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Focus

Publié le 15 déc 2018Lecture 6 min

La nanotechnologie au service du ballon actif : DEVOIRTM, le premier ballon actif au sirolimus

Patrick DUPOUY, Hôpital Privé d’Antony

Il y a déjà 10 ans que les premières études sur le ballon actif ont été publiées. Dix ans que ce nouveau concept du XXIe siècle qui consiste à amener le principe antiprolifé- ratif dans la paroi de l’artère sans stent mais à l’aide d’une vieille technologie datant du siècle précédent, le ballon, a d’abord intrigué, puis questionné et enfin con- vaincu la communauté des cardiologues interventionnels. À tel point que, malgré l’absence incompréhensible de remboursement, et avec environ 5 500 unités vendues en France (source IHMT), le ballon actif est régulièrement utilisé dans le traitement des resténoses intrastents ou des petits vaisseaux.

Etat des lieux du ballon actif Jusqu’à récemment tous les ballons actifs proposés permettaient de déposer du paclitaxel dans la paroi de l’artère. Le caractère lipophile de la molécule permet d’espérer une diffusion pariétale rapide et une cinétique d’élimination suffisamment lente pour obtenir l’effet antiprolifératif espéré mais souffre d’une déperdition importante de principe actif lors du « voyage » vers la lésion cible. Pourtant, il peut paraître incongru d’utiliser le placlitaxel sur les ballons actifs alors que la molécule de choix des stents actifs est depuis presque une décennie systématiquement de la famille des limus, moins toxique et à l’effet cytostatique antiresténotique reconnu. Un peu de science Si les limus ont une activité antiproliférative cytostatique marquée, ils ont le gros défaut d’être moins lipophiles que le placlitaxel et sont relativement instables. Ceci a longtemps été un obstacle à la fixation de la molécule sur le ballon, à sa diffusion et à sa durabilité dans la paroi de l’artère. Les limus ont besoin d’un véhicule et d’une protection pour leurrer les barrières lipidiques de la paroi artérielle et être libérés progressivement et non pas « lavés » au premier passage sanguin. La solution proposée par le ballon actif DEVOIRTM vient de la nanotechnologie (figure 1). Figure 1. Technologie par biosphères d’encapsulement du sirolimus dans des microbilles de phospholipides. Les molécules de sirolimus sont encapsulées dans de petites billes de la taille de nanoparticules qui imitent une membrane cellulaire, formées d’une double couche de phospholipides (technologie biosphère) avec une tête hydrophile et une queue hydrophobe, le tout complété par un composant calcique sensible au pH cellulaire qui participe et module la libération de la drogue. Cette nanoparticule est fixée par spray d’un gaz inerte sur la surface du ballon. Cette technologie permet un transport protégé de la molécule de sirolimus dans des particules dont on a montré que la petite taille était un paramètre favorisant la traversée de la barrière intimale et ce, indépendamment de la rupture d’intégrité que provoque l’angioplastie elle-même. La diffusion de ces « containers » dans la paroi de l’artère se fait selon le gradient de concentration tissulaire, la libération du sirolimus se faisant progressivement dans un second temps. Etudes précliniques Les études animales(1) ont confirmé que ce nanoporteur de sirolimus était capable de délivrer la drogue active jusque dans les couches les plus profondes de la paroi de l’artère, sans dépasser la limitante élastique externe, donc sans atteindre l’adventice et donc avec un passage systémique minime. La diffusion paraît homogène dans l’intima et la média et le principe actif reste présent à dose thérapeutique, plus élevée qu’avec un stent actif au sirolimus, jusqu’à 14 jours, ce qui répond au cahier des charges de ce type de traitement (figure 2). Toujours sur modèle animal de cochon l’efficacité sur la diminution de l’hyperplasie intimale est significative, diminuée de moitié, par rapport au ballon classique tant en OCT qu’en histologie, sans réaction inflammatoire (figure 3). Figure 2. Distribution progressive et homogène de la molécule de