Publié le 09 mai 2006Lecture 6 min
Scanner et scintigraphie myocardique : vers une évaluation intégrée de la pathologie coronaire
J.-M. FOULT, hôpital américain de Paris, Neuilly-sur-Seine
ACC
Le scanner a beaucoup fait parler à Atlanta mais, à la différence des éditions précédentes où l’accent était mis sur les évolutions technologiques et les performances de la technique par rapport à la coronarographie, l’édition 2006 était centrée sur l’intégration clinique : à quoi sert le scanner coronaire et que fait-on avec les résultats ?
Le scanner
Le scanner « 64 barrettes » est désormais bien implanté dans de nombreux centres et les savoir-faire progressent. En attendant les 128 et les 256 barrettes, les bi- et multitubes, et les capteurs plans, on se trouve donc dans une phase de relative stabilité technologique, à la faveur de laquelle les questions cliniques de base peuvent être posées.
Les indications
Celles des « prévalences basses » : un consensus semble se dessiner. La très forte spécificité de la méthode (proche de 99 %) fait du scanner un instrument de choix pour éliminer le diagnostic d’insuffisance coronaire, au sens classique de cette expression et l’indication principale pourrait ainsi être la population où la prévalence de la maladie coronaire est basse.
Les meilleures indications sont donc constituées, par exemple, par le diagnostic de douleurs thoraciques atypiques, chez un sujet jeune : homme < 60 ans, femme < 70 ans. Le jugement clinique est que la probabilité de maladie coronaire est faible, mais on souhaite disposer d’une preuve objective. Si les symptômes sont plus suspects, et/ou que le sujet est plus âgé, la probabilité de lésion « ischémiante » cesse d’être négligeable : mieux vaut alors recourir directement à un test d’ischémie : positif, il constitue une indication de coronarographie et de revascularisation.
Le bilan systématique de facteurs de risque chez un sujet asymptomatique, pourrait constituer une autre indication privilégiée du scanner coronaire, mais il s’agit d’un sujet en discussion.
En faveur de cette indication, il y a la notion que seule la mise en évidence des lésions athéromateuses à un stade précoce, « infraclinique », peut permettre d’éviter leur progression vers des sténoses « significatives », ou vers une évolution brutale type syndrome coronaire aigu. La présentation d’une étude portant sur 507 patients par le nouveau « patron » de l’ACC (S.-E. Nissen), montre la régression des plaques athéromateuses coronaires après 2 ans de traitement par une statine, et vient ainsi à l’appui de cette thèse.
En défaveur de cette indication, le coût de l’examen (modeste en France…) et l’irradiation induite (les constructeurs travaillent à sa réduction).
Recommandations
Le scanner coronaire une fois réalisé, quel modèle peut-on proposer pour la « gestion » des résultats ? Images en main, quelles recommandations cliniques peut-on définir ?
L’examen ne montre aucune lésion athéromateuse, calcifiée ou non calcifiée, il est légitime d’interrompre les explorations. La « valeur libératoire » d’un scanner coronaire normal apparaît élevée, compte tenu de la très forte spécificité de la méthode : les « faux négatifs » sont exceptionnels. Rarement, l’examen peut mettre en évidence une anomalie de naissance ou de trajet des artères coronaires.
La mise en évidence de plaques athéromateuses – notamment calcifiées – apparaissant à l’évidence « non sténosantes » est une éventualité très fréquente. Ce résultat dispense, lui aussi, de la poursuite des investigations, mais encourage à une prise en charge énergique des facteurs de risque, dans le but de stabiliser, voire de faire régresser, le volume des lésions athéromateuses. (cf. supra).
Le scanner montre une ou plusieurs lésions paraissant « serrées » ou « significatives ». Dans ce cas, la recommandation est de procéder à un test d’ischémie : positif, celui-ci conduit à la coronarographie, avec indication de revascularisation, le stenting apportant une réduction de mortalité significative aux patients dont l’ischémie intéresse plus de 10 % du myocarde, mais étant plutôt délétère (comparativement au traitement médical « simple ») chez les sujets non ischémiques.
