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Publié le 31 mai 2016Lecture 6 min

Stimulateurs cardiaques et défibrillateurs implantables - Une enveloppe antibactérienne

A. BOUZEMANa, b a. Département de rythmologie et stimulation cardiaque, Centre médico-chirurgical Parly 2, Le Chesnay ; b. Cabinet médical de la Néva, Paris.

Les infections de matériel implanté (stimulateur cardiaque et défibrillateur implantable) sont la hantise des rythmologues, sans parler du surcoût économique que de telles complications engendrent. Malgré toutes les précautions mises en oeuvre pour éviter ce risque, il existe toujours avec les techniques actuelles d’implantation un risque incompressible d’infection. Les facteurs de risque d’infections de prothèses sont bien connus et identifiés, la plupart étant liés au terrain du patient. Ces dernières années, une enveloppe antibactérienne a été conçue pour limiter ce risque infectieux. Voici les données récentes de la littérature à ce sujet.

Quel est l’intérêt de cette enveloppe ? L’antibioprophylaxie intraveineuse avant l’implantation d’une prothèse est systématique, couvrant les germes les plus fréquemment rencontrés dans les infections de matériels (le plus souvent utilisant une céphalosporine, active sur les staphylocoques). Mais cette précaution n’évite malheureusement pas les infections dont le risque est estimé entre 1 et 3 %. Une première génération d’enveloppe antibactérienne AIGIS® (figures 1 et 2) a été mise au point et utilisée aux États- Unis à la fin des années 2000 (désormais appelée TYRX® depuis le rachat par Medtronic de la firme ayant proposé ce produit initialement). Puis une nouvelle enveloppe antibactérienne cette fois-ci résorbable a été développée. Cette structure est un polymère bio-absorbable (composé de glycolide, caprolactone, triméthylène carbonate et polyarylate) recouvert d’agents antimicrobiens (minocycline et rifampicine). Les composants de cette enveloppe sont résorbés en 9 semaines environ. Le relargage des antibiotiques se fait pendant 7 à 10 jours après l’implantation. La minocycline est un agent bactériostatique qui inhibe la synthèse des protéines en empêchant la liaison de l’ARNt avec le ribosome. Elle agit sur les bactéries à Gram positif comme Staphylococcus aureus et les Grams négatifs comme Escherishia coli. La rifampicine agit en interférant avec l’activité de l’ARN polymérase des agents bactériens. Son efficacité se porte sur les bactéries à Gram positif (Staphylococcus aureus dont ceux résistant à la méthicilline et Staphylococcus epidermidis) et sur les bactéries à Gram négatif comme Haemophilus influenzae. Ces deux antibiotiques sont largués localement au sein du tissu. Il a été préalablement montré dans des essais randomisés que l’imprégnation, avec ces antibiotiques, de cathéters de dialyse et de cathéters centraux réduit le risque infectieux, notamment les infections liées au Staphylococcus aureus et au staphylocoque à coagulase négative. Figure 1. La deuxième génération d’enveloppe antibactérienne est absorbée au bout de 9 semaines environ. Figure 2. La prothèse (stimulateur ou défibrillateur) doit être insérée dans l’enveloppe antibactérienne. Les données de la littérature L’efficacité de l’enveloppe antibactérienne AIGIS® a d’abord été montrée dans une étude in vivo chez des rats(1). Un stimulateur cardiaque était placé dans une poche sous-cutanée à droite et à gauche, avec une enveloppe pour une seule des deux prothèses implantées. Une certaine quantité définie de bactéries a été introduite des deux côtés (Staphylococcus epidermidis, Staphylococcus capitis, Escherischia coli, Acinetobacter baumanii). Sept jours après l’implantation, les deux prothèses étaient explantées et mises en culture. Dans la loge avec enveloppe, aucun germe n’était mis en évidence. Chez l’homme une première étude rétrospective(2) (COMMAND) a analysé le suivi après implantation de prothèses (entre 2008 et 2009) dans 10 centres américains (1/3 stimulateurs cardiaques, 1/3 défibrillateurs, 1/3 défibrillateurs associés à une resynchronisation), en utilisant l’enveloppe AIGIS®. La majorité des interventions (68 %) étaient liés à une réfection de loge ou à un repositionnement de sonde, donc des procédures à risque infectieux