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Cardiologie interventionnelle

Publié le 24 avr 2007Lecture 8 min

Mon attitude la plus fréquente en 2007 devant... Le choix d'un stent

S. MANZO-SILBERMAN, G. SCHOUKROUN, O. VARENNE et C. SPAULDING, CHU Cochin, Paris

L’annonce en septembre 2001 des résultats de l’étude RAVEL (RAndomized study with the Sirolimus coated BX VELocity balloon), comparant les résultats angiographiques d’un stent nu à un stent actif, le CypherTM coaté au sirolimus, a révolutionné le monde de la cardiologie interventionnelle. En effet, même si l’utilisation des stents nus avait permis d’améliorer les résultats immédiats de l’angioplastie et de réduire d’environ 50 % le taux de revascularisation itérative, la resténose demeurait un problème quotidien. Les stents actifs ont démontré leur capacité à réduire la prolifération néo-intimale. De nombreuses études ont permis d’établir leur bénéfice. Cependant, ces derniers mois ont vu se propager une vague d’inquiétude quant à la sécurité d’emploi des stents actifs. Dans l’attente des résultats des études en cours, il est prudent de s’en tenir aux indications validées.

En septembre 2006, la communication à l’ESC de deux métaanalyses a fait planer le spectre de la thrombose tardive et d’une surmortalité liée à l’emploi des stents actifs. Récemment, des études poolant les données des patients des grandes études randomisées ont permis de refaire le point sur le rapport bénéfice/risque lié à l’utilisation des endoprothèses actives. À ce jour, sur quels critères va-t-on choisir d’utiliser un stent actif plutôt qu’un stent nu pour tel patient ? Voici quelques axes de réflexion en pratique quotidienne.   Contrat de bon usage et indications de stent actif Il peut paraître surprenant de commencer la réflexion par des problèmes d’ordre réglementaire. Le prix élevé des stents actifs a conduit les tutelles à les rembourser selon un procédé qui nécessite le respect de certaines indications cliniques et angiographiques (indications « LPPR »). Si l’implantation est réalisée en dehors de ces indications, le remboursement est accepté à « titre exceptionnel » sous réserve que le médecin justifie cette indication dans le dossier médical sur la base de circonstances cliniques particulières. Enfin, dans le cadre de la recherche clinique, le remboursement des endoprothèses actives est pris en compte par le promoteur de l’étude.   Les indications LPPR Le journal officiel a édité en 2003 puis 2005 un cadre législatif strict afin de réguler l’utilisation des stents actifs en conditionnant leur remboursement à une utilisation dans le cadre des indications mentionnées par l’inscription sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) (tableau 1). Ces indications d’usage et les contre-indications corollaires sont directement issues des grandes études randomisées et ont été établies en collaboration avec les représentants du groupe de travail de cardiologie interventionnelle de la Société française de cardiologie. Les indications exceptionnelles Au vu des critères assez stricts des études randomisées, on constatera rapidement la distance qui les sépare de notre pratique quotidienne. En effet, ces lésions uniques, de novo, simples A ou B1 sont bien plus rares que les cas de lésions complexes, calcifiées, multiples chez des patients de plus en plus à risque : diabétiques, insuffisants rénaux, insuffisants cardiaques, sujets âgés, etc. Ne serait-ce pas justement chez ces « exclus » des grandes études que l’on pourrait attendre un encore plus grand bénéfice des endoprothèses actives ? Ainsi, en dehors des indications LPPR, des cas pourraient relever d’une implantation de stent actif. Ces situations ont fait l’objet d’études randomisées ou de registres de bonne qualité mais trop récents pour que leurs résultats aient été pris en considération dans les recommandations officielles. Les lésions à haut risque Les travaux de plusieurs équipes, notamment ceux du Thorax Center de Rotterdam, bien qu’ils ne soient pas multicentriques, ont permis de montrer un bénéfice des