Publié le 29 fév 2012Lecture 12 min
Techniques et indications d’extraction de sondes de stimulation et défibrillation
P. DEFAYE, P. JACON, R. CASSAGNEAU, unité de rythmologie et stimulation cardiaque, CHU Albert Michallon, Grenoble
L’extraction d’un système de stimulation ou de défibrillation reste un acte difficile et risqué, historiquement réservé aux sondes mettant en jeu le pronostic vital.Les indications se sont élargies en raison de la moindre morbidité des techniques récentes et de la définition de centres d’extraction hautement spécialisés.Le nombre d’extractions augmente, le plus souvent pour infection, mais aussi pour raisons fonctionnelles, du fait du nombre croissant de sondes implantées, du vieillissement des sondes, de la fragilité des sondes de défibrillation et des rappels de matériovigilance.
Indications d’extraction
Elles augmentent en raison du nombre croissant d‘implantations (plus de 64 000 stimulateurs et 9 000 défibrillateurs en 2009), d’interventions plus longues et plus complexes, chez des patients plus fragiles (défibrillateurs, resynchronisateurs), et de l’allongement de la durée de vie qui augmente les remplacements de boîtiers, parfois avec un upgrading. Les rappels récents sur certaines sondes de défibrillation font également discuter l’extraction après chocs inappropriés, ou même prophylactique (sondes Fidelis®, Medtronic).
L’échographie transœsophagienne permet un diagnostic souvent plus précoce et fiable en cas de suspicion d’infection. Cet examen est indispensable en cas d’extériorisation afin d’éliminer une infection systémique avec végétations.
Pourquoi l’extraction est-elle difficile ?
Les difficultés sont liées à l’ancienneté des sondes. Au fil des années se produit une fibrose, au niveau de l’implantation distale de la sonde (barbillons ou vis) et le long du trajet veineux, parfois avec des calcifications. Il peut y avoir une symphyse entre la sonde et la paroi veineuse, mais aussi entre les sondes le long de leur trajet (figure 1).
Figure 1. A : Sonde de défibrillation : extraction par gaine laser, adhérences le long du trajet, notamment en regard des « coils » de défibrillation. B : Adhérences entre deux sondes rendant l’extraction difficile.
Recommandations pour l’extraction transveineuse de sondes de stimulation ou défibrillation
Ces procédures à haut risque ont fait l’objet de recommandations (tableau) des sociétés savantes nord-américaines en 2009(1). Des recommandations européennes (Pathways for training and accreditation for transvenous lead extraction : an EHRA position paper)(2) ont été publiées récemment. Les performances des médecins sont considérées comme médiocres s’ils effectuent moins de 15 extractions de sondes par an et moins de 20 procédures.
Un médecin en formation doit avoir réalisé 30 procédures avec au moins 40 sondes dans un centre formateur (dont 10 sondes de défibrillateur et au moins 10 sondes de plus de 6 ans).
Un centre de formation doit avoir réalisé au moins 100 procédures d’extraction (avec 150 sondes).
Les taux de complications sont plus bas si plus de 50 procédures annuelles sont réalisées. Il faut donc réaliser un nombre minimal de procédures pour être considéré comme un centre d’extraction.
Un registre est nécessaire pour valider les résultats ; l’apprentissage des médecins doit être rigoureux, dans un centre de référence.
Cette technique doit être réservée à quelques centres satisfaisant des critères indispensables. La chirurgie cardiaque doit être présente dans le centre avec un chirurgien cardiaque apte à intervenir dans les 5 à 10 minutes. Une salle de cathétérisme est requise et l’intervention est réalisée en présence d’un anesthésiste.
Un matériel exhaustif d’extraction est nécessaire, ainsi qu’une scopie de haute qualité. L’appareil d’échographie transthoracique ou transœsophagienne est nécessaire dans ou à proximité immédiate de la salle. La surveillance tensionnelle et de la saturation en O2 sont utiles afin de dépister le plus tôt possible les complications. Le matériel de stimulation temporaire et de cardioversion, un kit de ponction péricardique et le matériel de sternotomie doivent être présents en salle, et une circulation extracorporelle (CEC) disponible rapidement.
Les complications de l’extraction de sondes peuvent être majeures comme le décès, les avulsions cardiaques, vasculaires ou valvulaires nécessitant une chirurgie en urgence, les hémothorax, les pneumothorax, les embolies pulmonaires, l’arrêt respiratoire, le choc septique et l’accident vasculaire cérébral. D’autres peuvent êtres considérés comme mineures telles l’épanchement péricardique sans nécessité d’intervention, les embolies gazeuses, les embolies pulmonaires minimes, les problèmes veineux locaux, les arythmies nécessitant une cardioversion, ainsi que les hématomes localisés.