sirolimus dans la paroi de l’artère(1). Figure 3. Hyperplasie intimale 28 jours après ballon actif au sirolimus dans un BMS(1). Etude clinique Un registre prospectif multicentrique mondial de 1 000 patients est actuellement en cours. Les résultats intermédiaires du suivi à 1 an des 359 premiers patients (428 lésions) semblent confirmer la validité du concept. Le taux de MACE à 1 an est de 4,3 % dont 3,7 % de TLR/TVR. Sur les 180 lésions de resténose intrastent (62 % focale et 27 % diffuse), le taux de MACE est de 6 % dont 5,3 % de TVR/TLR. Sur les 168 petits vaisseaux traités le taux de MACE est de 3,7 % dont 2,9 % de TLR/TVR (figure 4). Ces résultats préliminaires confirment la sécurité et l’efficacité du ballon actif DEVOIRTM, tant sur les petits vaisseaux que dans la resténose intrastent. Résultats qui sont à confirmer sur l’ensemble de la cohorte. Figure 4. Registre DEVOIRTM : événements cliniques à 12 mois (Documents internes). RIS : resténose intrastent. Le ballon actif DEVOIRTM Le principe actif est déposé (Envision Scientific PVT) sur le ballon d’angioplastie Yangtze μTM (Mynvasis). Ballon monorail compatible 5 F, à revêtement hydrophile dont le profil est de 0,016 pouces, recouvert de 127 μg/mm2 de sirolimus. La péremption est à 2 ans dans des conditions de stockage classiques. Le système a obtenu un marquage CE en juillet 2016. Le ballon actif DEVOIRTM est distribué exclusivement en France par la société Biovas. À l’opposé des ballons actifs au paclitaxel, l’aspect du DEVOIRTM est translucide et le taux de perte du principe actif n’est que de 10 % lors du transit vers la lésion. Comme pour les ballons au paclitaxel, pour obtenir un transfert correct du principe actif la durée d’inflation préconisée est de 60 secondes à pression nominale (8-10 atm). Classiquement la durée de la bithérapie antiagrégante préconisée est de 3 mois. Conclusion Voilà une nouvelle technologie qui a du sens. L’approche nanotechnologique résolument moderne et novatrice qui pour la première fois permet d’utiliser du sirolimus sur un ballon actif et les qualités annoncées de ce nouveau concept qui propose une perte en charge minimale du principe actif ne manquent pas d’intérêt. Reste à confirmer les premiers résultats cliniques qui paraissent prometteurs, ce qui permettrait de répondre de façon adaptée à une indication qui rappelons-le a un niveau de recommandations IA dans le traitement des resténoses intrastent BMS ou DES(2). Cas clinique 1 ➜ Mme Odile a 80 ans. Coronarienne anciennement pontée, stentée sur l’IVA après occlusion du pontage mammaire interne G-IVA. Elle se présente avec un angor invalidant. La coronarographie montre une resténose longue du stent de l’IVA moyenne sur fond d’athérome infiltratif extensif. Compte tenu de la longueur de la lésion, du petit diamètre de l’artère et de la resténose intrastent, il est décidé de proposer une angioplastie avec ballon actif. Après prédilatation conventionnelle, 2 ballons actifs au sirolimus DEVOIRTM (2,5 x 20 mm) sont inflatés pendant 1 minute chacun pour couvrir l’ensemble du segment pathologique. Le résultat angiographique est satisfaisant et la patiente est sortie à H12 sous bithérapie antiagrégante plaquettaire (AAP) pour 3 mois. Un contrôle par coroscanner est prévu au 3e mois.   Cas clinique 2 ➜ Mr Daniel, 66 ans, coronarien connu, stenté sur l’IVA et la Cx est hospitalisé pour un syndrome coronaire aigu ST-. La coronarographie met en évidence une thrombose de la Cx. Le thrombus est facilement traité par thromboaspiration qui permet de récupérer un flux TIMI 3 et de mettre en évidence une resténose courte et préocclusive du stent de la Cx. Le patient est laissé sous anticoagulant et AAP pendant 5 jours et programmé pour un traitement par ballon actif au sirolimus pour assurer une diminution du thrombus et espérer ainsi une meilleure diffusion du produit actif. Il s’agit d’un ballon actif DEVOIRTM de 3,5 x 30 mm pour couvrir et dépasser la zone resténosée et stentée. Le résultat est optimal et le patient laissé sous bithérapie AAP pour 1 an.

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