Cardiologie interventionnelle
Publié le 19 avr 2005Lecture 8 min
Le futur des stents actifs
B. CHEVALIER, centre cardiologique du Nord, Saint-Denis
Les Journées européennes de la SFC
L’effet biologique, et donc clinique, d’un stent à libération médicamenteuse (DES ou drug eluting stent), souvent appelé stent actif en France, dépend de quatre composantes :
• le stent métallique : il assure la répartition du produit par la géométrie de son dessin et garde, bien sûr, l’effet mécanique d’étayage propre aux endoprothèses ;
• la drogue par son effet anti-inflammatoire et antiprolifératif ;
• le système de rétention (avant la pose) et de relargage (après l’implantation) du médicament, le plus souvent constitué par un ou des polymères, assure la constance de l’effet biologique ;
• la paroi artérielle dont les constituants pathologiques peuvent différer d’une lésion à l’autre et/ou d’un patient à l’autre (diabétique) et interférer avec l’effet antiresténotique attendu.
L'efficacité des deux modèles actuellement utilisés (CypherTM et TaxusTM) à limiter la prolifération intrastent est clairement établie. Leur utilisation ne saurait être remise en cause dans les situations à haut risque de resténose. Néanmoins, il apparaît que leurs limites constituent autant de voies de recherche possibles pour les supplanter. Cette technique n’en est donc qu’au début de son histoire. Néanmoins, sa complexité a un corollaire pratique : le délai d’accès au marché (début de développement, début d’utilisation routinière) d’un stent actif est deux à trois fois plus long que celui d’un stent métallique.
Le caractère hybride de cette technologie (mi-dispositif médical, mi-médicament) a pour conséquence évidente un ralentissement important du cycle de renouvellement de nos outils.
Nous allons donc partir des limites actuelles pour passer en revue les approches de développement futures ou déjà présentes.
La « délivérabilité »
Il s’agit de la capacité à implanter l’endoprothèse sur sa zone cible. Elle fait donc appel aux propriétés mécaniques du stent et à celles de son ballon porteur. Les stents actifs actuels, pour des raisons de temps de développement évoquées ci-dessus, correspondent à des plates-formes anciennes, notamment n’utilisant pas les nouvelles technologies d’alliage qui assurent un meilleur compromis flexibilité – étayage – radio-opacité. Elles sont donc inadaptées à des lésions très complexes, notamment lorsque l’artère et/ou la lésion est calcifiée. La conséquence est soit l’échec de pose, soit l’altération du revêtement (coating) durant la mise en place conduisant à une perte de l’effet biologique (figure 1).
Figure 1. Stent actif après une tentative d'implantation dans une artère calcifiée : altération majeure du revêtement.
La nature même de certains polymères, qui agissent comme du chewing-gum, peut, à l’extrême, être responsable de problèmes mécaniques, entraînant la rétention du ballon au sein du stent après sa déflation, ce qui a provoqué un retrait temporaire du marché du modèle concerné (figure 2).
Figure 2. Rétention du ballon au sein du stent.
Pour résoudre cette difficulté, on attend de nouvelles versions de stents actifs existants (Cypher Neo™, Taxus Liberté™) mais surtout la version active d’endoprothèses modernes (Endavor™ basée sur le stent cobalt Driver™ – le troisième stent actif à arriver sur le marché –, Xience™ basé sur le stent cobalt Vision™). Ces innovations devraient être rapidement suivies de l’arrivée d’une plateforme entièrement conçue, pour la première fois, pour être un stent actif, tel le stent Zomaxx™.
La biocomptabilité
La biocompatibilité représente la limite actuelle de cette technologie.
L’effet antiprolifératif retarde aussi la prolifération des cellules endothéliales et par conséquent la colonisation du stent par celles-ci, avec un risque de thrombose retardée (figure 3).
Figure 3. Défaut d'endothélisation sur un stent actif.
