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Cardiologie interventionnelle

Publié le 25 mar 2008Lecture 10 min

Stent actif ou pontage : actualités 2008

D. CARRIÉ, CHU Toulouse Rangueil


Les Journées européennes de la SFC
L’angioplastie coronaire est devenue la technique de revascularisation myocardique la plus utilisée en France. Près de la moitié des angioplasties sont réalisées chez des patients multitronculaires et le nombre d’interventions dans notre pays peut être estimé à 120 000 procédures par an pour 60 millions d’habitants. Malgré une polémique récente sur leur sécurité, notamment en termes de thrombose, les stents actifs représentent aujourd’hui un progrès technologique considérable qui nécessite chez le coronarien avéré de les positionner au sein même de notre arsenal thérapeutique et en particulier chirurgical.

    L'analyse des registres d’angioplastie coronaire avec les stents actifs (environ 50 % du taux global d’implantation de stents) montre que, malgré l’âge plus avancé des patients, la survenue plus fréquente de syndrome coronaire aigu (SCA) et de lésions coronaires le plus souvent diffuses, il existe au fil des ans une augmentation du taux de succès primaire sans augmentation du taux de complications hospitalières.   Quelles sont les recommandations actuelles des sociétés savantes ? Force est de constater que les recommandations actuelles (European Heart Journal 2007) ne sont fondées que sur des études réalisées avec des stents nus en comparaison aux pontages aortocoronaires (PAC). Le choix d’une modalité par rapport à l’autre varie donc en fonction de la situation clinique, du type de lésion, de l’anatomie particulière et du terrain sous-jacent. L’avantage de l’angioplastie dans la coronaropathie stable par rapport au traitement conservateur semble en fait résider en un meilleur contrôle de la symptomatologie angineuse (tableau 1) et une amélioration de la qualité de vie du patient, même si celles-ci peuvent être considérablement améliorées par le réentraînement physique et la réadaptation cardiovasculaire. Le PAC présente des résultats sensiblement différents, avec une amélioration pronostique nette en termes de mortalité globale, d’événements cardiovasculaires et de contrôle de la symptomatologie. Les études randomisées ECSS et CASS ont été les premières à démontrer la supériorité de l’approche chirurgicale, avec un bénéfice durable à 5 ans (se vérifiant même au-delà de 10 ans dans l’étude CASS) lorsqu’il est comparé avec le traitement médical. La métaanalyse de Yusuf en 1994, a montré que cet effet est significatif pour les lésions tritronculaires, bitronculaires et monotronculaires incluant l’IVA proximale, que la fonction du ventricule gauche soit conservée ou altérée. Ainsi, s’il semble que les lésions monotronculaires peuvent bénéficier en première intention d’un traitement par angioplastie, les lésions pluritronculaires doivent faire l’objet d’une discussion et la chirurgie continue à procurer un meilleur pronostic à long terme surtout s’il existe des lésions du tronc commun coronaire gauche ou que le sujet est diabétique. Plus le niveau de risque est élevé, et plus les niveaux de preuve et de recommandation plaident en faveur de la chirurgie par rapport à l’angioplastie (tableau 2). Toutefois, chez des sujets à risque opératoire élevé (dysfonction ventriculaire gauche, âge avancé, infarctus récent, etc.), l’angioplastie représente une alternative crédible nécessitant un dialogue entre le cardiologue, le chirurgien et le patient. Selon les données actuelles de la littérature, la chirurgie de pontage aortocoronaire : • traite des patients avec des caractéristiques basales plus péjoratives ; • donne d’aussi bons résultats que l’angioplastie (ATC) en termes de succès primaire et de survie à 5 ans ; • revascularise de façon plus complète avec un taux d’infarctus et de mortalité peropératoire identiques ; • entraîne un taux plus élevé d’accident vasculaire cérébral, • nécessite un séjour hospitalier plus long ; • retrouve moins d’événements secondaires ; • est supérieure à l’angioplastie en termes de récurrence angineuse s’il existe des lésions tritronculaires ou bitronculaires avec atteinte de l’IVA proximale.   Études comparatives : stent classique et chirurgie de pontage aortocoronaire Bien que n’étant pas le reflet de la population générale, de nouvelles études randomisées (ERACI-II, ARTS-I, SOS, MASS-II) comparant la chirurgie de pontage la plus artérielle possible à l’angioplastie coronaire avec implantation d’endoprothèses non actives ont été proposées. ERACI-II Cette étude retrouve à la fin du premier mois davantage d’événements coronaires majeurs avec la chirurgie, notamment plus de décès et plus d’infarctus du myocarde (IDM) ; cet écart restant significatif en faveur de l’angioplastie à 41 mois. Ces résultats ne sont pas retrouvés dans l’étude ARTS puisque les taux combinés de mortalité, d’IDM et d’AVC sont identiques à 1 an. Une des explications majeures pour expliquer une telle différence est que, dans l’étude ERACI, sont inclus 91 % de patients en angor instable contre 37 % dans l’étude ARTS. En revanche, le taux de revascularisations secondaires à 1 an est identique dans les deux études avec une survie libre d’interventions coronaires voisine de 80 % dans le groupe angioplastie et de 95 % dans le groupe chirurgie (p < 0,0001). Dans le sous-groupe des diabétiques (208 patients), si les taux de mortalité et d’infarctus sont similaires dans les deux groupes, la survie libre d’événements coronaires est en faveur de la chirurgie (84,4 vs 63,4 % ; p < 0,001) à 1 an. En termes de rapport coût/efficacité, l’étude ARTS retrouve respectivement dans le groupe angioplastie une économie par patient de 2 965 euros à 1 an pour 14 % d’événements coronaires en sus et de 1 500 euros à 3 ans avec toutefois une nouvelle revascularisation de 29,2 contre 7,3 % dans le groupe chirurgie. ARTS-I À 5 ans, le suivi clinique d’ARTS-I ne montre aucune différence en termes de mortalité entre les deux groupes pour les sujets multitronculaires. La différence en termes d’événements cardiovasculaires majeurs est liée à un taux de revascularisations plus important dans le groupe stenté. Le taux de revascularisations au suivi n’est pas associé à une augmentation de mortalité dans les deux groupes. Autres études Les registres new-yorkais de Hannan entre 1997 et 2000 (plus de 50 000 patients) et la métaanalyse de Mercado en 2005 avec lésions multitronculaires confirment les résultats de ARTS I avec, dans les deux groupes, un degré similaire de protection contre la mortalité, l’IDM ou l’AVC. Les procédures de revascularisation secondaire restent plus élevées dans le groupe angioplastie, mais la différence avec la chirurgie a tendance à se réduire à l’ère du stenting, comparée à celle précédant le stent.   Études comparatives : stent actif vs chirurgie de pontage aortocoronaire Les deux nouvelles études multicentriques randomisées ERACI-III et ARTS-II plaident pour la première fois en faveur d’une équivalence de résultats entre les deux groupes en termes de nouvelles revascularisations à moyen terme. Ces deux études ont la particularité de comparer les résultats des stents actifs avec les groupes chirurgicaux des études précédentes ERACI-II et ARTS-I. Dans l’étude ERACI-III (450 patients), 78 % des patients sont en angor instable alors que 21 % sont diabétiques. À 1 an, le taux d’événements cardiovasculaires et cérébraux majeurs est de 14,2 % dans le bras stent actif contre 20 % dans le bras chirurgie avec 2,6 % de thrombose tardive intrastent. Dans l’étude ARTS-II (1 212 patients) avec 26 % de diabétiques, 37 % d’angor instable et 54 % de lésions tritronculaires (contre 30 % dans le groupe chirurgical), les taux de survie (99 vs 97,5 %) et d’événements cardiovasculaires et cérébraux (89,5 vs 88,5 %) à 1 an sont rigoureusement identiques entre les deux groupes. À 3 ans là encore, la survie libre d’événements cardiovasculaires est identique entre les groupes chirurgie et stent actif (83,8 vs 80,6 % ; p = 0,22). Ainsi, les études randomisées en cours — COMBAT, FREEDOM — chez les patients multitronculaires diabétiques et SYNTAX avec lésions multitronculaires et ou lésions associées du tronc commun coronaire gauche sont attendues avec impatience afin de confirmer les résultats des études précédentes. Si tel est le cas, le mode de revascularisation myocardique pour le patient n’en sera que plus élargi avec pour corollaire l’extension des stents actifs au traitement des lésions du tronc commun coronaire gauche. En effet, de nombreuses séries monocentriques confirment de façon très significative le bénéfice du stent actif par rapport au stent nu en termes de survie sans événements cardiovasculaires majeurs (95 vs 70 %) à 1 an. L’étape suivante est, bien sûr, de savoir si, dans le cas où le patient peut bénéficier de l’une ou l’autre technique de revascularisation du tronc commun coronaire gauche, le bras angioplastie par stent actif n’est pas inférieur au groupe chirurgical.   Le futur de la technologie interventionnelle et de l’environnement thérapeutique L’évolution rapide des techniques chirurgicales et interventionelles, et l’amélioration de l’environnement thérapeutique rendent difficile la généralisation du choix du mode de revascularisation. Les nouvelles générations de stents (polymère biorésorbable, sans polymère, stent entièrement résorbable ou avec plusieurs molécules, etc.) sont mises au point en tenant compte de la nécessité de limiter le risque de thrombose. L’application du stent doit être parfaite en couvrant bien toute la zone dilatée avec l’endoprothèse. Le traitement antiagrégant plaquettaire commence à être mieux évalué avec notamment les tests de résistance à l’aspirine et au clopidogrel qui permettent d’adapter la posologie de ces médicaments en fonction du profil clinique et anatomique du patient (diabétique, sujet âgé, lésions tritronculaires sévères, etc.). Parallèlement, les techniques chirurgicales se perfectionnent avec la revascularisation « tout artériel », utilisant les deux artères mammaires et diminuant le risque d’occlusion des ponts. De même, les progrès de la chirurgie mini-invasive, voire pour certains des procédures à cœur battant (« off pump ») ont réduit la mortalité périopératoire. L’impact de ces évolutions sur la survie, la nécessité de revascularisation ultérieure et les récidives ischémiques reste à définir.   