stents actifs dans ces lésions à haut risque au sein de patients non sélectionnés, « tout venant ». Ces résultats, bien que n’atteignant pas les taux records des études princeps, montrent toutefois une efficacité significativement supérieure comparativement aux stents nus. Les atteintes pluritronculaires L’étude ARTS II (Arterial Revascularization Therapy Study) a montré la supériorité des stents actifs CypherTM sur les stents nus et une quasi-égalité comparativement à la chirurgie de pontage. À la phase aiguë d’IDM, l’étude TYPHOON (Trial to Assess the use of the CYPHer(R) Stent in Acute Myocardial Infarction Treated with BallOON Angioplasty) a montré le bénéfice de l’emploi de stent actif CypherTM, PASSION (Paclitaxel-Eluting Stent versus Conventional Stent in Myocardial Infarction with ST-Segment Elevation) retrouve, avec le TaxusTM une tendance mais n’atteint pas la significativité statistique. Dans cette indication, après de premiers résultats encourageants, des études de plus grande ampleur permettront de trancher.   La recherche clinique Une autre situation où l’emploi des stents actifs dépasse le cadre des recommandations est la participation à des études cliniques. Des études multicentriques randomisées sont actuellement en cours afin de déterminer le bénéfice des stents actifs dans des indications non validées jusqu’à présent. Il s’agit de l’étude FRIEND concernant l’angioplastie du tronc commun non protégé par stent TaxusTM, de FREEDOM comparant l’angioplastie avec stent actif des lésions pluritronculaires chez le patient diabétique à la revascularisation chirurgicale, de SYNTAX confrontant la revascularisation complète par stents actifs TaxusTM et par chirurgie, de CRISTAL pour la resténose intrastent actif comparant angioplastie au ballon seul versus implantation de stent actif CypherTM. Ainsi, les questions en suspens de notre pratique quotidienne vont rapidement trouver leurs réponses et nos attitudes s’uniformiser en ce qui concerne la prise en charge des lésions différentes des critères « Sirius » ou « Taxus IV ».   Et l’Europe dans tout cela ? La Société européenne de cardiologie a, dans ses recommandations de 2005, consacré un chapitre aux indications des stents actifs (tableau 2). Dans ce texte, les auteurs insistent très fortement sur le respect des critères d’inclusion, et surtout d’exclusion, des études randomisées. Ils citent néanmoins des situations à haut risque de resténose dans lesquelles l’emploi de stents actifs serait potentiellement utile mais qui, pour l’heure, en l’absence d’évaluation prouvée, ne peuvent faire l’objet que de recommandations de classe IIC. Notamment, le cas des patients pluritronculaires et/ou diabétiques est abordé, chez lesquels l’emploi d’endoprothèses actives pourrait être une solution économiquement pertinente en alternative à la revascularisation chirurgicale. En pratique : sélection des patients Dans le choix du type d’endoprothèse interviennent également pour une très large part les « caractéristiques » du patient. En particulier, sa capacité à suivre un traitement par antiagrégant plaquettaire double de façon prolongée est primordiale. Cette observance est loin d’être simple, Dans un registre récent évaluant le suivi des patients après un IDM ayant bénéficié d’un stent actif, plus de 13 % avaient interrompu leur traitement antiagrégant à 30 jours ! Dans les paramètres conditionnant le choix interviennent aussi le risque hémorragique accru dû à une pathologie intercurrente ou un traitement associé (notamment par anticoagulants). Il faut également savoir anticiper les éventuelles causes d’interruption telles que les interventions chirurgicales qui seront potentiellement réalisées dans les 6 à 12 mois suivant l’implantation. L’interrogatoire du patient est primordial : il faut savoir détecter des problèmes urinaires pouvant faire suspecter une pathologie prostatique, un problème digestif en cours de bilan, un amaigrissement inexpliqué, etc. À ces facteurs « médicaux » s’ajoutent des données socio-économiques : compréhension du traitement, des risques et