Le(s) polymère(s) qui entraîne(nt) une réaction inflammatoire précoce et tardive (lorsque la drogue n’est plus présente) et/ou une réaction d’hypersensibilité (figure 4) peu(ven)t également agir comme facteur thrombogène. Une double action antiplaquettaire (aspirine et thiénopyridine) est donc nécessaire de façon prolongée. La conséquence est une suite de questions sans réponse satisfaisante :
• le risque de thrombose précoce est-il accru (il faudrait randomiser plus de 15 000 patients pour le savoir) ?
• le risque de thrombose tardive est-il accru (même commentaire avec une étude encore plus large) ?
• quelle est la durée optimale du double traitement antiplaquettaire ?
• comment l’arrêter lorsque la question se pose et notamment comment balancer le risque hémorragique et le risque thrombotique, par exemple lors d’un acte chirurgical fréquent à cet âge de la vie ?
Figure 4. Infiltrat éosinophile chronique.
Cela conduit, en l’état actuel des choses, à exclure des indications de stent actif un nombre important de patients, par exemple, pour intolérance à un antiplaquettaire, défaut d’observance d’un traitement quotidien prolongé, inflammation chronique, chirurgie générale programmée, indication d’un traitement anticoagulant, etc.
Évolutions futures
Ce serait donc en agissant sur les coupables possibles que ce problème pourrait trouver des solutions : la drogue, le polymère, le stent, voire les trois ensemble.
La drogue
Trois solutions sont possibles.
Garder les drogues connues existantes et y adjoindre une molécule antithrombotique ; la première possible est, bien sûr, l’héparine puisqu’il existait déjà des stents « héparinés ». La plateforme Cypher Evolution™ a été évaluée cliniquement dans ce sens.
Décliner les molécules existantes sous forme de variations de radical afin de créer les éléments d’une nouvelle classe thérapeutique.
L’intérêt est multiple :
• diminuer l’effet direct proagrégant, notamment du sirolimus ;
• avoir un effet d’inhibition différent sur les cellules musculaires lisses et les cellules endothéliales ;
• modifier la lipophilicité et donc la diffusion et la rémanence de la molécule.
Il existe donc en cours de développement dans cette indication des analogues du sirolimus (everolimus – Guidant™, ABT 578 – Abbott™/Medtronic™, biolimus A9- Terumo™). Une molécule, le tacrolimus, est un peu à part, même si son nom évoque un analogue du sirolimus, car son effet ne semble pas être réellement antiprolifératif mais plutôt anti-inflammatoire isolément, ce qui laisse planer un doute sur son degré d’efficacité (figure 5).
L’adjonction d’une molécule favorisant l’endothélialisation : l’estradiol est un candidat intéressant en cours d’évaluation.
Figure 5. Comparaison du sirolimus et du tacrolimus.
Le polymère
Trois approches à nouveau.
Rendre le polymère résorbable, ce qui éviterait sa permanence une fois que la drogue est déjà diffusée et donc que son action anti-inflammatoire n’est plus présente. Il s’agit ici d’acide polylactique qui diffuse en se dégradant, par une réduction progressive de son poids moléculaire, en acide lactique ; il est donc aisément biodégradable comme l’ont prouvé d’autres utilisations dans le passé. L’élution de la molécule se faisant simultanément, elle neutralise, par sa présence, l’inflammation qui accompagne la dégradation (figure 6).
Cette approche est en cours de validation en association avec le biolimus A9 (Nobori™ – Terumo) après avoir été testée avec succès en combinaison avec l’everolimus.
Supprimer le polymère en appliquant la drogue directement sur le stent, soit par spray après application d’un coating lipidique naturel, soit après cristallisation. L’avantage est évident ; l’inconvénient tient à la capacité à assurer une constance, au moins relative, dans la dose fixée et la dose relarguée.
C’est l’argument essentiel pour le polymère : il faut le tempérer car, si nous avons des données claires avec les polymères sur le profil d’élution sur iliaque saine de lapin ou sur coronaire saine de cochon, nous ne savons rien concernant le profil de diffusion du Cypher TM et du TaxusTM dans l’artère coronaire athéromateuse humaine.
