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Polémique

Publié le 30 sep 2011Lecture 9 min

Les sondes double coil sont-elles utiles ?

N. SADOUL, H. BLANGY, E. ALIOT, département de cardiologie, Institut lorrain du Cœur et des Vaisseaux, CHU de Nancy-Brabois. Vandœuvre les Nancy

L’an dernier, le défibrillateur automatique implantable (DAI) a fêté ses 30 ans d’existence mais seuls les plus anciens d’entre nous se souviennent que le système initial était un système compliqué et agressif. Il s’agissait d’une défibrillation épicardique avec deux patchs généralement (idéalement ?) positionnés sur le ventricule droit et sur le ventricule gauche imposant le plus souvent une sternotomie. Le recueil était obtenu par deux électrodes vissées sur le ventricule droit, électrodes de longévité assez réduite tout comme le boîtier qui était en position abdominale.

Un peu d’histoire La défibrillation endocardique en France date de 1990 avec le premier système de sonde commercialisé en France par la société CPI, devenue depuis Guidant puis Boston Scientific. Cette première sonde Endotak® était une sonde double coil relié à un défibrillateur non actif qui restait en position abdominale. D’autres sociétés (Medtronic ou Telectronics, par exemple) avaient même commercialisé une double sonde : une sonde simple coil positionnée à l’époque à l’apex du ventricule droit et un coil de défibrillation qui restait flottant dans la veine cave supérieure ou l’atrium droit. Ce système de double coil était rendu nécessaire car la défibrillation se faisait entre les deux coils puisque les boîtiers abdominaux étaient « inactifs ». La miniaturisation des boîtiers a ensuite permis leur implantation pectorale alors que parallèlement apparaissait le boîtier dit « actif » faisant grossièrement office de patch de défibrillation. Avec ce boîtier actif, le système double coil n’est donc plus impératif et une sonde simple coil peut être suffisante. Plus de 80 % des sondes de défibrillation implantées dans le monde restent des sondes double coil, ce système étant quasi exclusif aux États-Unis, premier pays implanteur de DAI au monde. Régulièrement, la polémique se crée entre les partisans de la sonde double coil qui louent son efficacité dans la défibrillation et les opposants de cette sonde qui lui reprochent son extraction difficile et sa potentielle fragilité. Compte tenu de la différence de taux d’implantation entre les modèles simple et double coil, il est malheureusement difficile de se faire une idée scientifiquement précise sur la supériorité exacte de l’une ou de l’autre. Technique Une sonde de défibrillateur est un concentré de technologie potentiellement fragile. Elle se compose de différents circuits électriques et d’un enrobage de protection fait de polyuréthane, de silicone ou des deux matériaux associés. Les circuits électriques sont composés d’un circuit basse tension bipolaire de détection/stimulation (2 conducteurs), d’un (sonde simple coil) ou de 2 circuits haute tension de défibrillation (sonde double coil). Il y a donc dans une sonde au minimum 3 fils conducteurs (simple coil) et au maximum 4 fils conducteurs (double coil). Avantages théoriques de la sonde double coil par rapport à la sonde simple coil Un seuil de défibrillation plus bas ? L’exponentielle tronquée du courant de défibrillation est liée à la tension de charge du condensateur, sa capacité et à l’impédance de choc, donc aux caractéristiques de la sonde. Le boîtier va générer un courant maximal d’autant plus élevé que la tension du condensateur est élevée, la capacitance du condensateur est basse (80-150 µF) et l’impédance du circuit représentée par la sonde et le myocarde est faible. La sonde double coil a une impédance de défibrillation plus basse (approximativement de 40 à 70 Ω) qu’une sonde simple coil (environ 70 à 90 Ω). Elle offre donc en théorie un meilleur seuil de défibrillation. Ceci était particulièrement vrai pour les études les plus anciennes. Ainsi, dans une étude en aigu réalisée en 1998 lors de la primo-implantation chez 50 patients, Gold et al.(1) ont montré que le seuil moyen de défibrillation était plus bas avec un système double coil par rapport à un système simple coil (8,7 ± 4,0 J vs 10,1 ± 5 J  ; p < 0,001). Des études plus récentes viennent cependant tempérer ces résultats. Ainsi, Schulte et al.