Publié le 09 mai 2006Lecture 7 min
Prise en charge des syndromes coronaires aigus : les stratégies futures se dessinent
Y. COTTIN, Dijon
ACC
Cette année, l’ACC 2006 a présenté les nombreux résultats annoncés sur la prise en charge des syndromes coronariens aigus (SCA). Les registres ont été omniprésents, apportant une dimension du monde réel tout à fait passionnante. Parallèlement, les grandes études randomisées ont apporté un regard prometteur sur les stratégies d’avenir de la prise en charge des SCA.
Les registres
RISK-HIA
Les travaux sur la thrombolyse ont été enrichis par les données de RISK-HIA. Plus de 8 999 patients traités par thrombolytiques ont été inclus dans ce travail entre 2002 et 2004. Les auteurs démontrent clairement une diminution du recours à la thrombolyse entre les trois périodes de l’étude qu'ils expliquent facilement par l’augmentation parallèle de l’angioplastie primaire (tableau 1). En revanche, l’analyse multivariée met en évidence trois facteurs indépendants prédictifs d’hémorragie grave :
• l’âge élevé (OR = 1,4 ; IC 95 % : 1,2-1,6),
• les agents fibrinolytiques spécifiques (OR = 2,2 ; IC 95 % = 1,4-3,5),
• et surtout l’administration préhospitalière (OR =1,5 ; IC 95 % = 1,1-2,2). Il faut souligner que la prise en charge n’est pas médicalisée en préhospitalier comme en France, ce qui explique en partie les résultats.
Arrêts cardiorespiratoires du sportif
Un travail également très intéressant sur la mort subite a été présenté par C.-E. Lawles (Chicago) : une étude menée entre 2004 et 2005 concernant les arrêts cardiorespiratoires durant la pratique du sport. Cette série décrit la population mais également les manœuvres de réanimation entreprises sur site. La série est petite mais ouvre des perpectives pour notre pratique : sur 21 arrêts cardiorespiratoires, 6 patients avaient < 30 ans et 15 > 30 ans. Les auteurs soulignent qu’entre ces deux groupes, l’efficacité de la défibrillation est totalement différente car on peut observer :
• 78 % de succès chez les patients > 30 ans avec une survie de la totalité de cette population à 30 jours ;
• chez les sportifs < 30 ans en revanche que le taux d’efficacité de la défibrillation a été extrêmement faible — 1 seul cas sur le site et 2 cas durant le transport —, mais avec une mortalité > 50 % chez les survivants.
Enfin, il faut observer que 68 % des stades étaient équipés et que le délai d’intervention était plus long chez les plus jeunes. Ces deux points nous encouragent à maintenir des formations sur cette thématique chez les populations sportives mais également à la mise en place d'équipements.
Les grandes études
CHARISMA
L’étude CHARISMA était conçue pour répondre à la question importante du maintien de la bithérapie antiagrégante au long cours et est rappelée en détail par J. Chapsal. D.-L. Bhatt a souligné des profils différents d’efficacité en prévention primaire et secondaire. En effet, seul le groupe en prévention secondaire tire un bénéfice de la double association maintenue à long terme mais ces données nécessitent des investigations complémentaires.
OASIS-6
L’objectif de cette étude, réalisée chez des patients présentant un syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST thrombolysé, était de comparer le fondaparinux, inhibiteur du facteur Xa, à un traitement standard (héparine non fractionnée ou absence de thérapie antithrombotique). L’étude est rapportée en détail par J.-Y. Le Heuzey.
C'est l'analyse des sous-groupes qui apporte un regard nouveau. En effet, le bénéfice est constant dans le sous-groupe placebo (pas d’HNF) : décès et/ou réinfarctus à 6 mois 14,8 versus 13,4 % (OR = 0,88 ; IC 95 % : 0,79-0,97, p < 0,008), mais également chez les patients bénéficiant d’une thombolyse ou n’ayant bénéficié d’aucune thérapeutique de reperfusion.
Le deuxième sous-groupe détaillé dans ce travail est celui des patients chez lesquels il existait une indication d’HNF où les résultats sont constants et favorables à 30 jours et 6 mois. Mais les auteurs mettent en évidence une différence entre les patients ayant ou non bénéficié d’une angioplastie primaire (figure 1). Il faut souligner l’absence de différence significative concernant les accidents hémorragiques sévères entre les deux groupes , respectivement 1,0 versus 1,3 % (1,3 versus 1 % dans les groupes fondaparinux et placebo, respectivement).
Figure 1. OASIS-6 : comparaison du traitement par fondaparinux et du traitement standard par HNF à 6 mois chez des patients ayant bénéficié ou non d’une angioplastie.
EXTRACT-TIMI 25
Cette étude avait comme objectif de répondre à la question de l’emploi des HBPM après thrombolyse. Dans cette étude randomisée qui a inclus 20 506 pa-tients à la phase aiguë de l’infarctus avec sus-décalage du segment ST, les auteurs ont évalué cette stratégie chez les patients présentant une douleur de moins de 6 heures. Deux bras ont été ainsi constitués : un bras standard avec une HNF pendant 48 heures, le second bras recevait de l’enoxaparine en 2 injections mais pendant 7 jours en moyenne.