accru. Le succès d’implantation était supérieur à 99 %. Après 1,9 ± 2,4 mois, il y a eu 3 infections majeures, sur 624 prothèses implantées (soit un taux d’infection de 0,5 %). La moitié des patients de la cohorte étaient à risque élevé d’infection, avec au moins 3 critères prédéfinis (insuffisance rénale ou cardiaque, corticothérapie, anticoagulants, reprise, etc.). Il n’y a eu qu’un seul échec d’implantation lié directement à l’enveloppe. Une première étude prospective monocentrique(3) a comparé un groupe de patients (n = 260) à haut risque infectieux, implantés avec une enveloppe antibactérienne AIGIS®, comparativement à un groupe contrôle historique (n = 639), matchés pour plusieurs facteurs de risque d’infection connus. Le taux d’infection dans le groupe « enveloppe » était de 0,4 % contre 3 % dans le groupe contrôle. La durée moyenne de suivi était de 18,7 ± 7,7 mois dans le groupe « enveloppe » contre 42,4 ± 5,2 mois dans le groupe contrôle. Kolek et al.(4) ont publié une série avec utilisation de la nouvelle enveloppe, celle-ci étant bioabsorbable (TYRX-A). Il s’agit d’une étude monocentrique rétrospective concernant des patients implantés avec une prothèse, ayant au moins 2 facteurs de risque d’infection de matériel. La population totale a été divisé en 3 groupes : - utilisation de l’enveloppe bio-absorbable TYRX-A (n = 135, groupe A) ; - enveloppe TYRX non absorbable (n = 353, groupe B) ; - pas d’enveloppe (n = 636, groupe C). Le nombre de facteurs de risque n’était pas significativement différent parmi les 3 groupes (entre 3,08 et 3,20). Le taux d’infection de matériel après au moins 300 mois de suivi était de 0 % pour le groupe A, 0,3 % pour le groupe B et 3,1 % pour le groupe C, la différence n’étant pas significative entre les 2 types d’enveloppe mais nettement significative avec le groupe contrôle quelle que soit l’enveloppe utilisée (figure 3). Figure 3. L’efficacité à long terme de l’enveloppe antibactérienne, qu’elle soit absorbable ou non. Enfin, un autre travail rétrospectif(5) a mis en évidence le fait que l’enveloppe antibactérienne TYRX® était efficace quels que soient les facteurs de risque du patient, c’est-à-dire avec un score de risque faible, moyen ou haut, et ce sur une évaluation à 6 mois après l’implantation. Les facteurs de risque ayant été mis en évidence dans cette étude, concernant uniquement la sous-population de patients implantés d’un défibrillateur, étaient : réintervention précoce, sexe masculin, diabète, upgrading, insuffisance cardiaque, HTA, et insuffisance rénale. Enfin, le registre multicentrique observationnel et prospectif CENTURION en cours a inclus des patients implantés avec un système de resynchronisation associé à une enveloppe antibactérienne et devant bénéficier d’un changement de prothèse avec ou sans ajout de sonde, avec un suivi à 12 mois, versus un groupe contrôle sans enveloppe. Concernant le coût médico-économique de cette enveloppe, une étude(6) a montré que le surcoût lié à l’utilisation de cette enveloppe antibactérienne était équivalent à celui engendré par la prise en charge lourde des patients infectés. Plusieurs questions restent en suspens Quels sont les patients éligibles à ce type d’enveloppe antibactérienne ? Fautil l’implanter à tous les patients ? La flore bactérienne des patients infectés malgré une enveloppe sera-t-elle différente et plus résistante aux antibiotiques ? Que faire en cas d’allergie aux antibiotiques dont l’enveloppe est imprégnée ? Y’aurait-il une place pour cette enveloppe dans le traitement d’une infection de loge, évitant une explantation de tout le matériel ?  Conclusion  Les résultats de ces quelques études semblent extrêmement intéressants sur la prévention des infections de prothèses implantées, aussi bien sur le plan médical pur que sur le plan médicoéconomique. Ces dispositifs ne sont pour l’instant pas disponibles en France à large échelle. Le remboursement d’un tel dispositif sera également un sujet délicat…  Figure 4. L’enveloppe antibactérienne prévient les infections précoces également. Figure 5. Un score de risque infectieux permet de classer les patients en risque faible, modéré ou élevé avant l’implantation d’un défibrillateur.

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