(2) ont comparé de façon prospective et randomisée le seuil de défibrillation avec un système simple coil (n = 40) et un système double coil (n = 40). Le seuil de défibrillation était pratiqué à l’implantation et répété avant la sortie du patient. Ces auteurs n’ont trouvé aucune différence entre les groupes puisque le seuil de défibrillation était de 8,4 ± 3,7 J dans le groupe simple coil vs 8,0 ± 3,7 J dans le groupe double coil (p = NS). Plus récemment encore, dans une étude similaire (prospective et randomisée), Rinaldi et al.(3) ont comparé le seuil de défibrillation chez 76 patients, 38 avec sondes simple coil et 38 avec sonde double coil et ont confirmé que le seuil de défibrillation était identique dans les deux groupes (10,2 ± 5,2 vs 10,3 ± 4,1 J respectivement ; p = NS). Il semble donc aujourd’hui que l’argument d’un meilleur seuil de défibrillation ne soit pas supporté par les dernières données scientifiques. En cas d’implantation pectorale droite, la sonde double coil semble encore moins logique puisque le coil proximal se situe devant le boîtier et que les vecteurs de défibrillation coil proximal et boîtier se superposent. Inconvénients potentiels de la sonde double coil Fragilité des sondes de défibrillation Les sondes de défibrillation sont soumises à des contraintes non négligeables et de nombreuses études montrent que la sonde reste le « talon d’Achille » du défibrillateur. Du fait de leur complexité, la longévité des sondes de défibrillation est très inférieure à celle des sondes de stimulation comme en témoigne la figure 1(4). À titre d’exemple, dans une étude monocentrique allemande publiée en 2007 et portant sur 990 patients consécutifs implantés d’un DAI, Kleemann et al.(5) retrouve sur un suivi médian de 934 jours (2,56 ans) un taux de complications lié aux sondes de 15 %. Dans cette étude, le taux de survie des sondes sans complications est à 5 ans de 85 % et de 60 % à 10 ans. À noter que 95 % des sondes dans cette étude avaient été introduites par voie sous-clavière. Les patients avec complications liées aux sondes étaient plus jeunes et plus volontiers de sexe féminin. Il n’est pas fait mention dans cette étude du type de sonde implanté (simple ou double coil). Ce fort taux de complications n’est cependant pas retrouvé dans toutes les études. Ainsi, dans une autre étude multicentrique cette fois (Allemagne et Suisse), publiée dans Circulation en 2008(6) et portant sur 1 317 patients consécutifs implantés d’un DAI, avec un suivi médian de 6,4 ans, le taux de complications liées aux sondes de DAI est beaucoup plus faible : 2,5 % à 5 ans.   Figure 1. Performance des sondes de DAI en fonction du temps. Chaque point représente une étude consacrée au suivi des sondes de DAI. La taille du point est proportionnelle à l’effectif de l’étude. La dégradation de performance des sondes de DAI en fonction du temps apparaît de façon évidente avec une cassure assez nette à partir de 5-6 ans (d’après Maisel(4)). Longévité réduite des sondes double coil par rapport aux sondes simple coil ? En théorie, la simplicité de construction d’une sonde serait donc un gage de plus grande solidité au long cours. Il apparaîtrait ainsi que compte tenu de leur complexité moindre, les sondes simple coil devraient avoir une longévité supérieure à celle des sondes double coil. Cependant, à notre connaissance, aucune étude scientifique n’a montré que la longévité des sondes simple coil était supérieure à celle des sondes double coil. Ainsi, dans l’étude de Erckstein(6) rapportée ci-dessus et portant sur les complications au long cours des sondes défibrillation, le caractère simple ou double coil n’a aucune incidence sur le pourcentage de complications. A contrario, dans le registre Fidelis, il semblerait même que l’incidence de fracture de sondes double coil soit inférieure à celle des sondes simple coil (données Medtronic non publiées). Extraction plus difficile des sondes double coil ? Comme les sondes de défibrillation sont plus fragiles que les sondes de stimulation et sont implantées chez des patients plus jeunes que les patients « stimulés », elles vont souvent devoir être extraites lors de leur remplacement. Jusqu’au début des années 2000, l’extraction des sondes double coil avait « mauvaise réputation ». Dès 1999, l’école lilloise avait souligné la difficulté d’extraction de ces sondes double coil(7). Dans cette étude qui porte sur un très faible nombre de sondes extraites (n = 15), ces auteurs insistent sur le fait que le coil proximal était souvent adhérent à l’endoveine, rendant potentiellement risquée l’extraction. Ils soulignent le risque de déchirure de la veine et surtout la nécessité d’une extraction combinée par voie haute et par voie basse. Il faut cependant reconnaître que les sondes double coil implantées lors du dernier millénaire étaient des sondes de gros calibre (11 F), non isodiamétriques et à fixation passive (figure 2)(8). L’avènement depuis quelques années de l’extraction laser, de sondes isodiamétriques (c’est-à-dire dont les coils sont du même diamètre que le corps de la sonde), de coils traités (cf. plus bas), de sondes de plus faible diamètre (9 ou 8 F) voire même peut-être de trop faible diamètre (7 F Fidelis) associé à la généralisation de la fixation active ont franchement changé la donne (figures 3 et 4)(8). Dans une étude récente(9), l’équipe de la Cleveland Clinic a comparé l’extraction des sondes de DAI conventionnelles (n = 284) (groupe conventionnel) et celles plus récentes de sondes avec coils traités (sondes Gore-Tex ou ePTFE pour expanded polytetrafluoroethylene et sondes MABF pour medical adhesive back-filled) et isodiamétriques (n = 45) (groupe traité). Dans cette étude, le taux de sondes double coil dépasse les 85 % rendant illusoire la comparaison simple coil et double coil. Par contre, elle montre que le temps nécessaire à l’explantation est plus court dans le groupe traité par rapport au groupe conventionnel (90,4 vs 130 minutes ; p < 0,001) avec un temps d’irradiation également plus court (3,32 vs 8,33 minutes ; p < 0,001). Cette différence persiste après appariement des sondes en fonction de l’ancienneté d’implantation. Si cette étude n’était pas destinée à comparer l’extraction des sondes simple coil et des sondes double coil, elle souligne cependant l’amélioration apportée par le traitement des coils sur la « facilité » de l’extraction. La principale critique apportée aux sondes double coil qui était leur adhérence potentielle sur le trajet veineux semble donc ne plus véritablement exister aujourd’hui. Ceci doit cependant être vérifié par des études futures portant sur des extractions de sondes encore plus anciennes, avec idéalement, appariement sonde simple coil vs sonde double coil.   Figure 2. Anciennes sondes de défibrillation.  A : Sonde Transvene® (Medtronic) ; B :  Endotak® (CPI) ; C :  TVL/SPL (Ventritex) ; D :  TVL-ADV 1559 (St Jude Medical). Le caractère non isodiamétrique de la sonde est particulièrement visible sur la sonde Endotak® (B) (d’après(8)). Figure 3. Sondes de défibrillation actuelles. En haut, modèle Durata (St Jude Medical) à fixation active. En bas, modèle Sprint Quattro (Medtronic) à fixation passive. Ces deux sondes sont isodiamétriques (d’après(8)). Figure 4. Sonde Endotak Reliance® G (Boston Scientific) double coil. Les deux coils sont recouverts de Gore-Tex (ou ePTFE) destiné à empêcher la prolifération cellulaire endoveineuse et l’adhérence du coil contre l’endoveine et ainsi faciliter l’extraction (d’après(8)). Conclusion Au vu de la littérature, il apparaît que les sondes double coil ne sont ni supérieures ni inférieures aux sondes simple coil. Leur avantage supposé représenté par un meilleur seuil de défibrillation n’est pas confirmé par les études les plus récentes. Leurs inconvénients supposés, fragilité accrue et extraction plus délicate, ne sont pas non plus confirmées par les études récentes. Il semble donc que l’on s’oriente vers un match nul entre ces deux types de matériel. Le choix de l’une ou de l’autre apparaît aujourd’hui surtout dicté par des habitudes personnelles. Par contre, il semble à la revue de la littérature que les sondes à fixation active sont à préférer aux sondes à fixation passive, qu’elles soient simple ou double coil.

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