Certaines conditions peuvent êtres considérées comme des contre-indications à l’extraction transcutanée, telles les sondes positionnées hors des trajets habituels (cavités gauches via un foramen ovale perméable ou une artère sous-clavière). Enfin, quand les végétations sont grosses, un débat existe quant aux limites de l’extraction percutanée (3 cm ?).
Certains facteurs augmentent les risques de la procédure : IMC < 25 kg/m2, co-morbidités (âge, mauvaise fonction VG, insuffisance rénale, coagulopathie), statut veineux (occlusion ou sténose), cardiopathie congénitale, nombre de sondes élevé, fixation passive, sondes non-isodiamétriques, ancienneté d’implantation > 1 an, sondes particulières (Starfix, Accufix, etc.)(2).
Les techniques d’extraction
Extraction chirurgicale
Beaucoup moins utilisées depuis le développement des techniques percutanées, les indications sont liées à la présence de thrombi volumineux ou de grosses végétations (plus de 3 cm, bien que cela soit discuté), à un geste valvulaire associé (plastie ou remplacement) ainsi qu’aux échecs de l’ablation percutanée. Diverses techniques sont utilisées, de l’ablation à cœur ouvert sous CEC à l’atriotomie droite par minithoracotomie. Il s’agit d’une technique à cœur battant. On peut également pratiquer une ventriculotomie droite punctiforme pour extraire une sonde ventriculaire par voie antérograde.
Extraction percutanée
La traction simple
Il s’agit de la technique historique, la plus simple, sans matériel spécifique. La traction est réalisée manuellement sur l’extrémité de la sonde, ou par voie externe continue avec un poids sous tension pendant plusieurs jours. Le succès est relativement rare sauf s’il s’agit de sondes récentes car les sondes anciennes sont engainées dans une fibrose et ancrées au niveau myocardique.
La traction peut engendrer une lésion de la sonde (étirement, rupture) et donc compromettre l’utilisation des autres techniques. Les complications incluent des arythmies induites, un bas débit par invagination du ventricule droit dans la tricuspide, des douleurs thoraciques, des avulsions myocardiques, tricuspides ou valvulaires et un risque de tamponnade.
Extraction endovasculaire
- Historique
Meibom en 1985 a été le premier à utiliser un mandrin central bloquant pour réaliser une traction. De 1986 à 1988, Byrd utilise le premier une contre-traction par gaine externe, système ensuite développé par Cook Medical pour un abord supérieur et/ou inférieur fémoral. En 1991, VascoMed produit un stylet interne avec un ancrage à l’extrémité de la sonde de type hameçon. Les gaines laser sont développées depuis 1995 (société Spectranetics®).
Pour les échecs par voie haute, Cook développe en 1998 un nouveau système par voie basse de type double lasso (Needle’s Eye® Snare). En 1999, le mandrin interne est révolutionné puisque l’ancrage est réalisé tout le long de la sonde et non plus à l’extrémité (Spectranetics®). D’autres systèmes de gaines couplées au bistouri électrique sont développés en 2000 par Cook Medical. Dernièrement, des gaines mécaniques avec système de libération rotationnelle (système Cook Evolution®) sont apparues.
- Technique du mandrin bloqueur
Celui-ci est verrouillé dans la tête ou l’ensemble de la sonde. La force de traction est transmise à l’extrémité distale de la sonde sans effet d’élasticité. Ce mandrin redresse les courbures et rigidifie le trajet pour descendre les gaines. Plusieurs modèles sont disponibles, produits par Cook Medical (Liberator®), VascoMed (VascoExtor®) et Spectranetics® (LLD®) (figure 2).
- Les gaines de dilatation et contre-traction
Celles-ci écartent et rompent la fibrose sur le trajet de la sonde et la zone d’ancrage, la force de traction étant concentrée sur un faible diamètre. Elles agissent par contre-traction par rapport à la sonde qui est mise en traction par un mandrin bloqueur (figure 3).
Les premières gaines étaient télescopiques et métalliques, de 8,5 à 10,5 F. Il existe maintenant des gaines plus souples, en téflon ou polypropylène. Les modèles les plus évolués et les plus utilisés sont les gaines activées par laser (Spectranetics®) et à force mécanique rotationnelle.
Figure 2. Mandrins internes Spectranetics® LLD®, à l’état basal et après déflation.
Figure 3. Exemple d’une gaine laser descendue jusqu’à l’insertion myocardique de la sonde et permettant d’effectuer une contre-traction.
Le laser rompt les adhérences fibrotiques par une lumière laser froide dans un spectre invisible ultraviolet (laser Excimer) (figure 4).