L’approche sans polymère avait déjà été développée par Cook utilisant le paclitaxel avec des résultats intéressants puis par Sorin avec le stent Janus™, dont les résultats cliniques, à la dose utilisée, sont encore inconnus et dépendront aussi de l’efficacité réelle du tacrolimus.
Remplacer le polymère par un autre type de coating, soit en agissant sur la structure même de la superficie du métal (nanocoating) (figure 7) pouvant capturer la drogue soit en utilisant une technique de capture de cellules progénitrices endothéliales par anticorps.
Figure 6. Polymère biodégradable.
Figure 7. Coating sur le métal même.
Le stent
Son action mécanique de tuteur et son action de porteur de la drogue ne sont utiles que durant les premières semaines. Le stent bioabsorbable est donc le prochain saut technologique endocoronaire à venir car il vise à éviter les effets pervers des métallisations extensives (dans les sens longitudinal et transversal) qui commencent à refleurir avec le stent actif.
Technologiquement, deux écoles s’affrontent : celle de l’alliage métallique à base de magnésium (Biotronik™) (figure 8) et celle du stent totalement résorbable polymérique à base d’acide polylactique. La première est en phase d’évaluation clinique dans une forme passive, l’autre est encore au stade d’étude animale dans une forme active en combinaison avec l’everolimus (figure 9).
Figure 8. Stent BiotronikTM à base de magnésium.
Figure 9. Stent à l'everolimus.
Efficacité
Quelle que soit leur efficacité à diminuer le risque de resténose, les stents actifs actuels sont encore pris en défaut dans certaines situations : lésions hautement complexes (par exemple association petit vaisseau–lésion longue–diabète, comme dans l’essai Taxus VI où le taux de resténose clinique atteint les 10 %). Le suivi à long terme dans l’étude RAVEL fait apparaître le risque de resténose tardive, dont le mécanisme est parfois particulier comme dans ce cas de fracture de stent (figure 10).
Figure 10. Fracture du stent.
Pour ces raisons, d’autres classes de molécules sont déjà sollicitées à l’état de recherche préclinique, telles les glitazones, nouvelle classe d’antidiabétiques active in vivo sur la prolifération des cellules musculaires lisses.
Une autre approche consiste à travailler sur les mêmes molécules mais en optimisant la dose ou la cinétique de relargage. Les études de dose réalisées tardivement avec le sirolimus n’ont pas montré de bénéfice que ce soit avec les doses réduites (de 40 et 70 %) ou augmentées (de 200 %). Celle réalisée avec le paclitaxel (l’essai TAXUS II qui compare, en fait, deux doses délivrées, contrairement à ce qu’une lecture rapide pourrait faire croire) est également négative. En revanche, il existe des indices indirects en faveur d’un relargage étalé sur au moins 30 jours que ce soit avec le paclitaxel ou avec les limus plutôt qu’une libération rapide sur la 1re semaine. Les comparaisons futures des résultats de Zomaxx™ et d’Endeavor™ qui utilisent la même dose de la même molécule devraient apporter une confirmation supplémentaire.
En conclusion
Dans l’avenir d’autres concurrents aux modèles actuels seront développés, même s’il est probable qu’une partie non négligeable de ces projets n’aboutira jamais sur les étagères des salles de cardiologie interventionnelle. La validation ne pourra se faire que de manière comparative et la référence n’est d’ores et déjà plus le stent métallique : c’est donc grâce à une équivalence d’efficacité et de sécurité avec les stents actifs existants que ces nouveaux systèmes pourront être sereinement utilisés dans les situations où l’usage d’un stent actif constitue le meilleur rapport bénéfice/risque pour le patient.
C’est ce mouvement qui créera à moyen terme une classe de dispositif « stent actif », comme s’était constituée de fait une classe « stent métallique » composée de modèles à résultat clinique sensiblement équivalent, même si leur utilisation lors de l’implantation pouvait différer d’un modèle à l’autre.
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