bénéfices, coût du traitement, problèmes de prise charge…   Deux exemples CAS n°1 : suivi des indications LPPR Monsieur G., non diabétique, présentant un angor d’effort sous traitement médical est adressé pour coronarographie. Celle-ci met en évidence des lésions bitronculaires (figures 1A et 1B). On décide de les traiter par angioplastie. La lésion de la circonflexe proximale est courte, sur un vaisseau de beau calibre : on choisit un stent nu (3,5 x 12 mm) (figure 2A) ; celle de l’angle inférieur de la coronaire droite est également courte mais sur un vaisseau de plus petit diamètre, on opte pour un stent actif TaxusTM (2,5 x 12 mm) (figure 2B). Figure 1. Coronarographie de Monsieur G : A. Incidence spider dégageant la lésion circonflexe proximale ; B. Incidence OAG 40 permettant de voir la lésion de la partie initiale du segment distale de la coronaire droite. Figure 2. Angioplastie de Monsieur G : A. Incidence spider ;B . Incidence OAG 40.   CAS n°2 : cas d’implantation exceptionnelle Mme B. est adressée en urgence pour IDM antérieur à H 3. Elle est diabétique sous insuline, hypertendue, dyslipidémique. La coronarographie retrouve une occlusion de l’IVA proximale (figure 3A). Après aspiration, on découvre une sténose longue (figure 3B). Compte tenu des facteurs de risque de resténose présentés par la patiente et de la localisation de la lésion, et s’appuyant sur les résultats favorables de l’étude TYPHOON, un stent actif CypherTM a été choisi pour traiter cette patiente (3,0 x 23) (figure 3C). Figure 3. Coronarographie et Angioplastie de Madame B : A. Incidence spider modifiée ; B et C. incidence OAD 10 crâniale 40 : B après aspiration ; C. Résultat final. Et la thrombose tardive ? Après quatre années d’un enthousiasme débordant pour ces endoprothèses actives, l’ESC 2006 a vu naître une polémique mettant dangereusement en question la sécurité des stents actifs. Le dossier récemment publié par le New England Journal of Medicine regroupe plusieurs analyses exhaustives des patients inclus dans les grandes études randomisées des stents actifs. Le recours aux données « brutes » a permis une analyse méthodologiquement fiable, évitant les biais statistiques sur des critères non uniformes. Leur conclusion, rassurante, démontre l’absence de surmortalité à 4 ans dans les études randomisées. Cette réflexion, un peu forcée, a eu le mérite de soulever également la question du traitement antiagrégant plaquettaire, de l’évaluation éventuelle de son efficacité et de sa durée. Les données actuelles plaident pour l’administration d’une antiagrégation double par aspirine et clopidogrel pendant un an, voire plus si le patient ne présente pas de surrisque hémorragique. Par ailleurs, le recours à une endoprothèse pharmacologiquement active ne doit pas réduire l’attention prêtée à la qualité du geste d’angioplastie. La préparation de la lésion par une prédilatation ou le recours à la technique du RotablatorTM en cas de lésion très calcifiée va influer directement sur la qualité de l’implantation du stent et également la diffusion de la molécule ce qui conditionne le risque de resténose et la thrombose.   En conclusion   Entre l’enthousiasme de 2001 et la panique de 2006, force est d’adopter une attitude pondérée et rationnelle ! De grandes études statistiquement fiables nous ont montré les bénéfices certains de l’emploi des stents actifs dans des conditions d’emploi précises : définitions claires des types de lésions et des traitements antithrombotiques adjuvants. Dans l’attente des résultats des études en cours concernant les situations particulières, il est important dans la pratique quotidienne, en dehors des études et des registres, de s’en tenir aux indications dûment validées afin de faire bénéficier à nos patients des avantages des stents actifs sans les exposer au risque potentiel d’utilisations « hasardeuses ». Dans des circonstances particulières non encore validées, les choix devront donc se faire au cas par cas. Enfin, la qualité technique du geste reste primordiale.

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