a motivé l’appareillage. Mon patient de 125 kg veut enfin se soigner et accepte de lutter contre son syndrome métabolique ; le club de gymnastique exige qu'il ait auparavant un test d'effort avant l'inscription. Pouvez-vous lui faire ? Les intentions du directeur du club sont sans doute louables. Il existe tout de même un danger non négligeable, c’est celui de constater que notre patient, qui n’a pas fait de vélo depuis 30 ans, peu à l’aise et craintif, ne se décourage au bout d’une piètre épreuve de 40 ou 50 watts, inexploitable et démotivante pour tout le monde. Il serait peut-être plus judicieux de se mettre d’accord avec son médecin pour établir un calendrier précis de perte de poids, avec un programme alimentaire raisonnable et accepté, en association à 15 ou 20 min de marche quotidienne, qui n’ont pas besoin d’une surveillance médicale particulière ni de certificat médical. Avec des kilos en moins et une meilleure confiance en lui, c’est peut-être le patient lui-même qui exigera cette fois le test d’effort, de bien meilleure qualité, dans quelques semaines ou mois. S’il n’a aucun angor, le test d’effort peut bien attendre ce délai.   En pratique Les différentes situations précédentes, à défaut d’exposer à un risque « sérieux » pour le patient, témoignent plutôt de « précautions » à respecter dans l’interprétation de l’examen, de la part du prescripteur et de celui qui le réalise. Le véritable risque tient pour nous à l’oubli d’un interrogatoire, rigoureusement capital, et à réaliser impérativement et immédiatement avant chaque examen : - de nouveaux symptômes sont ils survenus entre la demande et la réalisation du test d’effort ? - y a-t-il une instabilité hémodynamique, rythmique, coronaire récente ? - y a-t-il existence d’un syndrome infectieux, thermique, thromboembolique récent ? - y a-t-il une absence formelle de doute sur une dissection aortique ? - y a-t-il une absence formelle de doute sur le caractère symptomatique d’une valvulopathie sténosante ou d’une cardiopathie hypertrophique obstructive. L’omission d’une ou l’autre des questions ci-dessus pourrait rendre l’épreuve d’effort dangereuse, et encore plus la situation juridique du cardiologue qui l’aurait effectuée, en cas d’accident. Bien conduit et avec une demande bien argumentée, le test d’effort gagnera la réputation d’honorabilité et d’innocuité qu’il n’aurait jamais dû cesser d’avoir. Encore que le risque zéro, c’est bien connu, n’existe pas. Comme celui de se lever le matin. Ou de ne pas se lever, d’ailleurs.

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