Publié le 10 juin 2018Lecture 5 min
Resynchronisation cardiaque - Apport des systèmes de navigation 3D
J. LOUEMBEa et coll.*, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, Clamart
Le traitement de l’insuffisance cardiaque par resynchronisation (CRT) des patients présentant des troubles conductifs intraventriculaires est une option thérapeutique validée, aujourd’hui de pratique courante. Il permet un remodelage ventriculaire inverse et réduit la morbi-mortalité(1). Les progrès techniques ont permis d’optimiser les procédures, mais certaines problématiques demeurent : celle d’une exposition significative aux radiations ionisantes (RI) et celle de l’optimisation du placement de la sonde ventriculaire gauche.
La cardiologie interventionnelle s’attribue 40 % de l’utilisation médicale des RI(2). La CRT en est un fort consommateur, exposant le patient et l’opérateur aux effets des RI, déterministes (radiodermites) avec un effet de seuil, et stochastiques (cancer radio-induit) sans effet de seuil. La localisation spatiale, le cathétérisme du sinus coronaire et le positionnement de la sonde gauche sont les étapes clés de la procédure et sont particulièrement consommatrices de RI. D’autre part, malgré les progrès dans la sélection des patients et ceux réalisés par l’industrie que ce soit en algorithmie (calcul des délais VD/VG/stimulation multipoints) ou sur le matériel (sondes quadripolaires), le positionnement optimal électro-anatomique de la sonde gauche reste un défi. En effet, 20 à 30 % des patients avec ou sans affinement du QRS restent non répondeurs cliniquement et/ou échographiquement à la resynchronisation. Les systèmes de navigation 3D utilisés en électrophysiologie permettent une reconstruction électro-anatomique (délai d’activation électrique de chaque zone cardiaque explorée) et réduisent jusqu’à 72 % l’utilisation des RI, avec pour corollaire une réduction de 96 % des risques estimés de survenue de cancer, d’années de vie perdues et d’altération de la qualité de vie(3).
La procédure avec le système de navigation 3D
Elle nécessite une salle « hybride » et se déroule de la façon suivante : après positionnement des sondes droites, un cathéter diagnostique décapolaire 5 F espacement 2-2-2 (Livewire™, Abbott/St Jude Medical) est inséré dans la gaine CRT. La géométrie de l’OD est réalisée avec un système de cartographie (EnSite Precision, St Jude Medical) ce qui permet de localiser et de cathétériser le sinus coronaire avec la Livewire™. La gaine est ensuite montée dans le sinus coronaire sur la Livewire™. Après opacification du réseau veineux, la sonde de resynchronisation avec un guide 0,014 Abbott remplace la sonde diagnostique dans la gaine. Le guide 0,014 Abbott a une extrémité métallique et une lame isolée électriquement par un revêtement hydrophile. Ce dernier permet de cartographier anatomiquement et électriquement le réseau veineux coronaire en recueillant le signal unipolaire. La sonde de resynchronisation peut ainsi être placée de manière optimale par guidage sur le système de cartographie en choisissant la veine la plus tardive (figures 1 et 2).
Figure 1. Cartographie 3D du réseau coronaire et retard d’activation locale par rapport à la stimulation VD en fonction de la veine et de la stimulation basale ou apicale.
Figure 2. ECG sans et avec activation de la CRT avec sonde VG dans la veine mediolatérale.
Greco et al. ont démontré, dans un registre multicentrique italien, la sécurité et l’efficacité de l’utilisation d’un système de cartographie lors de l’implantation des CRT. Les taux de fluoroscopie et d’angiographie ont pu être abaissés respectivement de ~75 % et ~70 %. Une carte d’activation unipolaire du réseau veineux coronaire permet d’optimiser le placement de la sonde de CRT.
Nous rapportons ici une expérience monocentrique menée de février à août 2017 à l’HIA Percy doté d’une salle « hybride ». Seize patients consécutifs ayant bénéficié d’une procédure de CRT (primo implantation ou upgrading) ont été inclus. Sept procédures ont été réalisées à l’aide du système de cartographie 3D (EnSite Precision, St Jude Medical) dans la salle hybride et 9 sans système de cartographie, au bloc opératoire classique.
Les caractéristiques des patients et des procédures sont détaillées dans le tableau.
Dans le groupe cartographie 3D, la durée de la procédure était de 127 minutes (120-200), le taux de succès de resynchronisation était de 100 %, l’affinement du QRS de 27 % (12-40). La durée de fluoroscopie était significativement diminuée comparativement au groupe conventionnel (14 vs 17 min ; p ≤ 0,05). L’exposition aux RI (exprimée en PDS) était diminuée de 67 % dans le groupe cartographie, sans atteindre le seuil de significativité statistique. Un patient a été repris pour rajout d’une sonde VD (lésion de l’isolant de la sonde) dans le groupe cartographie.
Dans le groupe conventionnel, un patient a eu un repositionnement de sonde VD et un autre une reprise de cicatrice (tableau).
Discussion
Malgré le faible nombre de patients, on a pu constater que l’utilisation des systèmes de navigation 3D dans l’implantation des systèmes de resynchronisation, sans allonger significativement la durée de procédure malgré l’étude de l’activation dans toutes les veines cathétérisables, a tendance à diminuer l’exposition aux RI (seuil de significativité statistique non atteint du fait du faible effectif. Elle permet également de mieux définir la veine cible, pour laquelle la réponse électrique sur l’affinement du QRS est optimisée, ce qui permettra peut-être de diminuer le taux de non-réponses (clinique et/ou échographique). Enfin, si un rodage rapidement acquis (branchements) est nécessaire, cette technique ne requiert pas d’apprentissage supplémentaire pour le rythmologue.
Malgré ses avantages, cette technique soulève un nouveau dilemme pour le médecin implanteur. En effet, la veine la plus tardive n’est pas toujours la plus facile à atteindre, ni la position la plus stable pour la sonde… le mieux peut devenir l’ennemi du bien !
Conclusion
Le bénéfice de cette approche, tant pour le rythmologue que pour le patient semble évident (optimisation du positionnement de la sonde gauche, années de vie en bonne santé et années de vie perdues).
Ces résultats préliminaires devront être confirmés dans des études de plus grande ampleur et le bénéfice économique devra également être précisé.
* A.-C.MARTINa, S. HOUSSANY-PISSOTa, V. KANCZUGAa, A. PEDRETTIa, M. KLOECKNERb, B. AZMANa, H. BROUSTETa
a. Service de cardiologie, Service de Santé des Armées, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, Clamart
b. Service de chirurgie cardiaque, Centre Chirurgical Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson
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