Plusieurs travaux présentés à Atlanta montrent en effet qu’on ne trouve une ischémie (scintigraphique) que chez 25 à 45 % des sujets présentant une sténose « serrée » au scanner. Ce résultat tient à ce que, d’une part la résolution des images de scanner est nettement inférieure à celle des images de coronarographie, et s’explique également par le fait qu’il est difficile – sinon – impossible de prévoir la sévérité fonctionnelle d’une sténose au seul vu de son aspect radiologique. Les corrélations entre la sévérité d’une sténose (pourcentage des diamètres) et la réserve coronaire ont toujours été modestes. Or, aucune relation n’a jamais pu être établie entre la sévérité angiographique d’une sténose et le risque évolutif du patient, alors que les tests fonctionnels se sont toujours avérés remarquablement prédicteurs du risque, la scintigraphie étant sans conteste l’examen le plus performant à cet égard.
La scintigraphie
La scintigraphie était d’ailleurs à l’honneur à Atlanta, pour une raison cette fois-ci technique : l’apparition du rubidium 82. Le congrès de l’ACC 2006 aura, en effet, été marqué par les premières présentations cliniques utilisant ce traceur, dont les avantages apparaissent multiples.
Le rubidium 82 est un traceur « bi-photonique », par opposition aux traceurs classiques que sont le thallium 201 et le 99mTc-sesta-MIBI, qui n’émettent qu’un seul photon.
Cette caractéristique physique oblige à l’emploi d’un détecteur particulier, qui n’est plus une « gamma-caméra » classique, mais une caméra « PET » (Positon Emission Tomography). Cette technologie, plus lourde, donne accès à une meilleure résolution spatiale, une meilleure résolution temporelle, un meilleur contraste, une irradiation moindre et, surtout, ouvre la possibilité d’une quantification de la perfusion en valeur absolue, avec détermination de la réserve coronaire.
Les premiers résultats cliniques obtenus avec le 82Rb montrent la supériorité de cette technologie par rapport aux méthodes classiques, notamment chez les sujets obèses, et les sujets diabétiques. Dans un suivi de plus de 3 ans portant sur 134 patients, il est intéressant de noter que les sujets ayant une scintigraphie myocardique au 82Rb normale n’ont eu aucun accident de la série coronaire.
Le PET/SCANNER
Mais la nouveauté la plus marquante tient à la possibilité de coupler les techniques « isotopiques » avec le scanner. La technologie « PET/SCANNER », opérationnelle depuis plusieurs années en cancérologie, fait son entrée dans le monde de la cardiologie ; elle permet d’obtenir, en un seul examen, une imagerie des artères coronaires et une imagerie de la perfusion myocardique (figures 1, 2 et 3).
Figure 1. Analyse combinée de la perfusion (PET) et l’anatomie coronaire (scanner).
Figure 2. Scanner cardiaque : analyse globale. Reconstruction 3D du cœur, de l’aorte et de l’artère pulmonaire. Déroulement de la coronaire permettant une analyse des coupes petit axe : absence de stent (en bas). Stent coronaire (en haut), utilisation d’une échelle de couleurs facilite l’analyse des images.
Figure 3. Scanner coronaire : analyse globale. Reconstruction 3D du cœur de l’aorte et de l’artère pulmonaire. En bas et au milieu : reconstruction sphérique permettant la visualisation de l’ensemble du réseau coronaire : CD en bas et tronc commun avec départ de l’IVA (stent) et de la circonflexe. En bas à gauche : déroulement de l’IVA avec plaques sur le segment 1 et une sténose très serrée du segment 2. En haut : stent sur l’IVA avec coupe petit axe et coupe longitudinale.
Deux centres ont présenté les premiers résultats cliniques d’une étude menée sur environ 150 patients obtenus avec cette technologie hybride.
Schématiquement, le scanner « voit » les lésions athéromateuses coronaires, mais ne sait pas dire leur impact fonctionnel, il ne précise pas l’existence d’une éventuelle ischémie, ne renseigne pas sur la viabilité, la nécrose…
Symétriquement, le PET « voit » l’ischémie, la nécrose et la viabilité, mais ne connaît pas l’état anatomique du réseau artériel coronaire.
Il apparaît ainsi que les deux informations sont utiles, complémentaires, voire indispensables à une prise en charge idéale de la maladie coronaire.
Plusieurs études à large échelle ont débuté, pour déterminer l’efficience médico-économique comparée de ces nouvelles technologies d’évaluation. Leurs résultats seront disponibles progressivement dans les mois et années à venir, mais il semble raisonnable d’anticiper qu’une évaluation à la fois anatomique et fonctionnelle contribuera à une prise en charge thérapeutique optimisée de la maladie coronaire.
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