Wilkoff(3) a colligé les résultats d’une étude randomisée comparant les gaines laser ou standard chez 301 patients porteurs de 465 sondes chroniques. Les mêmes outils sont utilisés dans les deux groupes hormis la gaine laser dans le groupe laser. L’extraction a été complète dans 94 % des cas dans le groupe laser versus 64 % dans le groupe sans laser. En cas d’échec dans le groupe non-laser, l’extraction a été complète avec le laser dans 88 % des cas. Le temps de procédure a été diminué avec le laser (10,1 ± 11,5 min de scopie vs 12,9 ± 19,2 min). Il y eu trois complications graves dont 1 décès dans le groupe laser liées à une perforation de la paroi latérale de l’oreillette, contre l’absence de complications graves dans l’autre groupe, mais ce n’est pas significatif.
Figure 4. Extraction d’une sonde de défibrillation grâce à une gaine laser 16 F (Spectranetics®) qui progresse dans la veine cave supérieure.
V. Parsonnet et al.(4) ont réalisé 62 extractions par laser, avec deux complications graves : 1 tamponnade par plaie de l’oreillette, et une plaie à la jonction oreillette-veine cave supérieure. Ils retrouvent plus d’échecs en cas de sondes unipolaires, à vis, recouvertes de polyuréthane.
L’expérience nord-américaine est rapportée par C. Byrd(5). Entre 1995 et 1999, dans 89 sites, 2 561 sondes de stimulateurs et défibrillateurs ont été extraites chez 1 684 patients ; 90 % des extractions étaient complètes, 3 % partielles. Il y a eu 7 % d’échecs, 1,9 % de complications majeures (tamponnade, hémothorax, migration de sonde, embolie pulmonaire, décès) et 13 décès hospitaliers (0,8 %). En analyse multivariée, les causes d’échec semblent liées à l’ancienneté de la sonde et au sexe masculin. Il y a plus de complications durant la phase d’apprentissage.
F. Bracke et al.(6) ont comparé le taux d’utilisation de systèmes complexes comme le laser selon l’ancienneté de la sonde. Après 4 ans d’implantation, l’utilisation du laser est majoritaire pour une extraction complète. Par contre, en cas d’infection, il est souvent assez facile d’utiliser la traction simple.
L’étude récente rétrospective multicentrique LExICon(7) a validé la sécurité et l’efficacité de l’extraction par gaine laser chez 1 449 patients consécutifs et 2 405 sondes. L’extraction a été complète dans 96,5 % des cas, avec 1,1 % d’échecs et 1,86 % de décès. Les saignements nécessitant transfusion ont été retrouvés dans 1,17 % et les hématomes nécessitant un drainage dans 0,9 %. Il y a eu nécessité de thoracotomie, drainage péricardique ou autre réparation chirurgicale dans 0,62 % des cas.
Très récemment l’équipe d’A. Oto(8) a rapporté 82 % d’extractions complètes sans complications majeures avec des gaines mécaniques avec force de section rotationnelle autour de la sonde (Cook Evolution®), sur 23 patients (figure 5).
Figure 5. Système Evolution® (Cook Medical) de gaine flexible avec extrémité métallique coupante. La manette permet le mouvement de rotation.
La voie basse
Il s’agit d’un complément à la voie haute, moins utile depuis l’utilisation du laser. De nombreux outils sont utilisés : le lasso (figure 6), le panier hélicoïdal de Dormia ou Dotter (figure 7), diverses sondes de ventriculographie pigtail ou sondes d’angioplastie, ainsi que les systèmes à double lasso : Needle’s Eye® Snare. Ce dernier nécessite un introducteur de 16 F en fémoral.
Le principe est à nouveau un système de contre-traction, utilisé par voie fémorale à l’extrémité de la sonde.
D. Klug(9) a rapporté l’expérience lilloise de 70 extractions fémorales pour 39 patients avec utilisation du cathéter Needle’s Eye® Snare (figure 8). L’ancienneté des sondes était de 113 ± 56 mois. Le taux de succès est de 87,2 %, avec une extraction incomplète dans 4,3 % des cas, 8,5 % d’échecs ainsi que 2 décès et 1 ischémie de jambe. Les facteurs d’échec sont une tentative d’extraction préalable et une sonde coupée.
M.G. Bongiorni(10) et l’équipe de Pise utilisent la plupart du temps une contre-traction par voie jugulaire droite avec un taux d’extraction complète de 94,8 %.