Les auteurs ont, par ailleurs, clairement précisé qu’une adaptation des doses d’HBPM était faite en fonction de l’âge et de la présence ou non d’une insuffisance rénale. En effet, chez les patients < 75 ans et sans insuffisance rénale, un bolus intraveineux de 30 mg était réalisé, suivi de deux injections quotidiennes de 1 mg/kg. Cette injection sous-cutanée était débutée 15 minutes après le bolus IV. Il est à noter que, chez les patients > 75 ans, le bolus n’était pas réalisé et la dose était adaptée au poids à 0,75 mg/kg.
Le critère principal était un critère combiné, incluant décès, infarctus non fatal et revascularisation en urgence. Dès la 48e heure, il existait une différence significative entre les deux groupes concernant les réinfarctus (respectivement 0,9 versus 1,4 % ; p = 0,002), mais pas de différence significative pour les décès (3,7 versus 3,8 % ; p = 0,76) ni les revascularisations en urgence (0,7 versus 0,9 % ; p = 0,09). Le critère combiné à 48 heures est significatif entre les deux groupes : 5,3 versus 6,1 % (p = 0,08). Malgré la durée de traitement différente entre les deux groupes, l’étude a été évaluée à 30 jours ; sur l’ensemble des critères sauf le décès, il existe une différence significative entre les deux groupes sur le critère principal (tableau 2). Ce travail répond aussi clairement à la différence en termes d’accidents hémorragiques. Concernant les hémorragies majeures, il existe une différence significative entre les deux groupes en faveur de l’HNF (respectivement 1,4 versus 1 % ; p = 0,004 à 48 h ; 2,1 versus 1,4 % ; p < 0,01 à 30 jours). Il est également souligné que les hémorragies intracrâniennes sont similaires entre les deux groupes (respectivement 0,7 versus 0,6 % (p = 0,29) à 2 jours et 0,8 versus 0,7 % (p = 0,14) à 30 jours). Le taux extrêmement bas d’événements hémorragiques dans les deux bras s’explique en particulier par le fort pourcentage de patients traités uniquement médicalement (64,30 %). Le taux de procédures percutanées est de 23 % et le taux de procédures de sauvetage de 2,8 %.
Trois facteurs peuvent contribuer à expliquer la différence entre les deux groupes :
• une supériorité antithrombotique de l’enoxaparine,
• la durée de traitement dans le groupe enoxaparine comparativement au groupe HNF,
• enfin, un effet rebond à l’arrêt de l’HNF, comme le suggèrent les courbes présentées par l’auteur. Clairement, aucune réponse n’a pu être apportée sur la contribution relative de chacun de ces trois facteurs.
BASKET-LATE
L’étude BASKET-LATE (Higher Risk of late Death/MI Among Pts Treated with DES vs Bare Metal Stents) a suivi 746 patients sans complication cardiovasculaire à 6 mois de l’étude BASKET 5 (stent nu versus stent actif), durant12 mois supplémentaires. Les deux objectifs de ce travail étaient à l’arrêt du clopidogrel :
• l’évaluation de l’incidence des événements cliniques en rapport avec une thrombose tardive de stent,
• le moment de survenue de ces événements.
Le résultat principal de ce travail est une différence significative pour le nombre infarctus non fatals et/ou de décès cardiovasculaires en faveur des stents nus entre 7 et 18 mois, 4,9 versus 1,3 % (p = 0,01) (figure 2), mais un délai différent entre les deux groupes avec une stabilisation après 8 mois pour les stents nus alors qu’aucun plateau n’est observé avec les stents actifs.
Figure 2. BASKET-LATE : résultats principaux de l’étude.
Ce travail pointe donc le problème stratégique posé par la double association clopidogrel + aspirine en termes de maintien ou d’arrêt avec la question du moment optimal de son arrêt.
ASTEROID
L’une des études marquantes de ces sessions a été rapportée par F. Diévart. Deux points sont à mes yeux extrêmement importants à souligner dans ce travail :
• le taux d’événements majeurs : 63 patients n’ont pas bénéficié du contrôle à 6 mois en raison d’événements majeurs ou d’interruption de la molécule. On note en particulier 4 décès, 10 infarctus et 3 AVC ;
• ce travail est le premier à montrer une modification aussi importante au niveau athéromateux, comparativement aux deux précédentes études REVERSAL (REVERSing of atherosclerosis with Aggressive Lipid lowering study) et CAMELOT (Comparison of AMlodipine versus Enalapril to Limit Occurrences of Thrombosis). Surtout, il confirme la relation significative entre le niveau de baisse du LDL-C et le pourcentage de régression de la plaque d’athérome. (r2 = 0,97 ; p < 0,01).
Comme souligné par les auteurs de cette étude, il existe un certain nombre de limitations, en particulier l’absence de bras témoin, mais dans ce contexte, cette stratégie est tout à fait recevable. Par ailleurs, 22 patients ont présenté des événements cardiaques ischémiques qui sont probablement un biais à l’évaluation objective de la population initiale. Enfin, sur une série de cette taille, aucune corrélation ne peut être réalisée entre les modifications de la plaque et la réduction de la mortalité. Néanmoins, ce travail est d’une importance clinique majeure et confirme l’idée d’une réduction stricte du LDL-C chez un patient à haut risque chez lequel la maladie coronarienne est établie stable ou instable.
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