En synthèse : angioplastie ou chirurgie ? Au terme des études randomisées ou non et de l’ensemble des données de la littérature, plusieurs facteurs anatomiques et cliniques doivent intervenir dans la décision thérapeutique.   Facteurs anatomiques Les lésions bitronculaires sans atteinte de l’IVA doivent faire préférer l’ATC. Les lésions tritronculaires peuvent faire envisager l’une ou l’autre technique mais sont fonction de situations particulières. En effet, s’il existe une occlusion partielle avec bonne viabilité myocardique, la chirurgie s’impose sauf si le territoire viable est petit ou non viable. Dans le cadre de lésions tritronculaires avec atteinte de l’IVA proximale et ventricule gauche altéré, la préférence est encore à la chirurgie en attendant la confirmation des nouvelles études randomisées avec le stent actif. Pour les lésions du tronc commun coronaire gauche, aucune étude randomisée n’est disponible actuellement et en attendant les résultats de l’étude SYNTAX, la technique interventionnelle ne doit pas, en dehors de cas bien particuliers, être considérée comme le traitement de première intention pour ce type de lésions.   Revascularisation complète La chirurgie entraîne le plus souvent une revascularisation plus complète que l’angioplastie, mais l’on s’aperçoit que lorsque les patients peuvent bénéficier de ce mode de revascularisation avec l’une ou l’autre des techniques, la survie à moyen et long termes est identique. Les études BARI et AWESOME précisent bien que la revascularisation partielle n’affecte pas la survie des patients à long terme, mais soulignent la récurrence de l’angor et de nouvelles réinterventions en cas de revascularisation « imparfaite ». La différence de morbi-mortalité chez les patients partiellement revascularisés est essentiellement corrélée à la dysfonction ventriculaire gauche < 35 %. Il apparaît donc que le rôle essentiel de la revascularisation complète, en dehors de l’artère interventriculaire antérieure et de l’altération de la fonction ventriculaire gauche, est l’obtention d’une meilleure qualité de vie.   Facteurs cliniques Si dans l’IDM en phase aiguë, la chirurgie reste exceptionnelle, il semble que l’angor instable ne soit pas non plus une situation favorable à la chirurgie (étude ERACI-II et III). Les autres situations cliniques, en dehors du sujet diabétique, donnent globalement le même taux de survie à long terme au prix le plus souvent d’un excès de revascularisation dans le groupe angioplastie, sauf dans l’étude ARTS II comparant le stent actif au pontage. Sexe féminin : si la population féminine est plus âgée, avec un calibre artériel coronaire plus réduit et la présence d’hématomes et de transfusions plus importante, les analyses uni- et multivariées ne la retrouvent pas à 5 ans comme un facteur prédictif de survenue d’infarctus, de pontage aorto-coronaire et de mortalité après angioplastie. Sujet âgé : la notion dominante est qu’en dehors du sujet diabétique, la survie à moyen terme est identique quelle que soit la technique utilisée. Toutefois, l’ATC entraîne une plus faible incidence de mortalité, d’IDM ou d’AVC. S’il existe une comorbidité, le risque chirurgical est supérieur à celui de l’angioplastie qui trouve très certainement dans cette indication une place de choix. La place du stent actif reste encore à définir et la littérature dans ce domaine est très parcimonieuse. Diabète : si les nombreuses études randomisées ou non montraient une supériorité de la chirurgie par rapport à l’angioplastie au ballon ou avec le stent nu (BARI, CABRI, EAST), il semble que les données récentes de l’étude ARTS II avec l’avènement du stent actif retrouvent une équivalence de résultats à 1 an et 3 ans en termes d’événements cardiovasculaires et cérebraux entre les deux groupes. Là encore, les études randomisées en cours FREEDOM et CARDIA réalisées exclusivement chez le diabétique devraient apporter dans les prochaines années des éléments de réponse. La revascularisation mixte ou hybride qui combine l'angioplastie et le pontage coronarien reste encore en cours d'évaluation.   En pratique   Si la chirurgie reste la technique de référence chez le patient multitronculaire avec ou sans lésion associée du tronc commun coronaire gauche, l’angioplastie avec stent actif semble devenir une alternative tout à fait acceptable que devront confirmer les études en cours avec notamment le suivi clinique à moyen et long termes. Si tel est le cas, l’indication du mode de revascularisation myocardique devra être discutée pour chaque patient en fonction des situations cliniques et anatomiques, de la faisabilité de la technique, de la comorbidité et donc du risque à la fois cardiovasculaire et global.

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