Une étude multicentrique française(11) a comparé la voie haute et la voie basse. Les extractions complètes sont semblables (88 % dans les 2 groupes), avec 2,8 % vs 2,9 % en fémoral de complications majeures. L’énorme avantage de la voie haute avec laser tient à la réduction du temps de procédure (51 ± 22 min vs 86 ± 51 min par voie basse), ainsi que du temps de fluoroscopie (7 ± 7 min vs 21 ± 17 min).
Figure 6. Extraction d’une sonde ventriculaire par la technique du lasso en utilisant la voie basse.
Figure 7. Endocardite sur sonde de stimulation, avec rupture de la sonde et migration du barbillon distal dans l’artère pulmonaire lors de l’extraction par voie haute. L’extraction de ce barbillon est réalisée grâce à un cathéter panier monté par voie fémorale.
Figure 8. Technique du cathéter double lasso (needle’s eye) par voie basse.
Cas particuliers
- Les sondes de défibrillation
Elles ont un diamètre souvent plus important et un risque de fibrose majoré au niveau des coils. Certaines sondes anciennes ont un diamètre qui n’est pas uniforme en raison des électrodes de défibrillation.
E. Saad et B.L. Wilkoff(12) ont traité 161 patients, avec 96,9 % de succès et 3 échecs. Il y a eu deux complications majeures dont 1 décès. L’indication d’extraction était infectieuse dans 46,6 % des cas et liée à une dysfonction de sonde pour 34,2 %. Le temps de procédure est de 140,8 min contre 171,2 min dans leur expérience d’extraction de sonde de stimulation (p < 0,01). Le temps de fluoroscopie était de 9,9 min contre 11 min pour une sonde de stimulation (p < 0,01). Pour eux l’utilisation du laser n’a pas d’influence sur la durée et la sécurité de la procédure.
Un grand débat actuel concerne les sondes Fidelis® (Medtronic) dont le taux de ruptures avoisine 20 à 30 % dans certaines séries. Notre attitude, et celle des centres de référence, est d’extraire ces sondes systématiquement en cas de dysfonction. Certains experts discutent même l’extraction prophylactique, en raison du haut risque de rupture à long terme. La série rapportée par M. Maytin et al.(13), dans des centres de référence à haut débit, n’a pas retrouvé de complications sévères lors de l’extraction de sondes Fidelis®. Par contre, les risques sont en défaveur de l’extraction dans les centres sans grande expérience comme dans une série canadienne(14).
- Les sondes de sinus coronaire
Beaucoup de questions se posent sur l’extraction de ces sondes. Ce problème sera plus fréquent dans les années à venir en raison du développement de la resynchronisation cardiaque, et assez peu d’études sont publiées sur le sujet.
G.F. Tyers et son équipe(15) ont rapporté l’extraction de 14 sondes. Quatre sondes avaient été implantées il y a moins de 6 mois, et 9 sondes entre 6 mois et 27 ans ; 6 avaient été placées intentionnellement dans le sinus coronaire, mais 8 l’avaient été par inadvertance. Le temps de procédure est court (13 min) ainsi que le temps de fluoroscopie 1,8 min), et toutes les sondes ont été retirées sans complication majeure.
Malgré tout, les sondes implantées depuis longtemps dans le sinus coronaire peuvent nécessiter l’utilisation de gaines lasers(16).
Protocole opératoire utilisé
Nous intervenons au bloc opératoire sur un patient intubé et ventilé si l’extraction est à risque. En cas de stimulo-dépendance, un entraînement électrosystolique est monté par voie fémorale gauche afin de laisser libre la voie droite pour une possibilité d’extraction par voie basse ou pour monter une CEC percutanée ou une assistance en cas de complication majeure. Le draping est de type CEC, permettant d’assurer le stand-by chirurgical en cas de complication majeure.
Nous réalisons un abord sous-clavier sur l’ancienne cicatrice du stimulateur, en regard de l’insertion des sondes. Les sondes sont libérées jusqu’au point de fixation au bistouri électrique. Un mandrin bloquant est mis en place et nous effectuons d’abord une traction douce. En cas d’échec, une gaine laser est utilisée par voie haute.
En cas d’échec ou de sondes abandonnées en endocavitaire, la voie basse est utilisée : lasso, panier et très souvent cathéter Needle’s Eye® Snare.
Conclusion
Les techniques d’extraction percutanées se sont développées au point que les techniques chirurgicales sont réservées aux échecs des voies endocavitaires.
Les techniques percutanées hautes avec utilisation du laser Excimer et fémorales basses sont pratiquées régulièrement avec un taux de complications faibles. Ces techniques requièrent une courbe d’apprentissage rigoureuse avec nécessité de centres d’extraction spécialisés, intégrant la chirurgie cardiaque, où les complications doivent être exceptionnelles.
Aujourd’hui, près de 98 % des extractions sont couronnées de succès.
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